Contribution

G. Konopnicki : Ce matin, j’ai pensé à une catholique niçoise, Juste parmi les nations (29 oct. 20)

Guy Konopnicki, journaliste, écrivain, chroniqueur à Marianne. 31 octobre 2020

Ce matin, j’ai pensé à une catholique niçoise. Elle s’appelait Clémentine Riccobono. C’était une vieille dame, institutrice à la retraite, que nous allions voir chaque été, lorsque nous revenions à Nice. Sans elle, je n’aurais sans doute pas vu le jour. Mes parents étaient ses locataires, en 1943, sur les hauteurs de Nice, dans le quartier Saint Maurice.

Le 10 septembre 1943, la Gestapo, conduite par Alois Brunner en personne, commença les rafles de juifs. Clémentine Riccobono décida alors de cacher dans sa propre chambre mon père, ma mère et ma soeur Marlène, auxquels il fallut ajouter mon grand-père maternel, jusque-là interné par les Italiens. Puis d’autres, ils furent jusqu’à onze juifs, serrés dans cette chambre, tandis que les hommes de Brunner allaient de maison en maison, à la recherche des juifs. Les rafles durèrent, plusieurs jours, plusieurs nuits. Clémentine Riccobono veillait sur notre famille, assurait le ravitaillement et ne laissait aucun des mouchards français s’approcher de la maison. Elle rassurait ma soeur, âgée de sept ans. Clémentine Riccobono savait qu’elle risquait de partager le sort des juifs, si par malheur la Gestapo découvrait la cache. Et elle savait, aussi, que mes parents étaient engagés dans la Résistance. Après les quelques jours de rafle, mes parents s’installèrent dans une imprimerie clandestine et ma soeur fut cachée dans une pension tenue par un couple d’instituteurs communistes. Ils gardèrent toujours le contact avec Clémentine. Elle ne demandait rien, et c’est à titre posthume qu’elle a reçu le titre de Juste parmi les nations. Son nom figure à Yad Vashem et au Mémorial juif de Paris.

Ce matin, en l’église Notre-Dame de Nice, quand une femme catholique a été égorgée par un islamiste, j’ai vu en elle Clémentine Riccobono. Dans cette même église, elle entrait, allumait un cierge et s’agenouillait pour prier.

Je partage la douleur et la colère des Niçois. Je suis Charlie, militant de la République laïque, et je suis aujourd’hui catholique niçois, par solidarité face au terrorisme, bien sûr, et parce que je le dois au souvenir de Clémentine Riccobono, catholique niçoise, Juste parmi les nations.

Guy Konopnicki

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