Frédéric Thiriez, avocat auprès du Conseil d’État et de la Cour de cassation, ancien président de la Ligue de football professionnel. 24 décembre 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"[...] La loi de 1905 est un monument historique qui repose sur deux piliers seulement : la liberté de conscience et de culte d’une part, la séparation de l’Église et de l’État d’autre part. Elle ne dit rien sur la laïcité dans la société civile. Certes, il y a eu depuis des lois spécifiques, par exemple la loi interdisant le voile intégral dans l’espace public, et la loi de 2004 qui interdit le port de signes religieux à l’école. Le Code du travail a lui été modifié en 2016 pour permettre au règlement intérieur de l’entreprise de proscrire, sous certaines conditions, le port de signes religieux. Ces ajouts restent cependant insuffisants, ne serait-ce que parce qu’ils ne concernent qu’une dimension de la vie en société. Pour preuve, la loi de 2004 sur l’école n’est pas respectée, comme en témoignent quotidiennement les enseignants et proviseurs. De même, si le Conseil d’État a validé l’interdiction du burkini dans les piscines publiques, ce dernier demeure autorisé sur les plages, sauf menace à l’ordre public… Comment expliquer cela aux plus jeunes ? Le football français attend quant à lui avec inquiétude le verdict du Conseil d’État sur la question du port du voile par les footballeuses. Tout ceci n’est ni clair, ni cohérent. Dans tous ces domaines, les réponses sont incertaines et donnent lieu à une jurisprudence tâtonnante.
L’incertitude est d’autant plus grande qu’au-dessus de la loi, il y a le Conseil constitutionnel et les juridictions européennes, notamment la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Le Conseil constitutionnel apparaît assez solide sur ses positions laïques – il a validé l’interdiction de la burka sur l’espace public et la loi de 2004 sur l’école – mais validerait-il pour autant une loi interdisant par exemple le port de tenues religieuses dans l’espace public ? La CEDH est quant à elle très ouverte à l’approche dite “inclusive”. Elle a notamment une jurisprudence sévère sur les discriminations dites “indirectes”. De quoi s’agit-il ? Quand une loi interdit les signes religieux dans la rue, elle vise toutes les religions, l’islam tout aussi bien que les religions juive ou catholique. Il n’y a donc pas de discrimination “directe”. Mais pour la Cour il apparaît qu’en pratique, l’interdiction risque d’aboutir à un désavantage particulier pour une religion déterminée, ce qui traduirait une discrimination “indirecte”. La loi pourrait alors être censurée au nom de la Convention européenne et, à ce titre, déclarée inapplicable par n’importe quel juge français…
La meilleure manière de conforter la laïcité à la française est que le droit français reprenne le dessus, et qu’il le fasse en consacrant la laïcité de manière générale comme un prolongement des si beaux principes de liberté, d’égalité et de fraternité de notre devise nationale. Cela suppose de “constitutionnaliser” la laïcité.
En effet, la Constitution est en l’état quasiment muette sur la laïcité, se contentant d’affirmer à l’article 1er que la France est “une république indivisible, laïque, démocratique et sociale”. Le mot laïque n’est défini nulle part. Réviser la Constitution de sorte à y définir la laïcité mettrait celle-ci à l’abri d’une possible censure de la part du Conseil constitutionnel ou de juridictions comme la CEDH. [...]
En résumé, cette réforme constitutionnelle étend le domaine de la laïcité à l’espace public, vise les partis politiques religieux et le communautarisme, et renforce les exigences minimales à respecter touchant à la dignité et à l’égalité. [...]"
Lire "Frédéric Thiriez : "Il faut constitutionnaliser la laïcité""
Voir aussi le colloque du CLR VIDEO Colloque "Sport et laïcité" (CLR, 22 oct. 22), la VIDEO Prix de la Laïcité 2022. Annie Sugier : "Le voile signifie concrètement et symboliquement la séparation des femmes et des hommes" (Prix de la Laïcité, 9 nov. 22) dans Prix de la Laïcité 2022,
dans la Revue de presse le dossier La Loi de 1905 dans la Constitution ? dans la rubrique Séparation,
A. Sugier, L. Weil-Curiel, F. Thiriez : "Le principe de neutralité du sport est un outil encore plus puissant que la laïcité" (Charlie Hebdo hors-série, nov-déc. 22), "Alliance citoyenne, l’association pro-burkini derrière Piolle" (Le Parisien / Aujourd’hui en France, 10 mai 22), "« Couple kabyle », « malades », « FN »... : l’étrange listing de l’association Alliance citoyenne" (Le Parisien / Aujourd’hui en France, 10 mai 22) dans le dossier Burqini à Grenoble dans la rubrique Burqini dans Voile & vêtements ; les rubriques Baignade en public, Grenoble ; Voile et vêtements dans le sport, Salles de sport : vêtements dans Sport ;
les communiqués du CLR La neutralité religieuse sur les terrains de foot protège, rassemble et unit (CLR, 11 fév. 22), Burqini : l’acharnement islamiste contre les femmes (CLR, 4 mai 22),
dans les Documents le Vade-mecum "Liberté d’expression, neutralité et laïcité dans le champ des activités physiques et sportives" (Conseil des sages de la laïcité, mars 22), le dossier Sport,
la note de lecture A. Sugier, L. Weil-Curiel et G. Biard : Les JO otages du politiquement correct islamiste par Patrick Kessel ; le livre "Femmes voilées aux jeux olympiques", d’Annie Sugier (Jourdan éditeurs) ;
dans les Initiatives proches la Ligue du droit international des femmes (LDIF) (note du CLR).
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales