Revue de presse

Elisabeth Lévy : "Comment peut-on être islamophobe ?" (Causeur, oct. 12)

13 octobre 2012

"« Rien à voir » : au lendemain de l’arrestation d’une quinzaine de candidats au djihad présumés, cette formule était psalmodiée en boucle par des commentateurs terrifiés à l’idée que l’on pût faire un lien entre islam et islamisme, le premier n’ayant, répétaient-ils, « rien à voir » avec le second. [...]

La lutte contre l’amalgame a donné naissance à ce que j’ai baptisé le « Parti du “mais” » : il est désolant qu’il y ait des victimes, mais on se demande si elles n’ont pas un peu cherché les ennuis. La violence islamiste est intolérable, mais la provocation islamophobe est insupportable. Fallait pas mettre de mini-jupe, ma fille, si tu ne voulais pas te faire violer. [...]

Pour le « Parti du “mais” », les vrais coupables ne sont pas ceux qui tuent à Benghazi ou vocifèrent à Paris, mais les irresponsables qui chatouillent sans précaution une susceptibilité islamique bien compréhensible : la vidéo « anti-islam » a provoqué la mort de l’ambassadeur américain en Libye, les dessins de Charlie Hebdo des émeutes meurtrières à Karachi.
Quant à la dérive potentiellement assassine et divinement inspirée de nos petits voyous fanatisés (qu’ils aient été vraiment dangereux ou pas ne change pas grand-chose à l’analyse), elle a été provoquée conjointement par la pauvreté et le racisme ambiant. Sans oublier le cruel manque d’imams dans les prisons : la candeur des nigauds de gauche ressassant, sans le comprendre, cet argument zemmourien − en l’occurrence qu’il y a une majorité de musulmans dans les prisons françaises − aurait été fort divertissante si on avait le droit de rire de tout, y compris de questions fort sérieuses.

Tout aussi tordante était leur insistance à rappeler que la dernière cuvée d’ex-futurs- martyrs était largement constituée de « Français convertis ». Comme, en l’occurrence, ils voulaient parler de « de souche » convertis, on a vaguement l’impression que, pour eux, un Blanc n’est pas tout à fait un musulman comme les autres.
Certes, dans leur esprit, cette insistance visait à disculper l’islam de toute responsabilité dans le fanatisme de quelques-uns ; seulement, du même coup, ils avouaient que, pour eux, musulman n’est pas une religion mais une race. Grâce à cette pirouette, quiconque osant dire qu’il n’aime pas la première peut-être accusé de détester la seconde. Comme le montre Pascal Bruckner, tout l’intérêt du terme « islamophobie » est d’organiser cette confusion sémantique. L’islamophobe n’est pas un anticlérical, mais un raciste. [...]

Je persiste à penser que la réponse de la France de 1789 est toujours d’actualité et que nos dieux doivent être suffisamment adultes pour accepter qu’on se paie leur tête sans faire trop d’histoires, autrement dit que les inconvénients de la liberté sont plus acceptables que ceux de la censure. [...]

Certains pensent que nous sommes obsédés par l’islam. Bruno Maillé voit même dans cette obsession présumée l’un des symptômes de notre désarroi métaphysique. Peut-être, mais puisque bon nombre de Français et d’Européens semblent atteints par la même pathologie, il faut tout de même se demander d’où elle vient : de nos cerveaux malades ou de la réalité ? De même que les paranoïaques ont des ennemis et les hypocondriaques des maladies, il doit bien arriver que les obsédés soient confrontés à des sujets obsédants. [...]"

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