Intolérances, communautarismes, islamisme radical, xénophobie identitaire, menaces sur l’égalité entre hommes et femmes, paix civile fragilisée, la situation est grave. La société française est en crise. L’élection présidentielle doit replacer la société au cœur de la République.
Dans cette perspective, le Comité Laïcité République a lancé un Manifeste, signé par une cinquantaine de personnalités, publié dans la presse. Aujourd’hui, il apporte sa contribution au débat en avançant un ensemble de propositions destinées à traduire la laïcité en actes. Il appelle chaque candidat républicain à prendre clairement position sur cette question décisive.
Le CLR leur demande de s’engager à :
- faire appliquer la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, trop souvent réduite à une simple liberté religieuse, et mettre un terme à des interprétations et accommodements de plus en plus libéraux qui la vident de son contenu ;
- faire appliquer les lois qui ont institué la neutralité de l’école publique, notamment celle de 2004 sur l’interdiction du port de signes ostensibles religieux à l’école ;
- prévoir les dispositions pour garantir la neutralité dans les crèches, les hôpitaux, les universités, les entreprises (comme vient de le faire la Cour de justice de l’Union européenne) ;
- refuser toute dérogation au principe, non négociable, d’égalité en droit entre hommes et femmes et entre citoyens en fonction de leurs origines ;
- défendre le droit à l’IVG, le libre choix de l’orientation sexuelle jusqu’au droit au mariage des couples de même sexe, ainsi que le droit à mourir dans la dignité ;
- défendre la dimension sociale de la République, indissociable de la laïcité. Egalité de tous devant la loi indépendamment de la couleur, l’origine, la religion, dans l’accès aux droits économiques et sociaux.
- engager la sortie progressive et concertée de tous les régimes dérogatoires des cultes.
Au-delà du respect de ces grands principes consubstantiels à la République, le CLR formule les propositions suivantes.
NOS PROPOSITIONS
I- Institutions et service public
- Inscription dans la Constitution du Titre premier de la loi de 1905.
Objectif : donner aux pouvoirs locaux les moyens de résister aux pressions des lobbies communautaristes en matière de financements publics. De nombreuses associations dites culturelles sont ainsi financées par des fonds publics alors qu’elles sont le faux-nez d’associations cultuelles ou communautaristes qui militent en faveur de discriminations.
A cette fin, inscrire dans la Constitution les articles 1 et 2 de la loi de 1905 et en particulier le principe selon lequel « la République ne reconnait, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » (article 2 de la loi de 1905). Cette proposition avait été retenue par le candidat François Hollande, inscrite dans son programme puis retirée à la demande des élus d’Alsace-Moselle.
- Instauration d’un service civique national, obligatoire, universel, civil ou militaire, d’une durée de 6 à 12 mois.
À côté d’un bilan de santé, d’un bilan de compétences, d’une proposition d’orientation et de formation professionnelle, ce service comporterait une formation civique aux droits et devoirs de la citoyenneté et proposerait des engagements de solidarité. Il donnerait l’occasion à des jeunes de réellement « vivre ensemble » et de servir.
- Renégociation des accords bilatéraux avec les pays imposant des contraintes religieuses à des Français épousant en France l’un de leurs ressortissants (conversion, etc.).
- Abrogation progressive et concertée de tous les statuts dérogatoires des cultes encore existant sur le territoire national afin de les mettre en conformité avec l’article 1er de la Constitution.
- Mise en place d’une mission laïcité (et non d’instances inter-religieuses) auprès de chaque préfet.
- Établissement d’une stricte égalité de traitement entre les organisations religieuses et philosophiques dans les médias relevant du service public.
- Observatoire de la laïcité
Constat : l’expérience de l’Observatoire n’a pas été concluante dès lors qu’il a fondé ses travaux sur le principe qu’il « n’y a[urait] pas de problèmes de laïcité en France » [1] .
Une telle instance, politiquement indépendante, devrait pouvoir informer de l’état de la législation mais aussi constater les manquements et formuler des propositions d’évolution, d’ordre réglementaire ou législatif comme le fit la mission Laïcité de l’ancien Haut Conseil à l’Intégration.
Ces fonctions pourraient être transférées à un office parlementaire mixte à la laïcité, Assemblée nationale-Sénat, qui réaliserait chaque année un rapport sur l’état de la laïcité en France, transmis au gouvernement et qui ferait l’objet d’un débat sans vote dans les assemblées. Celui-ci serait publié le 9 décembre, journée nationale de la laïcité. Il aurait mission de lancer des campagnes publiques d’information sur le thème « tous citoyens libres et égaux ».
- Création d’un nouveau Haut conseil à l’intégration, dont le rôle est essentiel à la mise en œuvre de la politique de l’Etat dans ce domaine.
