Edito

Ecole laïque : un véritable pas dans la bonne direction (P. Kessel, 1er juin 18)

par Patrick Kessel, président d’honneur du Comité Laïcité République. 1er juin 2018

Reinstituer l’école de la République constitue la priorité des priorités, avait affirmé le Comité Laïcité République à l’occasion de l’élection présidentielle de 2017 [1]. Le discours de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, mercredi 30 mai devant les équipes académiques laïcité et le Conseil des Sages de la laïcité, constitue un véritable pas en avant dans cette direction.

En affirmant qu’il n’est plus question de mettre la poussière sous le tapis, le ministre, s’est clairement engagé en faveur du retour de la laïcité à l’école de la République et a exposé le dispositif qu’il vient de mettre en place afin de soutenir les enseignants et les chefs d’établissement confrontés aux attaques contre la laïcité. Un vademecum a été finalisé en ce sens par le Conseil des Sages.

Les laïques sont sensibles à l’évocation par le ministre du lien entre la laïcité et les Lumières, entre le contrat social et la liberté de conscience. Au rappel que l’école laïque combat tous les préjugés, les dogmes, les impensés pour faire triompher la raison. Qu’elle porte le discours de la science, de la logique, qu’elle lutte contre l’irrationalité et les forces obscurantistes, qu’elle défend la science et la culture. Qu’elle prépare tous les élèves quelles que soient leurs origine, à devenir les futurs citoyens, en même temps qu’à disposer d’eux-mêmes.

Cette école n’est vulnérable que lorsqu’elle s’éloigne de ce qui l’a fait naître, c’est à dire des principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité a-t-il dit, repoussant la politique des accomodements que le Comité Laïcité République dénonce depuis des années. Il n’est pas possible d’accepter la pente du relativisme et du cynisme, a-t’il ajouté.

Et les mots ont d’autant de plus de poids qu’il y a bien longtemps qu’ils n’ont été aussi clairement prononcés dans ce contexte. Il n’est pas exagéré et certainement pas de parti-pris de considérer que le ministre a su trouver les accents de Jules Ferry dans sa Lettre aux instituteurs et tenir le discours que nous attendions depuis de longues années.

Pour autant, d’expérience, les laïques savent qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Nous verrons à l’usage si le nouveau dispositif et la mise en place d’une véritable formation des enseignants à la laïcité seront suffisants pour faire face à l’immense défi posé à l’école et à travers elle à la République. Mais oser poser le problème sans crainte, en finir avec le déni des situations conflictuelles provoquées par les revendications communautaristes, constitue un indéniable progrès qu’il convient de saluer.

Voilà des engagements qu’il convient d’apprécier à leur juste mesure, d’autant plus importants qu’ils arrivent au moment où les laïques ont légitimement des raisons d’être inquiets après les déclarations du président de la République sur les relations entre les religions et l’État.

A chaque jour suffit sa peine. Et ce jour mérité d’être marqué d’une pierre blanche. Il faut être positif dans ce monde de confusion.

Extraits du discours de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale, le mercredi 30 mai, devant les équipes académiques laïcité et le Conseil des Sages de la laïcité.

La laïcité, un élément essentiel du contrat social français

Il n’y a pas de liberté, d’égalité et de fraternité, sans sérénité et concorde et donc sans laïcité, un ciment puissant dans notre pays. L’institution scolaire a le devoir de transmettre cette philosophie commune pour préserver la cohésion nationale.

Nous avons, en effet, besoin d’un contrat social qui fasse droit à la liberté de conscience de chacun et, en même temps, à la possibilité pour tous de vivre sans subir aucune pression des croyances d’autrui sur les siennes propres.

Nous devons être sans naïveté vis-à-vis de ceux qui cherchent à tester la solidité du pacte républicain.

Le principe de laïcité repose sur des lois solides : les lois scolaires de Jules Ferry, la loi de 1905 et celle de 2004, qui encadre le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

Les bases légales sont précises ; il nous revient de les faire appliquer car dans une démocratie la force doit toujours être du côté du droit.

Cela ne sert à rien de nier les évidences. Les problèmes existent. La laïcité est questionnée, parfois testée et contestée.

Sur ces questions nous ne mettons plus la poussière sous le tapis : nous regardons en face la réalité et les problèmes. Nous les nommons pour nous donner les moyens d’agir avec sérénité et force.

