Durban-Genève, l’antiracisme en danger (Paris, 7 av. 09) : intervention de Philippe Foussier

avril 2009

Intervention de Philippe Foussier au meeting Durban-Genève, l’antiracisme en danger le 7 avril 2009.

Au nom du CLR je voudrais tout d’abord remercier la LICRA d’organiser cette mobilisation et de nous réunir ce soir, car l’heure est grave. J’écoutais le ministre des Affaires étrangères cet après midi répondre au député Jacques Desallangre, qui l’interrogeait sur la position de la France, qu’il fallait attendre deux jours pour se prononcer sur les conclusions du Comité des droits de l’homme de l’ONU. J’aimerais partager l’optimisme de M. Kouchner. Je crains surtout que la France ne cautionne, par sa présence, les conclusions qui seront présentées dans deux jours. Je souhaiterais avoir tort. Mais je crains que nos préoccupations diplomatiques ne nous fassent avaler des couleuvres.

Chacun ici connait le contexte : la Conférence de Durban en 2001, ses dérapages, ses dérives antisémites, je n’y reviens pas. Hélas, le Comité des droits de l’homme de l’ONU poursuit depuis lors dans la même voie. On prétend y combattre l’antiracisme mais il s’agit d’un dévoiement pur et simple de l’antiracisme.

Je voudrais évoquer en particulier, au milieu de multiples risques, celui que font peser les orientations du Comité des droits de l’homme sur la liberté de conscience et d’expression, et sur la laïcité. Vous le savez, il est question d’assimiler la critique des religions à du racisme. On encouragerait de ce fait les Etats à s’équiper d’un arsenal juridique permettant de condamner devant la justice tout citoyen qui se risquerait à une critique des religions. On en reviendrait ainsi au temps du blasphème. Mais c’est un retour de plus de 200 ans en arrière que nous validerions, en particulier ici, dans le pays de Voltaire. Nous jetterions aux oubliettes le combat des Lumières pour se détacher de l’obscurantisme, pour développer la pensée libre, pour faire reculer les dogmes et permettre ainsi à chaque homme et bientôt à chaque citoyen d’exercer son libre arbitre.

On nous rebat les oreilles depuis des années, tous monothéismes confondus, en assurant que les lois de Dieu sont au dessus des lois des hommes, et voici que nous validerions ces reculs sur le plan juridique international ! Le Comité des droits de l’homme de l’ONU, lors de sa session de juillet 2008, a déjà enjoint la France à instaurer des statistiques ethno-raciales, à officialiser les communautés, et à abroger la loi de mars 2004 proscrivant les signes religieux à l’école publique. M. Yazid Sabeg est à l’œuvre pour appliquer une partie de ce sinistre programme. Il est selon nous de même nature que celui que nous propose le Comité des droits de l’homme de l’ONU ; relativisme, différentialisme, communautarisme, cléricalisme. Le relativisme, le différentialisme renvoient chaque homme à son passé, à ses origines, à ses racines : cette obsession de la race. Cette conception de l’homme est par essence réactionnaire. Elle doit être combattue. Voilà selon nous ce qui menace très clairement les principes d’universalisme auxquels nous sommes tous ici attachés.

Tout est lié, et nous devons affirmer sans relâche notre attachement aux principes d’universalisme tels qu’ils ont été incarnés dans la Déclaration des droits de l’homme de 1948, malgré ses lacunes. On nous rétorque certes que cet universalisme est abstrait, que l’égalité en droits pour tous les hommes et toutes les femmes relève de la même abstraction. Mais rendons nous bien compte que si nous renonçons à l’universalisme qui a été depuis plus de deux siècles, au seuil de la Révolution française, ce formidable appel à l’émancipation des hommes et des peuples, si nous y renonçons donc, ce sera à nouveau et partout le triomphe du relativisme, les droits de l’homme à géométrie variable sans plus aucun instrument juridique international à y opposer. L’enjeu est donc majeur.

Au-delà des polémiques sur la participation de la France au processus de Durban 2, au-delà des nuances, ayons en tête surtout ceci : pensons à tous les militants des droits de l’homme et de la laïcité à travers le monde, à toutes ces victimes des dictatures, de l’obscurantisme religieux, de cette conception des droits de l’homme à géométrie variable qui se battent dans tant de pays. Nous n’avons pas le droit, la France n’a pas le droit de renoncer à porter le combat de l’universalisme. Ce serait un signal tragique adressé à toutes ces femmes et à tous ces hommes. Ce serait un encouragement implicite aux fossoyeurs de la démocratie et de l’émancipation qui sont à l’œuvre dans ce processus. La France a une responsabilité particulière ; elle ne doit pas, elle ne peut pas y renoncer.



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