Revue de presse

"Enseignement supérieur : le nombre de formations en anglais a bondi de 60 % en cinq ans" (Le Figaro, 3 août 19)

4 août 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Les cours en anglais se sont généralisés dans les établissements avec pour objectif d’attirer davantage les étudiants étrangers, notamment les Chinois et les Indiens, peu friands d’étudier le français.

Tout un symbole. En octobre 2017, après l’École supérieure de commerce de Dijon devenue Burgundy SB, l’ESC Troyes s’anglicisait à son tour en se rebaptisant South Champagne Business School. Cette même année, Polytechnique ouvrait un bachelor tout en anglais à 12.000 euros l’année pour les étudiants européens. Et à 15.000 euros pour les non-européens.

Les cours en anglais se sont généralisés dans ces écoles avec pour objectif d’attirer davantage les étudiants étrangers, notamment les Chinois et les Indiens, peu friands d’étudier le français. Après tout, le management n’a-t-il pas été inventé aux États-Unis ? Quant au monde de la recherche, ne travaille-t-il pas pour l’essentiel en anglais ? Sur les campus, le credo du « tout-anglais » va bon train, sans trop faire débat.

Campus France comptabilise au moins 1516 formations de niveaux licence ou master totalement ou partiellement en anglais en 2019, soit une augmentation de 60 % en cinq ans. Certes, les filières scientifiques, commerciales et celles de l’ingénierie représentent la majorité de ces formations privées et publiques. Les sciences humaines représentent 11 % de ces diplômes même si de nombreuses filières restent quasi exclusivement francophones. Il n’est pas question d’étudier Balzac ou le droit pénal français en anglais…

Un master de l’ENS tout en anglais

S’il reste minoritaire, le mouvement semble inexorable. Pourtant, en 2013, lorsque Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur, avait décidé de faciliter la création de cours en langue étrangère, la polémique politique avait été vive. Il s’agissait d’élargir les exceptions à la loi Toubon, selon laquelle le français est la langue du service public d’enseignement supérieur. En contrepartie, les formations en anglais dispensées par les universités et écoles ne peuvent l’être que « partiellement ». Les étudiants étrangers reçoivent des cours de français. Il faut aussi que l’établissement justifie l’intérêt de cet enseignement en anglais. Cette mesure avait fait l’objet de débats entre les tenants de la francophonie et ceux, poussés par les universitaires, préconisant une ouverture internationale. À la Conférence des présidents d’université (CPU), on estimait que cette loi ne faisait que reconnaître « un état de fait ». D’aucuns considérant que la loi Fioraso était encore bien timorée.

De fait, les cursus 100 % en anglais peuvent toujours être considérés comme illégaux. Mais les juridictions commencent à leur être favorables. Au grand dam d’une association militant pour la défense de la langue française, en 2017, la cour administrative d’appel de Paris a autorisé l’École normale supérieure à ouvrir un master de physique tout en anglais. La juridiction a considéré que l’enseignement de ce master est bel et bien international, relève l’inspecteur honoraire de l’Éducation nationale, Bernard Toulemonde : la formation y est dispensée dans le cadre du centre « international » de physique fondamentale de l’ENS, « laboratoire d’excellence » sélectionné par un « jury international » et destiné à développer « l’internationalisation des projets » et à « attirer des étudiants étrangers », d’ailleurs majoritaires, « ce qui implique que les cours soient dispensés en anglais ».

Que l’on prenne en considération la loi Toubon ou Fioraso, les scientifiques français n’ont jamais autant cherché ni enseigné en anglais. En 2013, l’Institut national d’études démographiques pointait déjà dans une étude à quel point l’anglais était devenu la langue vernaculaire dans plusieurs domaines d’enseignement et de recherche. Elle y observait que près d’un quart des universitaires français et la moitié des chercheurs avaient déjà enseigné en anglais, un chiffre qui a certainement augmenté depuis cette date. Au sein des activités de recherche, l’anglais se situe entre « le monopole et la domination ».

Si 42 % des chercheurs se sentaient limités dans le maniement de l’anglais, 77 % jugeaient qu’il était « devenu d’usage si courant dans la recherche que le choix de la langue ne se pose plus ». Une idée qui ralliait même 90 % des chercheurs nés dans les années 1980 ! Au sein des laboratoires, 83 % des directeurs estiment que « la langue la plus utilisée dans leur propre domaine est l’anglais, le plus souvent en situation de monopole ». Pour 10 % seulement, c’était le français. Même en sciences humaines, il est devenu courant d’alterner le français et l’anglais."

Lire "Enseignement supérieur : le nombre de formations en anglais a bondi de 60 % en cinq ans".


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier "Le franglais gagne du terrain" (Le Figaro, 3 août 19) et la rubrique Anglais à l’université (loi Fioraso) dans Langue française ; dans les DOCUMENTS la rubrique Langue (note du CLR).


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