Il existe des nouvelles formes de remise en cause de la laïcité : des tenues vestimentaires, des certificats médicaux de complaisance, du refus de se rendre à la piscine chez certains élèves, du refus de certains hommes de serrer la main des femmes ou même de leur parler, de la contestation des enseignements au nom de la foi, des paroles religieuses inappropriées durant des commémorations pour les victimes d’attentat.

Ces pratiques n’ont pas lieu d’être à l’école de la République et ne peuvent être tolérées.

L’École de la République est née des Lumières et n’est vulnérable que lorsqu’elle s’éloigne de ce qui l’a fait naître. À ce titre, elle combat tous les préjugés, les dogmes, les impensées pour faire triompher la raison.

L’école de la République porte le discours de la science, de la logique et lutte contre l’irrationalité et les forces obscurantistes qui agrègent toutes les peurs contemporaines.

Nous, républicains, nous ne pouvons accepter la pente du relativisme et du cynisme. En contrepoint des passions tristes de notre temps, il nous faut soutenir cet idéal des Lumières : celui de l’accomplissement humain.

Nous n’y parviendrons qu’en défendant la science et la culture. Le défi de notre génération est d’actualiser les Lumières. Aussi l’École, creuset républicain, ne doit-elle pas être sur la défensive, se cantonnant à n’être qu’un réceptacle passif des maux de la société : elle doit bien au contraire se constituer en matrice de cet idéal.

Ne pas nommer les problèmes c’est ajouter à la confusion et c’est surtout laisser les professeurs et les chefs d’établissement face à des situations qu’ils ont du mal à gérer.

Nous sommes une institution d’un million de personnes, et je veux que chaque professeur sente qu’il y a un million de personnes derrière lui pour résoudre les problèmes qu’il rencontre.

La République n’a pas le droit de perdre du temps et encore moins de reculer. C’est pour cette raison que nous avons mis en place une nouvelle organisation pour permette à la fois de former, de prévenir, de réagir et surtout de soutenir.

La laïcité à l’école n’est pas négociable

L’école n’est pas un lieu comme un autre ; c’est un lieu qui doit garantir la sécurité physique, intellectuelle et spirituelle d’élèves dont la pensée est en formation.

Pour marquer notre soutien aux professeurs, nous avons mis en place un dispositif complet…permettant de prévenir et de répondre aux atteintes à la laïcité. Tout professeur de France, comme tout chef d’établissement évidemment, sera en situation de saisir son institution d’une atteinte à la laïcité.

Vous êtes la cheville ouvrière du projet républicain que nous portons tous ici. La nation est derrière vous. Comptez sur mon soutien indéfectible. Dans ce combat pour nos valeurs, pour que partout triomphe la raison pour mettre en déroute les puissances obscurantistes et ceux qui haïssent notre modèle de vie, je serai toujours à vos côtés.

Grâce à vous et par vous, nous affirmerons que nous ne transigerons jamais avec l’égalité entre les filles et les garçons, que nous n’abdiquerons jamais notre idéal de liberté de conscience et d’opinion, que nous défendrons toujours notre idéal d’égalité et de justice , que nous réaffirmerons toujours que la dignité humaine n’est pas négociable et que toute forme d’intolérance sera rejetée.

Je compte sur vous pour mettre en échec tous ceux qui refusent de respecter la loi, tous ceux qui intimident , tous ceux qui menacent, tous ceux qui invoquent un Dieu pour mieux imposer leur domination malsaine, tous ceux qui prétendent nous dire comment penser.

Ne nous laissons pas détourner de cette cause au nom d’une mauvaise conscience qui n’a pas lieu d’être à l’égard des ennemis de la liberté.

Si nous sommes faibles, si nous renonçons, alors les fondamentalismes et les pires obscurantismes auront gagné. Chacun sait que lorsque l’État ne protège plus, cela se fait au détriment des plus faibles et souvent des plus démunis matériellement.

Sur la laïcité, la République doit être debout sur ses deux pieds, calme et sereine mais ferme sur ses principes, afin que la loi soit respectée. Nous avons besoin de clarté, de compréhension et de respect des principes républicains.

Le « respect d’autrui », c’est précisément le sens de la laïcité : le respect des convictions de chacun. Et sur ce point, aucun accommodement n’est possible, il n’y a rien à négocier.

La République doit toujours avancer.


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