Revue de presse

"Éducation : homosexualité, genre, IVG… L’école catholique sous pression" (la-croix.com , 2 juil. 23)

11 juillet 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Analyse Ces derniers mois, des établissements scolaires catholiques suspectés d’avoir accueilli des propos homophobes ou sexistes ont fait l’objet d’enquêtes. Ces affaires montrent la difficulté d’articuler leur « caractère propre » et leurs obligations vis-à-vis de l’État.

Emmanuelle Lucas

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Lundi 19 juin, le directeur de l’Institution Jean-Paul-II de Compiègne (Oise) a démissionné au terme d’un bras de fer qui l’opposait à certains des professeurs. Ceux-ci lui reprochaient notamment d’avoir interdit à des lycéens – scolarisés dans cet établissement catholique sous contrat – d’aller voir le film Simone, qui retrace la vie de Simone Veil, ou encore Rafiki, sur l’homosexualité au Kenya.

Silence sur l’IVG ? L’homophobie ? Les professeurs accusaient le directeur de pratiquer une « censure » au nom du caractère propre de l’établissement. Après enquête, le rectorat n’est finalement pas allé aussi loin et a estimé que l’Institution Jean-Paul-II respectait globalement le contrat d’association avec l’État, et donc les programmes. En revanche, le recteur a signalé au procureur de la République des allégations de propos homophobes attribués au directeur.

Autre lieu, autre affaire. D’ici à la fin juin, un autre rapport, de l’inspection académique de Paris cette fois, est attendu sur un fleuron de l’enseignement catholique, le collège Stanislas à Paris, régulièrement en tête des classements des meilleures écoles. Il a été mis en cause par une quinzaine de ses anciens élèves. Chasteté prônée pour les homosexuels, interdiction des « petits couples »… Ces anciens ont dénoncé, dans Mediapart, un mode de fonctionnement et un règlement intérieur susceptibles d’entretenir « homophobie, sexisme et transphobie ».

Un particularisme parfois contesté

Ces deux affaires illustrent la difficulté des établissements catholiques à articuler leur identité, leurs obligations vis-à-vis de l’État et – nouveauté – le respect des diverses sensibilités qui les traversent. Plus qu’autrefois, ce particularisme est parfois contesté.

« Le sens même du mot “école catholique” ne va plus de soi », résume Anne-Laure Zwilling, chercheuse au CNRS. Aujourd’hui, dans une société de plus en plus étrangère au fait religieux, l’école se retrouve sous pression, entre « des familles qui veulent plus d’affirmation de la foi, consciente d’un enjeu très fort de transmission de leurs valeurs, et d’autres, qui viennent vers elle pour éviter l’école publique mais ont un peu de mal avec le caractère confessionnel. Elle doit constamment choisir : s’adresser au noyau dur, en prenant le risque qu’il se réduise, ou, à l’inverse, accueillir plus largement au risque de se diluer ».

Ces tensions n’échappent pas à la récupération politique. Éric Zemmour s’est ainsi félicité de l’annulation, relayée par le groupuscule « Parents vigilants », d’une semaine de l’égalité qui devait se tenir à l’Institution Saint-Joseph du Moncel, dans l’Oise.

Propulsés au premier plan, les chefs d’établissement le concèdent : éduquer des enfants dans un monde qui bouge autant n’est pas simple. Pourtant, beaucoup voient dans la liberté qui leur est accordée, et dans les valeurs prônées par l’Évangile, de bons guides. La liberté de choix des familles, tout d’abord, permettrait de s’entendre. « Il est bien certain qu’on n’est pas catholiques de la même façon à “Stan’”, qui est un établissement qui accueille beaucoup d’internes venant d’un peu partout, à Franklin, situé dans le 16e arrondissement, ou dans un lycée agricole, estime par exemple Frédéric Gautier, le directeur du collège Stanislas mis en cause. Mais chaque famille choisit l’établissement où elle inscrit son enfant en connaissance de cause. La couleur est annoncée dès l’inscription. »

« Nous revenons à Jésus »

Dans d’autres établissements, néanmoins, le choix des familles est plus relatif. En Bretagne, l’école catholique est parfois la seule du village, aussi « nous accueillons tout le monde », expose Hervé Guévellou, adjoint en pastorale dans le diocèse de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). L’enjeu est alors autre : « Notre caractère catholique ne doit pas nous conduire à nous isoler du monde. »

Le groupe scolaire Saint-Joseph à Nice, lui, est situé dans un quartier très fréquenté par la communauté homosexuelle. « Nos élèves ne vivent pas hors du monde. Ils connaissent ces réalités », décrit Jérôme Latreille, le CPE. Aussi, rappeler frontalement l’anthropologie chrétienne qui prône la complémentarité homme-femme au sein du couple n’est pas sa priorité. « Nous restons fermement catholiques, dans le sens où nous revenons à Jésus : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.” Nous ne jugeons pas, mais insistons sur le respect réciproque. »

Être une école catholique consisterait donc surtout à savoir écouter, arbitrer, discerner pour le bien de l’enfant. « C’est d’ailleurs tout le sens du mot “pastorale”, qui n’est pas seulement une transmission de savoirs mais une attention aux réalités telles qu’elles sont vécues aujourd’hui, définit Jean-François Canteneur, directeur diocésain de Paris, qui appelle à la nuance. Il ne s’agit pas de déployer une seule vérité, mais de tenir ce à quoi l’on croit tout en écoutant l’autre et en acceptant de confronter les points de vue. »

« Embarquer tout le monde »

Cette ligne de crête renvoie à un travail de… pédagogie. « Nous avons des enfants qui ont deux mamans et se sentent très bien chez nous », illustre encore Hervé Guévellou, même si « les nouvelles questions anthropologiques bousculent nos façons de penser », admet-il. Dans son diocèse, la réécriture du projet pédagogique a été l’occasion d’une mise au point avec l’équipe pour « embarquer tout le monde et être moins dans la séduction des parents de tel ou tel bord. »

Quitte à rappeler les règles républicaines « à la minorité de familles qui est en attente d’une affirmation identitaire plus forte. Nous devons leur expliquer qu’elles ont fait le choix de l’enseignement privé sous contrat et que cela signifie que nous sommes associés à l’éducation nationale, souligne-t-il. Les familles ne peuvent pas arriver chez nous en disant : “Nous pensons comme ceci ou comme cela, donc pensez comme nous.” »

« Même entre catholiques, nous ne sommes pas forcément d’accord », rappelle d’ailleurs Richard Dumas, responsable de la pastorale à l’Institution Stanislas de Nice. Il se souvient en avoir fait l’expérience à l’époque des débats sur le mariage pour tous. « J’avais précisé à mes élèves que j’avais manifesté contre ce projet. J’y voyais une marque d’honnêteté. Cela a heurté certains » Alors, depuis, il a appris la prudence, afin de « ne pas choquer qui que ce soit ».

Les clivages ont toujours existé, avance-t-il d’ailleurs, avant de raconter un vieux souvenir. « Quand je suis arrivé il y a vingt-cinq ans, un groupe d’enseignants, bien que très croyants, se trouvaient être aussi profondément anticléricaux. Ma nomination n’avait pas été très bien vue. Ils avaient même volé les clés de mon bureau ! », sourit-il. Mais avec le temps, le profil des jeunes collègues a changé : « Ils sont moins souvent cathos mais ils sont plus ouverts. Nous faisons chaque année une grande messe de l’unité qui n’aurait pas été possible à l’époque. »"


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