Revue de presse

Ecole : "Les zigzags de Macron" (Marianne, 7 sept. 23)

(Marianne, 7 sept. 23) 12 septembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire ""S’il pouvait nous laisser plus de place" : Blanquer, Ndiaye, Attal... Les zigzags de Macron sur l’éducation".

"[...] Pourquoi tous ces zigzags ? Il faut remonter à l’élection présidentielle de 2022 pour trouver un semblant d’explication. Lorsqu’il amorce la campagne pour sa réélection, le président-candidat érige l’éducation en priorité… mais en faisant comme s’il partait d’une page blanche. À peine un mot sur les quelques points positifs du premier quinquennat : le dédoublement des classes de CP-CE1 en zones prioritaires (REP), le développement de l’apprentissage à la sortie du lycée professionnel, le timide début d’une revalorisation des enseignants, mais aussi le maintien au maximum d’une école ouverte pendant le Covid. À entendre Macron après cinq années au pouvoir, l’école serait donc un terrain en jachère, qu’il faut rapidement reprendre en main… Il cite encore moins Jean-Michel Blanquer, qui a pourtant battu le record de longévité à son poste sous la Ve République, même s’il n’est pas dans les habitudes du président de partager la lumière. Et puis l’ancien recteur s’est abîmé aux yeux du chef de l’État et de son entourage. À force de vouloir se politiser (et de tout politiser), Blanquer est presque devenu radioactif. À tout le moins, un puissant urticant pour l’électorat de gauche, en particulier le corps enseignant. « Ses ambitions l’ont incité à se positionner sur des sujets qui n’étaient pas dans son périmètre raconte une députée Renaissance qui, pourtant, s’est toujours revendiquée de la ligne Blanquer sur la laïcité et les sujets éducatifs. Je me souviens de la période des élections régionales [en 2021], c’était du grand n’importe quoi. Il était là à nous dire “j’y vais, j’y vais pas”… À chaque remaniement, ses cartons étaient prêts pour aller à Matignon. Il était mal conseillé par son entourage. »

Résultat : en 2022, le ministre n’est pas du tout associé à l’élaboration du programme, qui donne lieu à des réunions houleuses entre proches du président. Le puissant secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, et d’autres conseillers de l’ombre plaident pour une rupture franche : rémunération des profs à la performance et orientation précoce des élèves, une entaille au sacro-saint collègue unique. La suppression du Capes est également envisagée. Mais des poids lourds de la majorité, comme l’ex-président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand, et le patron du MoDem, François Bayrou, effrayés d’avance par la réaction du corps enseignant, piquent une colère noire en l’apprenant et obtiennent de gommer les mesures les plus explosives.

Réélu sans vraiment faire campagne, Emmanuel Macron tente ensuite un coup politique en propulsant Pap Ndiaye Rue de Grenelle. Si le but de la manœuvre était de se réconcilier avec l’électorat de gauche en jouant sur les symboles (à commencer par la couleur de peau du nouveau ministre), c’est raté… Le président n’obtient pas de majorité absolue aux élections législatives, alors que la Nupes, nouvellement formée, envoie 151 députés à l’Assemblée nationale. Au moins Pap Ndiaye permettra-t-il de renouer le fil avec des profs irrités par Jean-Michel Blanquer. Un haut gradé de l’Élysée l’admet : « Le dialogue avec les syndicats d’enseignants était bloqué à la fin du précédent quinquennat. Changer de ministre a permis de le réengager, mais ce n’était pas un changement de ligne. » De fait, Pap Ndiaye insiste comme son prédécesseur sur l’importance des fondamentaux et a même le courage d’admettre que « le niveau d’ensemble baisse ». Sa parole est beaucoup plus timide sur la laïcité, alors que les offensives islamistes s’accentuent dans un nombre croissant d’établissements.

Mais le principal problème du ministre s’appelle… Emmanuel Macron. Le président s’arroge tous les grands chantiers et lance son nébuleux Conseil national de la refondation (CNR), censé encourager les expérimentations dans les établissements, sur le modèle de ce qui a été engagé à Marseille en 2021. L’autonomie, c’est le nouveau mantra du chef de l’État, le sésame qu’il pense avoir trouvé pour faire bouger le fameux « mammouth ». « Nous avons un peu plus de 3 000 projets validés, qui vont être accompagnés s’enthousiasme l’ex-préfet Christian Abrard, un ancien instituteur qui copilote le CNR éducation. On passe d’une logique descendante à une démarche où le haut se met au service du bas. » Pap Ndiaye, lui, cherche sa place dans cette frénésie présidentielle. Au printemps, il confessait en privé ses difficultés à exister, avec plus de résignation que d’amertume : « Que le président fasse des annonces, c’est normal. Mais s’il pouvait laisser un peu plus de place aux ministres… »

Peine perdue : le voilà remplacé par un Gabriel Attal chapeauté lui aussi de près par l’Élysée. « Tout cela n’est pas très lisible, pointe Patrick Hetzel, député Les Républicains et ancien recteur. Et l’expression “domaine réservé” est très révélatrice d’une faute d’Emmanuel Macron, celle de vouloir tout régenter. » Avec des couacs à la clé, comme la récente injonction du président à enseigner l’histoire chronologiquement. « C’était l’une des premières annonces de Jean-Michel Blanquer en 2017 ! se gausse Hetzel. Si ça n’est pas mis en œuvre au bout de six ans, est-ce qu’il n’y a pas un petit problème dans le système ? » [...]"


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Marianne "12 solutions pour redresser l’Ecole" (7 sept. 2023) dans la rubrique Ecole (note de la rédaction CLR).


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