Contribution

En Marche vers le communautarisme (C. Ruche)

par Claude Ruche. 7 juillet 2017

Une députée de la République, élue de Mayotte, peut-elle afficher son identité particulière, son appartenance communautaire ou sa croyance religieuse à l’Assemblée Nationale ? C’est la question que se pose le baromètre social du temps, à savoir les réseaux sociaux à travers lesquels la frange la plus libérale de l’opinion publique entend définir de nouvelles règles communes du « vivre séparés ».

Il y a 15 ans, alors que je visitais le musée des arts islamiques d’Istanbul, je fus surpris d’y croiser un nombre considérable de femmes voilées qui déambulaient dans les couloirs sans prêter la moindre attention aux magnifiques œuvres d’art accrochées sur les murs de cet ancien palais ottoman. Je fis part de mon étonnement à mes amis turcs qui m’expliquèrent qu’il s’agissait d’une stratégie mise en place par les islamistes afin de familiariser les touristes à la vision de femmes voilées. Ils ajoutaient que l’islam n’était pas pressé et procédait par petites touches, facilement acceptables et qui se concrétisent par une occupation effective de l’espace.

C’est exactement la même stratégie que les islamistes ont adoptée sous nos latitudes : de petits pas, réguliers et insignifiants en apparence. En apparence seulement car, lorsque le port du voile devient majoritaire sur un territoire, la pression sur les femmes qui refusent de le porter se fait plus précise et plus exigeante. C’est ce que nous pouvons constater tous les jours dans les quartiers populaires quoi qu’en disent certaines députées de la France Insoumise.

C’est ce genre de petit pas que vient de franchir la députée LREM de la 1ère circonscription de Mayotte, madame Ramlati Ali, qui déambule désormais la tête couverte d’un voile dans les couloirs de l’Assemblée Nationale. Dans une interview accordée à L’Opinion, elle nous explique que son voile n’en est pas un mais qu’il s’agit en fait d’un châle traditionnel mahorais, légitime en ces lieux puisqu’elle a été élue, précise-t-elle, pour représenter les intérêts des habitants de Mayotte qui, nul ne l’ignore, sont à une écrasante majorité, musulmans. Afin de couper court à la polémique naissante, elle ne manque pas de préciser qu’elle se respecte en tant que mahoraise et que ceux qui y trouveraient à redire seraient forcément d’extrême droite et par définition, racistes.

Nous pouvons donc nous rassurer ; il ne s’agit pas d’un voile mais d’un châle et ce n’est pas religieux mais mahorais. D’ailleurs, Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, interrogé par Franceinfo, nous explique que Madame Ali a « le droit de porter un signe religieux puisqu’un élu, de fait, n’est pas neutre. Il n’est ni neutre politiquement, ni neutre religieusement ». Et en effet, si l’on considère le sujet d’un point de vue strictement juridique, il a raison mais c’est alors faire fi de la morale républicaine. Lorsque madame Ali se trouve à l’Assemblée Nationale, elle n’est plus une mahoraise, elle est une élue de la République et à ce titre elle est amenée à voter des lois qui sont par nature universelles, c’est à dire qu’elles doivent s’appliquer à tous les citoyens de la même manière sans distinction d’origine, de race ou de religion. Il s’agit là d’un des fondements de l’égalité républicaine. Il est alors moralement inacceptable qu’un ou qu’une élu de la République fasse étalage de ses différentes identités ou appartenances ethniques, tribales, religieuses ou corporatistes au risque de voir le Parlement se transformer en lieu d’affrontements communautaires. Les députés sont les représentants du Peuple et votent les lois au nom du peuple et certainement pas au nom des mahorais, des bretons ou des corses. Cette unité a un nom, c’est l’indivisibilité de la République et le châle de madame Ali, qu’on le veuille ou non, est en rupture avec cette unité.

Nous aurions tort de considérer cet incident comme insignifiant car il fait écho à un tweet écrit, le 28 juin dernier par Marlène Schiappa, Secrétaire d’État à l’Égalité Femme-Homme : « Nos politiques publiques d’égalité femmes hommes, écrit-elle, doivent être adaptées à la spécificité de chaque territoire. ». "Adapter l’égalité" est un oxymore des plus inquiétant et madame la ministre devrait se rappeler qu’il y a 15 ans, la Turquie était une république laïque, mais ça c’était avant...

Claude Ruche


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