II- Enseignement
- Réinstituer l’école « lieu sacré » de la République : en faire le chantier prioritaire du quinquennat.
Sa première mission est d’instruire les enfants afin de les préparer à devenir des citoyens libres, égaux et responsables, quelles que soient les origines et appartenances des parents. Pour cela, elle doit se concentrer sur la maîtrise des outils de la connaissance et la capacité à penser par soi-même.
- Dégager en faveur de l’enseignement public les moyens nécessaires à son fonctionnement.
Proposition : abroger les dispositions de la loi Carle qui parachèvent la loi Debré (et ont institué la parité entre enseignements public et privé en matière de financement public) et les accords Lang-Cloupet.
Revenir progressivement par une rénovation profonde de l’organisation et des moyens de l’école publique sur les lois Guermeur et Debré, jusqu’à leur abolition.
- Mettre l’accent sur la formation des enseignants à la laïcité.
Unifier les horaires de l’enseignement moral et laïque en ESPE.
- Interdire le port de signes ostensibles d’appartenance religieuse dans les formations d’enseignants comme dans toute formation d’élève-fonctionnaire ou de travailleur social et d’animateur.
- Rénover la politique des activités scolaires et remplacer les activités de « garde » par la généralisation des activités culturelles (cours de musique, théâtre, cinéma, ateliers d’écriture, etc.). Restituer l’Ecole aux enseignants, accompagnés de professionnels des domaines d’activité qu’ils auront choisis, soumis au respect des principes de laïcité.
- Instaurer le port d’un vêtement commun dans les salles de cours du primaire et du secondaire (cela se pratique fréquemment outre-mer).
- Interdire le port de signes ostensibles religieux dans les situations d’enseignement à l’université (salles de cours, salles de TD, laboratoires, etc.) afin de préserver la liberté critique de l’enseignement et de la recherche, qui est au cœur de la fonction universitaire.
Objectif : lutter contre les discriminations sociales, régler la question du port de vêtements participant d’un prosélytisme religieux, promouvoir le principe d’égalité entre tous les élèves, y compris à l’université.
- Revenir au monopole de collation des grades universitaires.
Abrogation de l’accord avec le Vatican sur la reconnaissance de grades et diplômes de l’enseignement supérieur catholique.
- Garantir la neutralité religieuse des parents agissant dans le cadre scolaire, y compris lors des sorties pédagogiques.
III- Société
- Crèches : neutralité vestimentaire et comportementale du personnel des crèches associatives afin de garantir les droits de l’enfant, dont la liberté de conscience.
- Protection de l’enfance : interdiction du voilement des enfants mineurs, au nom de la protection contre les dérives sectaires.
- Hôpitaux : assurer la liberté de soins en particuliers des femmes et des enfants soumis aux pressions familiales limitant la capacité d’action des équipes médicales.
Conforter par la loi et par une réglementation claire et appliquée la liberté des équipes médicales et leur sécurité face aux exigences et aux violences communautaristes.
- Prisons : à côté des aumôneries religieuses, face à l’influence des mouvements extrémistes, recruter des conseillers laïques en nombre suffisant pour apporter un soutien aux détenus, quelles que soient leurs convictions,
- Instauration le 9 décembre d’une Journée nationale de la laïcité et de la fraternité.
- Entreprises : dans la continuité de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (mars 2017), faire prévaloir la neutralité dans les relations sociales afin de prévenir les risques de troubles liés à la pression de groupes culturels ou religieux.
- Animation et travail social : la neutralité philosophique et religieuse des personnels doit être la règle dans le privé comme dans le public.
De la petite enfance à la prise en charge de personnes socialement fragilisées, voire en situation de handicap, les personnes concernées ou leurs représentants légaux, doivent pouvoir être protégés de toute influence sur leur libre choix, au titre de leur liberté de conscience, et donc de la laïcité. Ceci est aussi nécessaire d’un point de vue déontologique, en raison de la position d’ascendant des personnels vis-à-vis de ces publics.
- Cérémonie d’accès à la nationalité : généraliser l’obligation pour les maires, et pas seulement les préfets, d’organiser une cérémonie d’accès à la nationalité, avec remise d’un exemplaire de la Constitution et d’un livret rappelant les droits et les devoirs du citoyen français. Cette manifestation pourrait être élargie à tout jeune devenant majeur et accédant à la plénitude des droits dont le droit de vote.
- Éthique : réviser la loi Léonetti (éventuellement par voie de référendum), pour reconnaître dans l’encadrement législatif le droit à mourir dans la dignité à la demande du patient.
- Sport : soutenir les fédérations sportives nationales pour faire respecter dans les compétitions sportives l’égalité entre hommes et femmes et la règle 50 de la Charte Olympique interdisant toute forme de « propagande politique, religieuse ou raciale ».