Edito

Du printemps arabe à l’hiver islamiste (23 déc. 11)

par Marc Riglet 23 décembre 2011

C’était prévisible, quand bien même on n’était pas un spécialiste des pays concernés, et c’est advenu. Les partis islamistes sortent vainqueurs des élections organisées dans les pays arabes récemment allégés de leurs tyranneaux locaux.

En Tunisie et au Maroc, les partis islamistes obtiennent des majorités relatives, assez fortes, toutefois, pour que les prochains gouvernements s’organisent autour d’eux. En Egypte, les comptes définitifs ne sont pas faits, mais tout laisse penser que les Frères musulmans tiendront, pour l’année nouvelle, les rênes du pouvoir.

Pour tous ceux, commentateurs des révolutions arabes, qui avaient filé, sans modération, les comparaisons avec le « printemps des peuples », en Europe, en 1848, et qui s’inspirait des idéaux de la Révolution française et de sa Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la déconvenue devrait être manifeste. Non seulement, en effet, on aurait quelque mal à trouver dans les doctrines des partis islamistes une quelconque adhésion aux principes universels de la démocratie, mais encore, ces principes sont dénoncés comme la marque d’une prétention idéologique maintenue d’un Occident qui n’aurait pas renoncé à ses entreprises dominatrices.

Nos bons apôtres ne sont cependant pas troublés plus que cela. Les partis islamistes ont certes gagné la partie, reconnaissent-ils, mais les démocrates n’ont rien à craindre puisqu’il s’agit de partis islamistes « modérés ». Là encore, ils cèdent à la tentation de la comparaison historique et ils invoquent la démocratie-chrétienne qui, en Europe occidentale, a eu raison des refus de l’église catholique de souscrire aux valeurs de la démocratie libérale.

Outre que ce mouvement fut long et laborieux - il faut attendre Vatican II pour que Rome reconnaisse les « droits de l’homme » - la comparaison avec l’islam est audacieuse et, en tout cas, prématurée.

Car, pour l’heure, les partis islamistes entendent moins démocratiser l’islam qu’ils ne prétendent islamiser la démocratie. Si, comme nous le croyons, la démocratie suppose une laïcisation du politique et une universalisation des droits de l’homme, alors, une « démocratie islamique » et, plus largement, une démocratie qui trouverait ses fondements dans les vérités d’une « révélation », est une démocratie par abus de langage. L’ « islam modéré » des islamistes est un oxymore.

Faire fonds sur ses potentialités authentiquement démocratiques est à peu près aussi hasardeux que de songer à « humaniser la peine capitale » !

Marc Riglet


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