Revue de presse

"Drame de l’hôpital de Gaza : le présent est-il condamné à mentir ?" (G. Bronner, L’Express, 26 oct. 23)

(G. Bronner, L’Express, 26 oct. 23). Gérald Bronner, sociologue, universitaire, président du jury des Prix de la Laïcité 2020-2021. 31 octobre 2023

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Lire "Drame de l’hôpital de Gaza : le présent est-il condamné à mentir ? Par Gérald Bronner"

"[...] Au-delà de cette tragédie particulière on voit en général mieux les raisons de mentir des autres que les possibles altérations de son propre jugement. C’est que les tromperies des adversaires nous ont indignés, quand nous oublions facilement nos petits arrangements avec le réel. Et, comme les dissimulations des ennemis sont plus disponibles à notre mémoire que celles de nos amis, nous sommes sincères lorsque, dans le doute, nous croyons préventivement nos adversaires coupables de mensonge. De cette façon, nous nous rendons inaccessibles à la suspension du jugement même dans l’incertitude.

Dans la situation présente, ce clivage interprétatif est particulièrement inquiétant, car il pourrait être une des étapes vers l’internationalisation du conflit. Malgré les spécificités de ce drame, il se trouve qu’il ressemble par sa structure à des situations qui surviennent désormais de façon incessante. C’est ainsi que, fait d’actualité après fait d’actualité, le présent est condamné à nous mentir. Les circonstances incertaines suscitent des interprétations fondées sur la certitude. Que le futur puisse être trompeur est assez normal puisqu’il inspire facilement des spéculations concurrentes, mais du moins l’on pouvait compter, jusqu’à peu, sur le présent pour donner raison aux uns et tort aux autres. Aujourd’hui, on assiste à une inversion de la maxime de saint Thomas, qui affirmait ne croire que ce qu’il voyait. Nous voici arrivés à une situation où nous ne voyons que ce que nous croyons.

Une fois que notre mémoire aura "engrammé" dans notre esprit un mythe, il s’y épanouira et n’en voudra plus sortir. Et voici que le passé se mettra à nous mentir également. Des individus habitant dans la même société ne partageront non seulement pas le même futur, mais encore ni le même présent ni le même passé. Les contrefaçons deviendront si nombreuses que notre esprit répugnera à démêler l’écheveau des versions. Il pourra se satisfaire de la sienne propre par une sorte de fatigue résignée. La vérité n’a jamais été aussi coûteuse que depuis que les voix sont si nombreuses à prétendre la défendre.".


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Guerre Hamas-Israël (2023-24) dans Palestine dans Israël, la rubrique Médias,
l’édito du président Le retour de la barbarie et des pogroms ? (G. Abergel) (note de la rédaction CLR).


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