31 mai 2017
"Nouveau ministre de l’Intérieur et des Cultes, Gérard Collomb hérite d’un portefeuille sensible dans un pays où la laïcité est malmenée. Le pandore lyonnais arrivé Place Beauvau sera-t-il à la hauteur de l’enjeu ? Détour par la capitale des Gaules, où les rapports entre Gérard Collomb et les religions frôlent la collusion.
Croix de bois, croix de fer... Lors de la passation des pouvoirs avec l’éphémère Matthias Fekl, Gérard Collomb, habité par ses nouvelles fonctions de ministre de l’Intérieur et des Cultes, a fait part à la nation de sa conception de la laïcité. « Je reprendrai la laïcité telle que défendue par Aristide Briand dans la loi de 1905. Il disait que cette loi est une liberté [...]. La liberté pour celles et ceux qui croient de pratiquer librement leur religion tant qu’elle ne fait pas obstacle à la loi de la République. C’est ainsi que nous concevrons la liberté des cultes. » Paroles d’évangile ou promesses de politicien ? Qui croire : le nouveau ministre qui fait le job ou l’ex-maire de Lyon qui, en 2013, devant le synode de l’Église protestante unie de France, déclarait : « Je ne suis pas de ceux qui veulent reléguer les religions dans la sphère de l’intime. Je crois au contraire qu’elles ont toute leur place dans la vie de la cité. »
Les citoyens et habitants de la capitale des Gaules en savent quelque chose. Inventeur d’une laïcité oecuménique - ou de « gratitude », selon le terme dénué d’ambiguïté de son ami le cardinal Barbarin [1] -, Gérard Collomb rend visite au pape en compagnie de Laurent Wauquiez, le très droitier président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. L’élu local participe aussi à la cérémonie du voeu des Échevins [2] qui, chaque année, bénit « sa » bonne ville. Pour ne pas faire de jaloux, il organise la rupture du jeûne du ramadan dans les salons de la mairie. Et, s’il a mis en place des repas sans viande à la cantine, ce n’est pas par militantisme végétarien, mais pour plaire aux plus intégristes des parents musulmans et juifs, pour qui la viande non halal ou non casher pourrait souiller toute l’assiette des petits gones... Une telle ouverture d’esprit envers les desiderata les plus sectaires n’a pas échappé aux responsables de l’Église mormone. Trouvant le climat rhônalpin favorable, ils ont décidé de transférer leur siège suisse dans la bonne ville de Polichinelle. Défense de rire. Ce n’est pas drôle.
Car ce n’est pas tout. L’élu socialiste est aussi très généreux. Question deniers publics, c’est open bar pour les religions ! Si, comme le note le journaliste Paul Terra dans Lyon Capitale [3] , « le maire de Lyon n’a jamais enfreint la loi de 1905 » , il excelle dans la confusion des genres. Certes, « les collectivités qu’il préside n’ont jamais versé de subventions directes à des établissements religieux. En revanche, [...] Gérard Collomb a profité d’un flou entre le cultuel et le culturel pour soutenir des projets portés par des religieux ». La liste des largesses de notre saint Gégé est longue, « subventions à l’espace Hillel, un centre culturel juif, à l’Espace culturel du christianisme à Lyon ou à la fondation pour Fourvière (la basilique qui domine Lyon et qui constitue l’épicentre du diocèse de Lyon) » , recense le journal. Le futur Institut français de civilisation musulmane, adossé à la mosquée, bénéficie aussi de la générosité du maire (1 million d’euros de la Ville de Lyon, et 1 million d’euros de la métropole - le maire étant également président du Grand Lyon).
Cocktails explosifs
Dans une sécularisation à l’envers dont il a le secret, Gérard Collomb a aussi mis en place, dès 2003, Concorde et solidarité, une association qui fleure bon l’ingérence religieuse dans la sphère publique. « Depuis 2002, les représentants des grandes religions avec le maire de Lyon oeuvrent à la paix sociale et à la mise en place de projets communs de partage, de solidarité et de fraternité, dans le respect des croyances de chacun », peut-on lire sur le site officiel de la Ville de Lyon.
Est-ce bien le rôle d’un élu de la République ? Il est vrai que seize ans de gestion « collombienne » ont brouillé les repères et fait de Lyon une sorte de Concordat qui, contrairement à l’Alsace-Moselle, ne dit pas son nom. Un laboratoire aussi où des cocktails explosifs entre politique et religion s’élaborent. Ou l’une a besoin de l’autre, et vice versa.
Et au niveau national, que peut présager une telle compréhension républicaine envers les religions ? Après le dézingage des acquis sociaux et des services publics, programmé par Macron, la mise à mal, faute de subventions publiques, des associations de solidarité, que restera-t-il alors, sinon la charité et les croyances d’un au-delà meilleur pour endiguer les colères sociales ? Macron et Collomb, deux hommes En marche ! mais vers le Moyen Âge.
Natacha Devanda"
[1] En 2016, le cardinal lyonnais avait minaudé avant de condamner - mollement - un prêtre pédophile de son diocèse. Il s’était félicité tout d’abord que « tous ces faits, grâce à Dieu, [soient] prescrits », avant de demander pardon aux victimes.
[2] Le voeu des Échevins célèbre la Vierge Marie pour avoir « sauvé » la ville de la peste. Dans la continuité des anciens maires de droite Michel Noir et Raymond Barre, Gérard Collomb assiste chaque année à ce folklore bondieusard qui place la commune « sous protection divine ».
[3] Site Internet de Lyon Capitale, le 18 mai 2017 (lyoncapitale.fr).
Voir aussi "La laïcité à la sauce lyonnaise" (F. Braize et J. Petrilli, slate.fr , 4 déc. 13), "Prêtre soupçonné de pédophilie : le cardinal Barbarin connaissait son passé depuis 2007-2008" (francebleu.fr , 11 fév. 16), "La République n’est pas à brader pour quelques votes" (GODF, 8 déc. 16), "Lyon : terre d’un futur "concordat oecuménique" ?..." (ADLPF, 27 sept. 13), les rubriques 260 élus d’ARA en "pélerinage" chez le pape (30 nov. 16), Lyon, Auvergne-Rhône-Alpes (note du CLR).
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales