Docteur en Histoire, professeur des universités. 23 mars 2015
Voir Conférence : « Laïcité et Première Guerre mondiale (1914-1923) » avec Dominique Lejeune (CLR IdF, Paris, 17 mars 15).
Docteur en Histoire, docteur ès Lettres et Sciences humaines, professeur qualifié des Universités, Dominique Lejeune a enseigné l’histoire au Lycée et à l’Université de Nanterre, ainsi qu’à l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Il a été pour l’essentiel de sa carrière professeur d’hypokhâgne et de khâgne au lycée Condorcet de Paris puis au lycée Louis-le-Grand.
___
La Belle Époque, c’est la construction de la Salle des Fêtes de la mairie ( !), mais pour notre propos c’est la loi de Séparation des Églises et de l’État et c’est un renouveau chrétien et nationaliste. Que va en faire la Grande Guerre ? Que vont en faire les Églises ? Qu’est-ce que la « rumeur infâme » ? L’Union sacrée et la défense de la « civilisation » seront rappelées, la laïcité sera mesurée à l’aune de la « culture de guerre » et de la mortalité, mais aussi de la paix de 1919-1923. Pourquoi 1923 ?
Introduction
- 1914 : loi de Séparation et début de la guerre. Aussi renouveau nationaliste, avec une « nouvelle droite », cléricale (entre autres) ; renouveau chrétien et influence de la philosophie de Bergson ; Psichari et Péguy
- 1923 : tous les traités de paix, dont Lausanne avec la Turquie (kémaliste, mais pas encore républicaine ni laïque) ; canonisation de Jeanne d’Arc (1920)
- Saint-Germain-en-Laye avec l’Autriche (19 septembre 1919)
- Neuilly avec la Bulgarie (27 novembre 1919)
- Trianon avec la Hongrie (2 juin 1920)
- Sèvres avec la Turquie (10 août 1920), mais il est éphémère) : il est en 1923 remplacé par le traité de Lausanne (24 juillet 1923)
Plan
I. 1914, l’Union sacrée, la laïcité et la « défense de la civilisation »
II. Mentalités, laïcité et « culture de guerre »
III. La paix, les morts et la laïcité
I. 1914, L’UNION SACREE, LA LAÏCITE & LA « DEFENSE DE LA CIVILISATION »
avant 14 :
- loi de Séparation (1905) et Inventaires (1906)
- montée de l’indifférence religieuse, sinon une déchristianisation
- retour ou naissance de ferveurs (cf. Sacré-Cœur, pèlerinages mariaux)
- idée que religion catho. fait partie du patrimoine de la France (cf. Psichari).
Le congrès eucharistique international se tient à Lourdes… du 22 au 26 juillet 1914.
1°) Union sacrée et laïcité
L’Union sacrée. Le 4 août 1914, le président du Conseil, René Viviani, lut à la Chambre des députés le message que lui adressait Poincaré, le président de la République, et qui contenait la fameuse formule sur l’"Union sacrée". En Allemagne, l’empereur eut cette phrase : "Je ne connais plus de partis, je ne connais plus que des Allemands." On y parla, mais un peu plus tard, de "paix civile" (Burgfrieden). Encore faut-il entendre que ces expressions ne signifiaient nulle part la disparition des partis, mais désignaient l’attitude devant l’ennemi de tous les "fils" du pays concerné. En France, il fallut plusieurs mois pour que l’expression entrât, avec un sens élargi, dans le langage habituel. On évoqua en effet dans un premier temps la "réconciliation nationale", la "trêve des partis", soit l’arrêt momentané des luttes entre Français afin de se consacrer à la défense de la patrie menacée, la victoire étant bien entendu espérée et dans un futur proche de quelques mois seulement. Et le gouvernement a refusé les prières publiques réclamées par certains évêques. Poincaré (qui n’est pas un clérical) et le gouvernement (de gauche) situent l’Union sacrée dans le champ laïque, d’où les hésitations et la bizarrerie du vocabulaire. Mais la laïcité ne se confond pas avec l’athéisme…
En réalité, il n’y a pas eu d’Union sacrée au sens d’union « absolue, naïve, puérile » (M. Agulhon) : chaque courant politique ou spirituel maintient fermement ses positions : l’Église est convaincue que les circonstances vont lui rendre la place qu’il lui avait été enlevée dans la société française. Chaque courant est d’ailleurs convaincu que l’après-guerre sera son triomphe ; au niveau gouvernemental l’Union sacrée n’existe guère ! Les hommes du centre n’apparaissent dans le gouvernement que fin août ; ce n’est que fin 1915 qu’un homme de droite, Denys Cochin, apparaît dans un gouv., celui d’A.Briand (il quitte d’ailleurs le gouv. le 2 août 1917 en accusant Briand de faire disparaître l’Union sacrée à cause de son anticléricalisme)
Comme les socialistes, les catholiques sont englobés dans Union sacrée. « L’emploi du mot sacré dans une France laïque et volontiers anticléricale n’était pas sans signification […] » [1].
Une grande affluence, immédiate et patriotique, dans les églises. Mise à la disposition de l’armée de locaux. Des formes de « retour à Dieu » ; distributions de médailles. Vocabulaire : « Union sacrée », « mystique du front », « guerre sainte » (rapport de 1915 sur « la Grande guerre et le droit » par Victor Basch, vice-président de la Ligue des droits de l’homme).
Le 2 août, le ministre de l’Intérieur, Malvy, adresse aux préfets une circulaire suspendant l’application des lois frappant les congrégations >>> retour en France de nombreux religieux expulsés après 1904 et qui viennent « faire leur devoir » (surtout d’Espagne, pour des raisons stratégiques). Ils sont salués par la foule en plusieurs endroits. Nouvelle preuve que la laïcité n’est pas anticléricalisme (Conférence-débat : Patrick Kessel (CLR IdF, Paris, 3 mars 15)).
Mais les jeunes protestants de la Fédération des Étudiants chrétiens sont pacifistes
Les pouvoirs publics, locaux et départementaux, ont été souvent inquiets début août de l’attitude possible des catholiques (et des protestants), comme des socialistes et des cégétistes : on a, surtout par « doublon » de la victoire de la Marne, un net soulagement en septembre 1914.
2°) Du « sens de la guerre » à la « cause de Dieu »
Il s’agit de « donner un sens à la guerre », ce sens est patriotique le plus souvent (responsabilité de la guerre, mise en cause de la « pensée allemande », la guerre du droit, voire idée que la guerre élève l’âme, qu’elle est la « croisade du XXe siècle » [2], etc.).
Citation de Jacques Rivière : on se bat pour une certaine vision du monde, le bien et le mal. Lutte pour la civilisation, pour l’humanité contre l’inhumanité, la « cause de Dieu ».
En 1914, à la mobilisation et dans la propagande, Dieu lui-même est convoqué : “ Chaque bulletin de victoire des armées allemande, autrichienne ou russe remercie le maréchal Dieu ; car chacun a le sien ” (R. Rolland). Les Allemands ont inscrit sur leurs ceinturons Gott mit uns (“ Dieu avec nous ”), mais le Français Claudel affirme que “ Ce que nous défendons, c’est Dieu même, qui s’est remis à notre garde ”.
« La guerre a mis aux prises deux conceptions différentes de Dieu et de l’Humanité », cette phrase de Lavisse, écrite en 1915, synthétise parfaitement le sens qu’ont attribué à la guerre les intellectuels français, la lecture qu’ils ont faite du conflit et la manière dont ils ont traduit l’un et l’autre à l’usage du plus grand nombre. La guerre est vue, non comme une revanche d’une nation à une autre, comme une lutte entre nations, mais comme la lutte entre Civilisation et Barbarie. L’idée que la guerre puisse être une « guerre civile » européenne est radicalement étrangère aux contemporains.
Cause fondamentale : les « atrocités allemandes » de 1914, vite connues (des rapports officiels très vite), illustrées en France (brochures, L’Illustration), et bien réelles historiquement. Ont créé de nouvelles raisons de combattre : la France est la « grande nation », héritière de la Révolution française, elle est la « fille aînée de l’Église », en lutte contre les nouveaux Huns : une jonction entre le messianisme républicain et le messianisme religieux [3].
Sans foi ni loi : les Allemands !
- Civilisation allemande = « kultur » de la destruction, cf. « atrocités » en Belgique et dans le nord et l’est de la France. Peuple barbare, entre les Mongols et les Vandales, image démoniaque de Martin Luther. Incarnation collective du mal.
- Cf. Ernest Lavisse (pdt du comité de publication sur la guerre), Emile Durkheim (secrétaire), Joseph Bédier (Les crimes allemands, 1915), rôle du ministère de la Guerre.
Dictionnaire de théologie catholique : « les Allemands n’ont pas de conscience »
Logique : Martin Luther >>>> pangermanisme >>>> Grande Guerre
- Cf. Paul Claudel : « les armées du diable, les hordes de Luther »
- Pour les protestants français, ce n’est pas la Réforme mais le Luthérianisme allemand qui est responsable. Cf. alliance des « Huguenots de France » et des « frères puritains des États-Unis »
- Certains actes individuels positifs envers l’ennemi, tel aumônier qui associe dans son sermon les morts des deux camps, tel curé qui va déposer des fleurs sur les tombes des deux camps. Mais depuis l’élite intellectuelle jusqu’aux milieux les plus humbles, même haine de l’Allemand. Cf. Claudel : « Il n’est pas facile de prier pour un Allemand. »
- Bombardement de la cathédrale de Reims : dénoncé aussi par les autorités protestantes et juives de France comme protestation de leur patriotisme antiallemand.
- On maintien la haine antiallemande par le souvenir, cf. la ligue « Souvenez-vous » qui en 1917 organise une expo sur les crimes allemands.
- Rumeurs d’un soldat canadien crucifié (Passchendaele), des mains coupées des enfants. Idée d’une armée possédée par le Diable, une armée de l’apocalypse. Diable = Kaiser/Luther.
- On préconise de ne pas restaurer la cathédrale de Reims et de la laisser comme « témoin de la barbarie teutonne », d’en faire un ossuaire, un monument aux morts, un témoignage « romantique » [4].
Rôle de la propagande des Églises, par le biais des aumôniers militaires et des publications destinées aux fidèles. Mais répond à une attente, vraie ferveur.
Réalité de la mort : 250 000 morts français entre août et septembre, 400 000 en décembre.
Double-vision de la mort, négative et positive :
- négative : l’ennemi c’est l’assassin, l’Allemagne, force du mal et diabolique
- positive : le sacrifice, le martyre
« Guerre de religion » = dialectique idéal de vie malgré la mort / forces de mort contre lesquelles on impose des forces de vie
Idéal chrétien de l’imitation du Christ
II. MENTALITES, LAÏCITE ET « CULTURE DE GUERRE »
1°) Expiation, « rumeur infâme », « offrir la foi » et espoir de « retombées politiques »
un courant catho. justifie les souffrances de la France par la nécessaire expiation, certains catho. voient dans guerre un châtiment de Dieu.
- Mgr Péchenard évoque ainsi devant ses fidèles du diocèse de Soissons : « le vin que doit boire la France en punition de ses péchés » ; mais des évêques parlent en sens inverse dans leurs lettres pastorales. Inscription dans le thème de la régénération rédemptrice par la guerre d’une France déclinante et dégénérée [5]
- Guerre perçue comme la punition des péchés. Civilisations orgueilleuses qui pensaient pouvoir vivre sans Dieu et sans guerre, fières du progrès techniques qui permettaient de se passer des deux, sont punies dans cette guerre, celle des progrès techniques des mitrailleuses et des gaz. Dupouey : « La guerre est une grande grâce […] Faudra-t-il ensuite redevenir futiles ? »
- Expiation de la Séparation de 1905 : la France, « traînée » républicaine, athée et anticléricale. D’où la « rumeur infâme » : les catholiques auraient désiré la guerre et la défaite de la France afin de faire refleurir la foi. Faux au vue de la conduite des catholiques et des prêtres au feu et à l’arrière. Péguy se déclare « heureux de partir », Claudel qualifie le mot « guerre » (en allemand !) de « beau mot de délivrance et d’aventure ». Seule base tangible : un ou deux sermons, beaucoup moins nombreux que les rumeurs sur le manque de patriotisme du clergé, d’où les efforts de l’Église pour se disculper = limite de l’Union sacrée.
susp. des mesures contre congrégat., mobil. des ecclésiast., mais souvent dans le service de Santé >>> protestation des anticléricaux
« offrir la foi » :
- aumôniers milit. [6], œuvres relig., messes dans grottes ou plein air ; célébration de la mort de Péguy, d’Ernest Psichari
- prêtres infirmiers et religieuses (souvent représentés sur des cartes postales) : ambiguïtés
- À l’arrière : prêtres et pasteurs moins nombreux (mobilisation) doivent faire face aux nouvelles exigences spirituelles des Français qui souffrent de l’éclatement des familles. Cf. correspondance de l’abbé Salomon, curé de Neuilly-sur-Seine. Souvent les soldats se plaignent du manque d’aumôniers ou de prêtres soldats.
- Quatre « ministres » par corps d’armée : deux catholiques, un protestant et un juif. Théorie car improvisation totale et grande carence numérique initiale, eu égard à la dispersion des tâches, d’autant que des aumôniers dans les TOE. Dans le meilleur des cas, à terme, chaque bataillon a son prêtre-soldat.
* 25 000 hommes d’Églises mobilisés comme simples soldats ou officiers (dans ce cas une ordonnance). 2e « rumeur infâme » : des planqués !
* La moitié des prêtres catholiques servent dans les services de santé. Grde marge d’initiative et personnage « connu » des troupiers, d’où 3e rumeur infâme : ils forceraient la main des blessés ou simplement des soldats avant l’attaque
* ils déplorent souvent la retombée du « réveil religieux » de 1914
* pertes exactement équivalentes à celles de l’infanterie. Le grand rabbin Abraham Bloch, né en 1859, engagé volontaire comme aumônier militaire en 1914, tué 29 août 1914, devient un symbole sous la plume de Barrès et dans quelques images, qui le représente tendant un crucifix à un mourant : Union sacrée…
* des prisonniers. Les Allemands semblent avoir entravé leur ministère dans les camps, comme ils le feront pendant la Deuxième Guerre mondiale
- Récits hagiographiques sur les accomplissements patriotiques et spirituels de ces aumôniers. « L’Union sacrée, ce miracle divin de la guerre, c’est le maître d’école tombé au champ d’honneur pour son pays, soigné par le curé, agonisant sous ses yeux et mourant dans ses bras ». Des réunions religieuses et des groupements de piété sont organisés. L’Église catholique et la Nation profitent conjointement des efforts des catholiques au front.
- Efforts gigantesques des Églises dans la charge financière de la guerre : réintégration dans la nation après la mise au ban de 1905.
- L’Église restait maîtresse des hôpitaux et des enterrements au début du XXe siècle, renforcement avec la guerre.
- Toutes les Églises éditent des livres de prières pour les soldats, cf. Le livre de prières du soldat catholique du père Lenoir, diffusé à 150 000 exemplaires.
- La guerre se joue du calendrier liturgique. Pour Noël, on rejoue parfois la Nativité avec crèches vivantes où même la Vierge est incarnée par un soldat ; le père Lenoir va distribuer sous les balles des paquets à ses hommes accompagné d’un ami déguisé en Père Noël.
- On chante l’office dans les granges, quand les églises sont démolies, ou au fond de grottes. Les psaumes prennent une nouvelle dimension : « Éternel, retire-moi de la boue ; que je ne m’enfonce plus ! Que je sois délivré de mes ennemis. » (Psaume 69, 14).
- Les aumôniers tiennent à ce que les hommes puissent communier en viatique (eucharistie avant la mort) // officiers qui tiennent à ce que les hommes signalés en danger de mort soient décorés par une procédure accélérée : ferveur patriotique et/ou religieuse.
- Insistance sur Noël et Pâques, mais surtout sur les cérémonies aux morts lors des enterrements et de la Toussaint.
- L’essentiel de la tâche des aumôniers est d’assister les soldats dans leurs derniers moments, cf. cartes postales, et de transmettre leurs dernières paroles.
- Les églises sont utilisées pour aligner les blessés et les morts : « La maison de Dieu n’est plus qu’un pourrissoir ».
- Les soldats assistent aux services religieux pour leurs compagnons morts, le plus souvent comme hommage de camaraderie, cf. Marc Bloch, dans ses Souvenirs de guerre [7] : « Qu’importaient les rites ? »
- L’abondance des sources religieuses cache l’indifférence ou le rejet des soldats, mais le silence des journaux de tranchées est éloquent.
- Les aumôniers mêlent toujours dans leurs prêches la foi dans la patrie et la foi religieuse.
Sur les cartes postales représentant un aumônier en train de dire la messe (très peu nombreuses), l’assistance est peu nombreuse lors de la messe dominicale, très nombreuse lors de l’hommage aux morts. A.Becker : « Parce que la foi et la guerre ont à voir avec la mort, elles se trouvent comme indissolublement liées, consciemment par les aumôniers et les pratiquants, inconsciemment par tous les autres, qui forment la majorité. »
dévotion et relig. pop. :
- Sources : correspondances, écrits divers, lieux de pèlerinages.
Militants de la foi, laïcs, issus du catholicisme social, et surtout de l’Action Française. Sources figurées : ex-voto, lettres déposées dans les sanctuaires mariaux.
Va-et-vient entre l’arrière et le front (permissionnaires, blessés, porteurs de messages de décès). Rôle du clergé dans cet échange.
- Diptyque 1914-18 : la ferveur et la mort
- Explosion de dévotions, à l’arrière et au front, pas simple besoin de « se mettre en règle avant de mourir ».
- regain chez catho. et prot. ; « adoption » de secteurs de front ; depuis les États-Unis la petite Anaïs Nin prie pour « sa patrie » [8] en danger ; certains s’interrogent sur leur foi ; certains soldats sculptent des objets religieux (calvaires, chemins de croix) dans des morceaux d’obus [9], dans la paroi de leur « cagna » ; des petites statues (« Notre-Dame des tranchées », « le Christ des tranchées ») sont érigées de loin en loin sur la ligne du front et certaines vont subsister toute la guerre, comme le Christ de Neuve-Chapelle, transféré à Lisbonne en 1958 [10] ; héritage du culte marial du XIXe siècle (>>> Notre-Dame des Tranchées souvent) ; culte de Sainte-Thérèse dont le procès en béatification a été entrepris ; évocation de Jeanne d’Arc ; médailles pieuses ; à nouveau imploration du Sacré-Cœur ; mise en garde (classique) du clergé contre les superstitutions ; les victoires sont souvent interprétées comme des miracles ; les souffrances comme une imitation de Jésus-Christ
- On prie avant tout Marie, dont les apparitions ont marqué le XIXe siècle, ainsi que les saints nationaux (St Denis, St Martin, Ste Geneviève… et la bienheureuse Jeanne d’Arc).
Cf. l’abbé Coubé : Nos Alliés du Ciel, 1915
La guerre a suscité deux attitudes religieuses :
- elle est perçue comme le châtiment du péché
- elle fait naître un immense besoin de consolation, or Marie est consolatrice
Imiter Marie, « la grande consolatrice du XIXe siècle » (Philippe Boutry, 1982) :
- Béquilles déposées comme « ex-voto de guérison » à « la Vierge qui pleure » de La Salette
- La Vierge est le symbole de la souffrance, cf. la Vierge des Sept Douleurs
- Statuettes de la Vierge dans les tranchées, des oratoires dans les cagnas, des cartes postales qui montrent « Notre-Dame des Tranchées ».
- Une chapelle en Argonne porte sur son fronton l’inscription : Reginae Victoriae Pilosi milites aedificarunt hanc Ecclesiam – Pour la Reine de la Victoire des soldats poilus (pilosi milites) ont édifié cette église
- Prière habituelle : « Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ». On envoie des cartes postales à telle Notre-Dame.
- Vierge qui représente l’image de la famille lointaine.
- Importance du rosaire dans le culte à Marie. Cf. l’œuvre du Rosaire vivant, fondé au XIXe, 100 000 soldats pendant la guerre, beaucoup pour une appartenance très exigeante et structurée. Chacun reçoit un billet mensuel avec une prière de circonstance.
- Pèlerinages dans les sanctuaires mariaux accomplis par les soldats en permission ou par leur famille.
D’autres cultes imposés par le haut, comme le culte du Sacré-Cœur de Jésus, avec succès. Dévotions foisonnantes qui ont pu faire craindre la superstition ou espérer un réveil religieux. Prières et médailles accompagnent les soldats au front.
Les statistiques prouvent qu’échapper à la mort ou à la très grave blessure relève d’un hasard si extraordinaire qu’on ne pouvait manquer de penser au miracle.
- Nombreuses fausses grottes qui représentent autant de Lourdes à travers la France.
- Plaques en marbre apposées comme ex-voto dans les églises, surtout en 1918-19.
- Tableaux peints ou brodés, surtout dans le Midi : mise en scène du miracle
- Vision politico-religieuse de l’intercession, remerciement pour la victoire et plus seulement pour avoir réchappé de la guerre.
- Victoire de la Marne vue comme un miracle de la Vierge : 8 septembre = fête de la Nativité
// apparition mariale à Pontmain en janvier 1871
- Les anticléricaux y voient une forme d’antipatriotisme : pas capables de vaincre tout seul ?
Intrication de la foi dans la patrie et de la foi religieuse, cf. Jeanne d’Arc
- Après la Vierge, Jeanne d’Arc et Thérèse Lisieux ont été les intercesseurs les plus priés pendant la guerre ; canonisées respectivement en 1920 et 1925, mais on les prie déjà comme des saintes.
- Comme la Vierge, Jeanne donne la victoire, Thérèse protège et console.
- Prières et dévotions communes forment un lien fondamental entre le front et l’arrière.
- L’abbé Coubé (voir plus haut) : Jeanne d’Arc = « le généralissime invisible »
- Thérèse = « petite sœur des tranchées », « sainte du poilu »… (correspondances)
>>> « Nous avons bien Jeanne d’Arc, mais la petite sœur est plus près de nous. »
Foi ou « superstition » ? Croire :
- En 1917, plusieurs articles parus dans la Revue du clergé français et dans Études mettent en garde contre les « superstitions » qui se sont multipliées pendant la guerre.
- Épées flamboyantes et étoiles tricolores sont aperçues dans le ciel par les soldats français. - Des prophéties se multiplient : Jésus reviendra sur terre terrasser l’Antéchrist Guillaume II.
- L’infaillibilité prétendue des formules, jointes dans certains cas à des menaces, rattache le texte de certaines prières à la superstition.
- Des « chaînes de prières » : envoyez cette prière à une personne par jour et le neuvième vous aurez une grande joie…
- Pour les protestants, les croix, médailles, images et reliques sont vue comme de vaines observances. On accuse les luthériens allemands des maux dont les catholiques mêmes n’étaient pas exempts.
- On a fait baptiser certains enfants qui ne l’avaient pas été à la naissance pour protéger leur père au front.
- Face à la modernité par trop rationnelle mais totalement incompréhensible du conflit, l’irrationnel fait un retour en force, dans ce que les observateurs américains ont appelé « la religion de l’urgence »
- Le spiritisme, croyance dans la prémonition par les rêves, participe de cet ensemble.
- Pratiques condamnées par les hommes d’Église, inquiétudes habituelles de la hiérarchie face aux pratiques de dévotions mal maîtrisées. Ces « superstitions » paraissent à la fois utilitaristes donc antispirituelles et trop empreintes de fatalisme pour ne pas révéler une paresse mentale voire morale.
mobil. (propag.) des intell. catho. et prot., les églises appuient les emprunts, une action en faveur des orphelins de guerre, les « œuvres » d’avant 1914 continuent et des nouvelles se créent
le dolorisme :
- Mort de l’officier de marine Dupouey donnée en exemple aux réunions de l’Action française dont il était un fervent militant. Henri Ghéon dédie le récit de sa conversion, L’homme né de la guerre (1915) à ce « héros et saint ». Cahiers de sa femme : sublimation de la douleur dans l’amour mêlé de la France et du Christ.
- De même la fiancée du garçon-boucher Henri Volatier : « Soyons toujours unis dans le cœur de Jésus », « je suis maintenant une blessée de guerre […] Je souffre beaucoup mais je suis fière d’avoir eu un fiancé qui est le martyr de la patrie. »
- Le Sacré-Cœur de Jésus et la laïcité :
Longue histoire de dévotion au Sacré-Cœur, depuis Marie-Marguerite Alacoque sous Louis XIV, les Chouans, jusqu’à la charge du général de Sonis à la tête des zouaves pontificaux et des volontaires de l’Ouest (« miles christi ») lors de la bataille de Loigny du 2 décembre 1870. Depuis l’idée d’inscrire le Sacré-Cœur sur le chapeau du roi puis sur le drapeau de la république. Basilique du Sacré-Cœur entamée après l’ « Année terrible ».
Le Sacré-Cœur occupe métaphoriquement « la place vacante du père », « le culte apparait viril, dans sa défense de la foi et de la patrie » (Histoire du christianisme). Le Prêtre aux Armées publie de « courtes prières », accompagnées de vignettes.
Pétitions pour l’adjonction du Sacré-Cœur sur le drapeau tricolore et pour la reconnaissance du droit de porter les insignes sur l’uniforme au front. Claire Ferchaud (voir plus loin) envoie dans ce but une lettre à quinze généraux. Il revient au général Pétain de rappeler le principe de laïcité aux officiers. Dans certaines villes, des passants sont arrêtés et reçoivent une contravention.
Attentes et réponses des fidèles, buts politiques plus ou moins avoués d’une partie du clergé se rencontrent et se renforcent.
Réveil religieux ? : « réveil » (revival) : ressourcement religieux périodique, quantitatif et qualitatif
- Été 1914 = « retour aux autels »
- Cf. nombre de confessions et de communions avant de partir au front
- Si ce retour s’estompe dans les mois qui suivent, les ferveurs patriotique et religieuse ont suivi des courbes parallèles. Optimisme du début qui s’atténue // sentiment religieux
- Buts politiques internes et externes, volonté de propagande : réintégrer l’Église dans la Nation
- Interprétation superficielle : la peur comme moteur de ce bref retour aux autels. Un aumônier américain parle au contraire d’une « expérience mystique unitaire ».
- Épisode du Bois-Brûlé en avril 1915 : un soldat trouve une tranchée pleine de morts français, il leur crie : « Holà, debout ! Qu’est-ce que vous foutez par terre ? Levez-vous et allons foutre ces cochons-là dehors ! Debout les morts ! » alors les morts lui répondent « Nous te suivons », et leurs âmes se mêlent dans une grande masse de feu qui le soutient dans son assaut.
- Épisode d’héroïsme mystique, repris par Barrès. Giraud : « la fréquentation de la mort a fait de nous des mystiques. »
espoir de "retombées politiques" :
- La hiérarchie religieuse propage les actes de foi, toujours dans l’idée de préparer le futur de l’Église, cf. l’Association des familles chrétiennes, 1915 : « C’est la famille chrétienne qui recueillera au lendemain de la guerre ces germes de résurrection morale et sociale qui jaillissent, à pleine moisson, des grands sillons de la tranchée. »
- beaucoup d’évêques proclament qu’il faudra "se souvenir de l’attitude des catho." au jour de la victoire, une campagne de La Croix, dès 1914, pour que les « retours à Dieu » soient quantifiés et aient des conséquences dans la vie de la France >>> demande de « prières nationales », officielles, dès 1914 >>> un nouveau vent d’anticléricalisme, dès 1914 aussi, avec durcissement des positions en 1915, d’autant que se sont posées une multitude de questions, dont celle des écoles à faire fréquenter par les enfants réfugiés, dont le problème des poursuites contre des curés dénoncés pour leurs paroles en chaire
une nouvelle Jeanne d’Arc, Claire Ferchaud [11] :
- en 1916 le Christ seraît apparu à cette bergère vendéenne (près de Cholet) en lui confiant la mission de bouter les Allemands hors de France. Parallélisme évident et bancal avec Pontmain et La Salette
- Surnommée « la nouvelle Jeanne d’Arc », la jeune Claire (20 ans) suscite tout d’abord l’enthousiasme des croyants qui espèrent en l’intervention divine pour que la victoire soit donnée à la France, « fille aînée de l’Église » >>> soutien de son évêque et de la frange la plus intransigeante et réactionnaire de l’Église de France
- Mais la République laïque et anticléricale n’est pas une fille obéissante, et si le président Poincaré reçoit la bergère à l’Élysée (grâce à l’intervention d’un député royaliste), sa mission militaire et religieuse est bloquée par les autorités publiques. C’est que l’affaire est politique : pour que la France soit victorieuse, le Christ a exigé que le pays se repente de ses erreurs républicaines et place son Sacré Cœur [12] sur le drapeau national ! Une campagne de pétitions, pas du tout soutenue par Benoît XV (voir plus loin), Dieu ne pouvant être revendiqué par la seule France !
- Derrière cette histoire singulière se profilent :
* des luttes de pouvoir entre l’Église et l’État mais aussi, à l’intérieur de l’Église, entre ralliés et réactionnaires, qui font se multiplier les pèlerinages dans le village de Claire Ferchaud, dont les écrits sont clairement politiques, avec beaucoup de recopiages. Une véritable offensive cléricale, en pleine guerre, d’autant qu’il y a eu des incidents sur la voie publique, en Vendée, avec des policiers, que quelques officers ont consacré leur unité au Sacré-Cœur, et que les partisans du Claire Ferchaud ont tenté d’attribuer la victoire de la 2e bataille de la Marne (1918) au Sacré Cœur ! D’autres tenteront d’apposer le Sacré Cœur sur le drapeau français en septembre 1939…
* l’inévitable millénarisme du temps de guerre, un retour du merveilleux
* Claire Ferchaud fonda après la guerre une sorte de secte, avec une véritable « captation » d’une famille noble et crédule, les Sabran-Pontevès, et une petite influence, escatologique, sur Saint-Nicolas du Chardonneret. Claire Ferchaud meurt en 1972
un ex. de « prélat patriote », Mgr Marbeau, évêque de Meaux :
- intronisé en 1910, en lutte contre le maire, mais…
- au début de la bataille de la Marne, les autorités civiles s’enfuient, Emmanuel Marbeau reste
- le 6 septembre, il crée un Comité des Intérêts publics, chargé de contrôler l’approvisionnement de la ville, d’organiser l’hygiène et la sécurité des habitants
- il organise ensuite les secours dans la ville et les villages environnants
- une grande célébrité nationale, immédiate, relancée par la 2e bataille de la Marne
- Marbeau étant persuadé de l’intervention divine dans la double victoire, il célèbre religieusement et régulièrement les anniversaires de la 1ère victoire, avec l’assentiment de l’armée française >>>> alliance du sabre et du goupillon, mais en plein Bloc national, d’où la mansuétude de la République à son égard…
quelques autres prélats « patriotes » et defensores civitatis :
- comme Mgr Lobbedey, évêque d’Arras depuis 1911, constamment présent auprès des civils durant les bombardements, visitant les blessés, se rendant même dans les tranchées auprès des soldats. Légion d’honneur le 5 novembre 1916. Meurt le 24 décembre 1916.
- évêque de Reims, le cardinal Luçon, défenseur de sa cathédrale
2°) La mentalité des combattants, la laïcité et la notion de « culture de guerre »
- sens du « devoir », qui ne discute pas, et qui est rappelé par les lettres de l’arrière (legs évident de l’école ici), qui se confond avec les devoirs envers Dieu chez les catholiques, qui ont tendance à insister sur l’idée de sacrifice, sur l’idée de martyre [13]
- hostilité envers l’adversaire, niée après-coup par une certaine élite ancien-combattante, cultivée, pacifiste. Les « fraternisations » ne sont destinées qu’à limiter le niveau de violence aux premières lignes et à faciliter la vie quotidienne. Une hostilité à l’adversaire + marquée que dans les autres armées : « Boche » est plus agressif que le « Franzmann » allemand ou le « Fritz » anglais, l’ennemi est un Barbare. La guerre est barbare mais elle permet de sauver la Civilisation, de faire triompher le droit, d’atteindre un « âge d’or » fraternel. Comme dit un personnage du Feu de Barbusse, « Faut tuer la guerre, faut tuer la guerre dans le ventre de l’Allemagne ! »
- La « culture de guerre », c’est d’abord la faculté et la détermination à résister à la durée et à la dureté de la guerre. La Première Guerre mondiale, sous l’angle des cultures, fut une immense tension collective de type eschatologique. À l’avant, il faut tenir, et à l’arrière cette culture est faite d’une véritable « religion civile » de la guerre : la guerre — souffrance majeure — est un enjeu de civilisation, elle a des buts supérieurs — ce qui permet d’oublier les souffrances du présent — , et, bien sûr, toute une propagande est développé par l’État, les intellectuels et les Églises.
- Typologie de l’expérience religieuse par Alphonse Dupront, Du Sacré (1987) :
- religion du quotidien : encadrée par l’Église, l’essentiel des fidèles
- l’extraordinaire : situation de guerre, pratiques de dévotions hors du calendrier liturgique et en tout lieu, à cause de la présence de la mort
- les superstitions : pour les soldats de la Grande Guerre, issus du XIXe siècle, il est difficile de séparer les Églises et les croyances
regain du thème de la « belle mort », très développé depuis le XVIIIe siècle : La « belle mort » = celle du héros/martyr
- Sigmund Freud : changer l’adage en « si vis vitam, para mortem » (Actuelles sur la guerre et la mort, 1915). Mort de masse, mort des jeunes.
Les jeunes enthousiastes pour la guerre comme ceux d’Agathon sont minoritaires. Psichari, mort dès août 1914 : « Je vais à cette guerre comme à une croisade », pour la France et Dieu.
- Militant de la foi (cf. miles). Prêt à devenir martyr. Héroïsme du sacrifice chez les militants de l’Action française, notamment chez les convertis, mais aussi chez les catholiques plus modérés, et chez les protestants et les juifs
- Développement d’un art épistolaire, lettres de condoléances. Le sacrifice envahit les récits, acceptation de la mort comme une préparation. Cazalis : « Je n’ai pas peur de mourir. […] j’ai fait le sacrifice de ma vie. »
- Georges Duhamel, Vie des martyrs (1917), sur des soldats morts au front : pourquoi ces soldats ont-ils non seulement accepté d’aller au martyre mais ont subi ce martyre sans le refuser pendant 4 ans, pourquoi les classes se sont succédé sur « l’autel de la patrie » ?
- Henri Massis, Le Sacrifice, 1917 — écrit dans les premiers combats de Notre-Dame de Lorette en janvier 1915 : « L’holocauste est complet. […] chacun y creuse sa tombe. » Massis évoque « l’enseignement divin du sacrifice ».
- Vision exaltée de la guerre aux aspects bienfaisants jusque dans la mort, partagée par de nombreux soldats, cf. le père jésuite Teilhard de Chardin, brancardier, La nostalgie du front, 1917 : « L’expérience inoubliable du front, à mon avis, c’est celle d’une immense liberté ».
Fascination de la souffrance, du dépassement de l’homme. Pascal est très lu par les intellectuels catholiques dans les tranchées. Imbrication sacrificielle du social et du religieux.
Solitude au front, similaire à la solitude des monastères. Graffitis ou sculptures qui font de ces lieux de mort des lieux d’oraison.
rôle de la fraternité des tranchées dans mentalités ; découverte des autres religions, dont le protestantisme français et l’anglicanisme de l’armée britannique ; découverte de la religion tout court
un "œcuménisme" relatif :
- Le lien à la mort (voir plus haut) est aussi à l’origine des velléités d’œcuménisme du front. Aumôniers, pasteurs et rabbins fraternisent dans leur même rôle. Le futur cardinal Liénart se rappelle d’un dîner avec le major juif de son régiment : « C’est la seule fois pendant la guerre où j’ai abordé l’œcuménisme au niveau de la doctrine, mais cet œcuménisme a été vécu tous les jours entre les hommes. »
- Aussi des agnostiques et des libres penseurs qui se retrouvent confrontés à la foi. Épisodes d’instituteurs endurcis mourant aux bras d’aumôniers, ou de souteneurs et autres « apaches » d’avant-guerre découvrant les joies de la fraternité chrétienne des tranchées.
- Tableau de Lévy-Dhurmer montrant un rabbin tendant un crucifix à un mourant, homme de foi aidant à mourir comme il le désire un homme d’une autre foi. Épisode repris par Barrès dans Les diverses familles spirituelles de la France, et par Claudel dans La Nuit de Noël 1914. Espoir d’une fin de l’antisémitisme avec l’Union sacrée.
Trouver la foi : la conversion :
- Des convertis de la guerre, comme Henri Ghéon, « l’homme né de la guerre », et des convertis à la guerre, comme Ernest Psichari, dont la mort est à son tour productrice de foi.
Quelques dizaines de cas de convertis célèbres. Les aumôniers et les journaux religieux relatent de nombreuses conversions de guerre.
- Enthousiasme des nouveaux convertis associé à l’enthousiasme de guerre. Cf. Barrès : « catholiques, protestants, socialistes, tous, en défendant la France, défendent leur foi particulière ».
- Conversions = souvent des retours tardifs de baptisés au sein de l’Église, majoritairement catholique.
- La guerre devient une terre de mission pour les aumôniers, qui décrivent de nombreux cas de ces retours dans l’Église. Ils insistent sur le bouleversement intérieur, pas qu’une simple peur de la mort. Conversion qui est aussi une action de grâce.
- La conversion est en réponse au miracle de Dieu et miracle elle-même. Les prodiges sont perçus comme des appels à la conversion, rester en vie dans le conflit est miraculeux et appelle à la conversion.
- Le courage des soldats devient un acte de foi, idée de sacrifice. La guerre apparaît dans les récits comme un exercice spirituel, déplacée du champ politique et militaire sur le plan religieux.
- Tout converti devient immédiatement un efficace prosélyte. Rapprochement avec les victimes de traumatismes psychologiques, « prédisposés » : « tout combattant est un transformé de la guerre. Cette transformation le mène selon les rencontres qu’il peut faire, son milieu social et intellectuel avant la guerre, sa pratique religieuse ou pas, vers le pacifisme, le socialisme, l’attentisme, la prière, l’ironie voire le cynisme (Céline ?), la perte de foi, la conversion. »
- La guerre fournit les conditions les plus difficiles et donc paradoxalement les plus favorables pour la rencontre avec Dieu : l’homme est d’abord plongé dans le désespoir de ne pas voir Dieu ou de se sentir abandonné par lui, puis la conversion se produit comme une renaissance. Les convertis vivent ainsi une « imitation du Christ en miniature » : aux souffrances de la crucifixion succèdent les joies de la résurrection. La guerre est elle-même une imitation du Christ à grande échelle.
- Exemples marquants des grands convertis morts dans la guerre comme Péguy et Psichari, morts à quelques jours d’intervalle. Mémoire reprise par leurs proches et diffusée. Identification de nombreux intellectuels aux deux écrivains, nota Psichari, du même âge qu’eux. Morts dans l’enthousiasme de la communion avec la patrie et avec Dieu.
recul de l’antisémitisme. D’ailleurs influence de Drumont a beaucoup diminué depuis l’affaire Dreyfus, et il meurt dans l’oubli en 1917
mais probl. du châtiment (voir + haut)
heurts avec anticl. / "pressions" dans hôpitaux, attitude de Benoît XV, campagne pour consécration publique de la France au Sacré-Cœur (avec apposition / drapeau) (voir plus haut)
L’ « école » doloriste du catholicisme pose un problème :
- imitation de JC = souffrances de la Passion. Cette imitation de la souffrance est un des aspects fondamentaux de la foi chrétienne pendant toute la durée du conflit, et après, cf. monuments aux morts.
- La guerre fait des soldats autant de Christ, et du Christ un soldat (cf. thème de la statue du Christ dans la boue dans les illustrations et les poèmes). Nombreux chemins de croix édifiés pendant la guerre.
- Plus on souffre, plus on est convaincu que le royaume de Dieu est proche. Dupouey : « Pendant cette guerre il n’y a pas de mort triste ». La torpille est assimilée par d’autres au « tocsin de la fin du monde ».
- Léon Bloy, chrétien anticonformiste, à la fin de sa vie lors de la guerre, dénonce l’instrumentalisation des morts par des « professionnels du journalisme dévot » comme Barrès : « À les entendre, chacun a donné sa vie pour l’amour de Dieu, dans un détachement surnaturel de toute affection terrestre. »
- Blaise Cendrars : « Dieu est absent des champs de bataille ».
Les juifs [14] :
- en 1914, 180 000 juifs en France et Algérie ; 480 000 juifs en Allemagne ; 270 000 en Grande-Bretagne
- 29 000 juifs français mobilisés ; 96 000 juifs allemands mobilisés
- les juifs apportent leur « concours patriotique » lors de l’entrée en guerre, dans les deux cas ; en France, le douloureux souvenir de l’affaire Dreyfus s’efface
- les juifs français, comme les juifs allemands, considèrent que la guerre confirmera leur émancipation
- mais l’ « union sacrée » est fragile en Allemagne
- un grand nombre de déserteurs en Alsace-Lorraine, des juifs alsaciens établis dans des pays neutres s’engagent dans l’armée française.
- des volontaires juifs étrangers, avec des cas de défilés sur les grands boulevards. Mais engagements dans la Légion étrangère >>> une mutinerie dans un régiment le 18 juin 1915 (insuccès des offensives d’Artois et de Champagne, vulgarité des sous-officiers, antisémitisme de certains officiers)
- antisémitisme dans l’armée française de la Première Guerre Mondiale : dans les unités coloniales, articles de Drumont et Maurras, profitant des déconvenues et de l’affaire Malvy [15]. Mais beaucoup moins qu’en Allemagne.
- les juifs socialistes et internationalistes : affaiblissement du Bund, virage au patriotisme (ex. : Montéhus), faiblesse du sionisme en France, bien entendu ce n’est pas en tant que juif que Georges Weill participe aux missions SFIO en Russie (et il est patriote)
- efforts patriotiques du Consistoire central ; 18 aumôniers israélites
- un messianisme républicain ; l’alliance franco-russe est un dilemme pour certains
- une mobilisation des intellectuels juifs : Bergson (dont une mission aux États-Unis), Joseph Reinach, André Suarès, Émile Durkheim
- la commémoration :
* a posé la question du communautarisme
* 4 ou 5 monuments aux morts juifs seulement en métropole, un en Algérie
* en 1934 le rabbin Jacob Kaplan prononce un discours favorable devant les Croix de Feu >>> nombreuses protestations (il rompt l’apolitisme officiel)
III. LA PAIX, LES MORTS ET LA LAÏCITE
Le 11 Novembre et la laïcité : pour les catholiques l’armistice, signé le jour de la Saint-Martin (dans l’ancien calendrier, en vigueur >>> Vatican II), le saint qui a donné son nom à un nombre maximum de paroisses françaises, est la marque que la France est toujours le « soldat de Dieu » ! Et nous sommes ce soir Faubourg Saint-Martin…
1°) Les traités de paix et la laïcité
Vatican pas invité aux négociations de paix et à la signature : le pape de la Paix, Benoît XV, contesté
mort Pie X 20 août 1914, remplacé par Benoît XV
"inégalité relig." des 2 camps
neutralité St Siège choque en France >>> épiscopat en porte-à-faux
de +, note pontif. / paix 16 août 1917
>>> naissance de la "rumeur infâme" (l’Église resp. de la guerre et/ou l’Égl. partiale) (voir plus haut)
>>> le St Siège exclu des négo. de paix (prévu dès 1915, d’autant que la Papauté n’avait pas été admise aux conférences de La Haye)
poursuivons sur l’attitude de Benoît XV :
Le pape Pie X était mort le 20 août 1914, il fut remplacé le 3 septembre par Benoît XV, Giacomo della Chiesa, né en 1854, dans une famille de haute noblesse, archevêque de Bologne, cardinal depuis trois mois seulement, mais qui avait fait une grande partie de sa carrière dans les services diplomatiques de la Curie. Benoît XV dénonce « l’horrible boucherie qui déshonore l’Europe » (28 juillet 1915), mais il ne peut que souffrir de l’« inégalité religieuse » entre les deux camps : Rome a des relations diplomatiques avec l’Autriche-Hongrie et la Bavière, ainsi qu’en Allemagne (par l’intermédiaire du nonce à Munich, Mgr Pacelli, futur Pie XII), mais seulement avec la Grande-Bretagne dans le camp de l’Entente ! Du côté de l’Entente, les relations avaient été rompues avec l’Italie et la France, et seule l’Angleterre protestante était représentée au Vatican.
Ceci explique que le pape ait consulté d’abord les seuls Empires centraux et que sa proposition, datée du 14 août 1917 et publiée deux jours plus tard dans L’Osservatore Romano, leur ait été assez favorable. Le pape consulte donc d’abord les Empires centraux avec sa note pontificale sur la paix du 16 août 1917 et surtout elle leur est favorable. Elle énonce, avec beaucoup d’encens wilsonien, plusieurs principes abstraits (liberté des mers, etc.), l’idée de renonciation à toute indemnité de guerre, celle du retour au statu quo territorial, mais avec des « compromis raisonnables » (sur l’Alsace-Lorraine et les territoires italiens de l’Autriche-Hongrie), mais ne comporte rien sur la Serbie et la Pologne ! Allemagne répond assez favorablement, la Grande-Bretagne insiste sur nécessité de l’indépendance belge (sans parler de l’Alsace-Lorraine …), mais l’opposition de Ludendorff, chef d’état-major allemand, qui a pris beaucoup d’importance politique en Allemagne, à un abandon total de la Belgique conduit finalement l’échec de cette tentative.
Autre conséquence, les alliés confirment entre eux que le Saint Siège sera exclu des négociations de paix (c’était prévu dès 1915). Benoît XV mourra en 1922. Durant les trois années séparant la fin du conflit mondial et sa mort, il élaborera une politique d’accords, qui portera ses fruits sous le pontificat suivant et restera célèbre au Vatican jusqu’à l’élection de Benoît XVI (2005) : dès 1919, le pape reçoit à Rome Wilson, qui vient, le jour même, de présider une assemblée de protestants italiens ; en mai 1920 il fait savoir qu’il ne refusera plus de recevoir au Vatican les chefs d’État catholiques qui viendraient rendre visite au roi d’Italie ; à partir de 1920 est réglé le conflit avec la France (canonisation de Jeanne d’Arc, rétablissement des relations diplomatiques, compromis sur la question des biens du clergé dès 1920…) ; dès 1921 sont pris les premiers contacts avec le gouvernement italien en vue d’une solution de la question romaine. En outre, Benoît XV lève le non expedit qui interdisait aux catholiques de participer en Italie à la vie politique et il autorise Don Luigi Sturzo, un prêtre, à fonder un parti démocrate-chrétien, le Parti populaire italien (PPI).
Mais des membres du haut clergé ont fait de la propagande auprès des neutres, il y a eu un Comité catholique de propagande française à l’étranger,
Les croyants face aux problèmes de la paix :
- op. catho. ne se distingue guère de l’ensemble des patriotes inquiets d’une éventuelle renaiss. du péril allemand, et se résigne au TV
- div. des prot. :
* certains évoluent vers patriotisme intransigeant, refusant par ex. de reprendre relations avec prot. allemands
* d’autres sont séduits par idéal wilsonien et SDN
Clemenceau obtient démission des évêques de Strasbourg et Metz
nombreux pasteurs prot. d’Alsace-Moselle retournent en All.
nombreux missionn. all. des colo. idem
France entretient nombreuses écoles catho. au Liban, héritage des établissements scolaires religieux du « Levant »
statut concordataire Alsace-Moselle conservé
une paix anti-bolchevique
2°) Monuments aux morts et cimetières, naissance d’une religion civile
dès 1916 apparaît l’idée de commémorer les morts de la guerre et se constitue dans ce but une « Reconnaissance nationale », présidée par Jean Richepin
- soldats enterrés empiriquement, là où sont morts, mais avec petite cérémonie (si calme) et lettre à la famille. Changement dans la pratique par rapport à 1870-1871 : les soldats français sont inhumés par les Allemands dans des tombes individuelles, par les Français dans des fosses communes (de 100 cadavres maximum, dit une instruction de 1915), ce qui dénote un retard sur l’évolution des pratiques civiles depuis le début du XIXe siècle. Bien sûr les officiers sont inhumés dans des tombes individuelles, et à part.
- un ex. célèbre, la tombe de Villeroy, près de Meaux : 133 morts du 276e RI début septembre 1914 (après des combats dans l’Est), dont Charles Péguy, lieutenant, enterrés dans une fosse à betteraves vide ; monument de 1932, avec nom de Péguy en haut, 34 corps non identifiés
- suite au développement d’un mouvement en faveur de la crémation en France, dans les années 1880, des essais d’incinération de cadavres en 1915, mais large protestation
- les soldats français prennet l’habitude d’inhumer leurs camarades dans des tombes individuelles >>> une loi de décembre 1915 avalise
- nombreux cas de soldats qui montent en ligne en longeant leurs futures tombes
- nombre de morts, horreur, etc. >>> appropriation collective, communale et nationale : « nos morts », comme il est gravé sur de nombreux monuments (iconographie étudiée par A.Prost et A.Becker)
- « vulgarisation » par la photographie (tradition créée pendant la G. Sécession), en deux temps : sur le moment (avec censure), dans numéros commémoratifs et récapitulatifs (ex. : L’Illustration), avec auto-censure
- on est vite passé du héros à la victime ; idée de « der des ders »
- mention « Mort pour la France » sur acte de décès, à partir de la loi du 2 juillet 1915. Les familles ont reçu un « diplôme » représentant le Départ des Volontaires, de Rude (1836). Un site Internet pour retrouver leurs fiches (Mémoire des hommes, en attaché)
- les soldats étaient dotés d’une plaque d’identité dans plusieurs armées. En France, loi de 1881 : plaque en maillechort (alliage inoxydable de nickel, de cuivre et de zinc) ; en Grande-Bretagne neuf types successifs ! Mais beaucoup de soldats ne la portaient pas et les règlements militaires ne précisent pas s’il faut enlever la plaque du mort pour la joindre au livret militaire ou la laisser sur le cadavre pour permettre son identification définitive et son inhumation ! Sauf pour les Allemands qui ont une plaque sécable, en deux parties, identiques
- grand rôle des jeunes filles et des femmes dans le culte et l’entretien des tombes, provisoires ou définitives [16]. Une forme de privatisation, de réappropriation du champ de bataille, si le corps a été laissé sur place
- en France, 252 000 non identifiés sur les 1,4 million de morts !
- La littérature et le cinéma ont popularisé la douloureuse quête des familles à la recherche de leurs disparus : Claude Simon, L’Acacia, 1989 ; Bertrand Tavernier, La Vie et rien d’autre, 1989 aussi. Une forme d’accumulation des ruines (la mort, les ruines, etc.).
- en France, loi du 31 juillet 1920 (très long débat, depuis 1915) autorise (sans obligation) la restitution et le rapatriement (aux frais de l’État [17]) des corps du champ de bataille au cimetière communal si la famille en fait la demande [18]. Des trains et wagons de cercueils, les « trains des mères » ou « des familles », qui impressionnent beaucoup la population des années 20. La plupart du temps (avec l’encouragement du législateur et avec des rites publics) la commune ménage un « carré » de Morts pour la France, mais aussi des monuments privés dans les cimetières et beaucoup de « reliques » familiales, transmises de génération en génération. Des livres d’or, éventuellement en double exemplaire. Il y avait eu et il y aura toujours des exhumations clandestines et des transports illicites, et même des trafics de cadavres [19], ce qui est logique en matière de « construction sociale » (remarqué par Maurice Halbwachs). Évidemment ceci a été facilité par la longueur des débats parlementaires. Danger, évidemment.
- Toutes les familles restreintes ne rapatrient pas les corps, ce qui a pu poser des critiques au sein de la famille élargie et/ou du voisinage (importance des « cercles de perte » et des « cercles commémoratifs » [20]). Mais à l’inverse de nombreuses familles raisonnent comme le général de Castelnau et la Grande-Bretagne » : laisser le corps du soldat là où il est tombé pour la défense de la patrie. C’est aussi pour cela que les communes regroupent souvent les corps rapatriés dans un « carré » spécial, qui sera doublé, éventuellement, plus tard, par le « carré » des résistants
- Intéressantes questions, montrant l’évolution au XIXe siècle de la vision de la mort : l’épitaphe, la photo (en soldat bien sûr),
- Tri des cadavres par nationalité, réouverture des cimetières provisoires, dégagement des cimetières civils >>> de grands cimetières militaires nationaux, des « nécropoles », sont aménagés dans les années 1920, les corps dans des cercueils, « autant que possible » [21]. La présence ou non d’un cercueil lors de la première inhumation est une question obsessionnelle au sein des familles, montrant l’évolution au XIXe siècle de la vision de la mort, du cimetière, de l’hygiène, de la mémoire, etc. Et dans une nécropole, il est difficile d’individualiser la tombe d’Untel.
- Cimetières dits « anglais » dans le Nord-Pas-de-Calais, cimetières américains dont celui du Mont-Valérien, cimetières italiens, etc.
- En France, un gros effort pour adapter aux rites de la religion connue ou supposée du soldat mort, même colonial. Des exagérations anti-laïques dans ce dernier cas, au moins.
- Les cimetières dits « britanniques » ont des monuments musulmans, hindous, etc. Les cimetières sont aussi canadiens, australiens, néo-zélandais (grand rôle dans la naissance véritable de la nation néo-zélandaise) >>> une guerre mondiale.
- Ossuaire de Douaumont ; tombeaux de soldats inconnus (Paris, Autel de la Patrie à Rome, abbaye de Westminster) :
L’état du champ de bataille était épouvantable en 1919 et des gens emportaient des « reliques », crânes et autres : il fallait faire quelque chose. La nécessité d’une sépulture collective s’imposait, remplaçant l’idée première (1916) de mausolée. L’initiative de construire un ossuaire à Douaumont, le principal fort, revient à l’évêque de Verdun, Mgr Ginisty, idée lancée en 1919 : un monument funéraire et religieux, ouvert à toutes les religions, œuvre d’une association privée, présidée par l’évêque. La construction dura une dizaine d’années, avec inauguration du monument pas tout à fait achevé en 1927 ; coût très élevé (vaste souscription) ; cultes variés ; Allemands pour la première fois en 1956 ; cérémonie Mitterrand-Kohl le 22 septembre 1984 [22]
Mémorial de Verdun :
- situé à Fleury-devant-Douaumont, à l’emplacement de l’ancienne gare de Fleury, village détruit, vingt fois pris et repris, cent fois cité dans les communiqués
- inauguré en 1967, pour le 51e anniversaire (Maurice Genevoix présent)
- Par ses formes et ses matériaux le bâtiment rappelle l’architecture des forts Séré de Rivières de la ceinture de Verdun
Enterrer et consoler :
- Mgr Julien, mai 1918 : « Les véritables morts sont les oubliés des hommes. Or nous sommes là pour faire revivre votre mémoire et la mémoire immortelle de la patrie. »
- Devoir accompli par les disparus / devoir de sauvegarder leur mémoire
- Dans une société à dominante chrétienne, le message du christianisme – sacrifice et résurrection – coïncide parfaitement avec cet effort jusqu’à sembler le recouvrir.
- Les croix de bois des tranchées deviennent le symbole de la guerre, cf. Dorgelès, Les croix de bois, 1919. La république laïque enterre ses sacrifiés sous un symbole qu’elle interdit sur ses monuments publics. Carrés de tombes juives et musulmanes dans les cimetières militaires.
- L’État commande des centaines de milliers de croix avec les cercueils.
- 300 000 morts sont rapatriés après la loi du 28 septembre 1920. Des carrés distincts dans certains cimetières civils.
- L’inhumation des corps représente un enjeu politique et symbolique fondamental dans les années 20. Familles qui réclament leurs morts. L’Écho de l’ossuaire de Douaumont et des champs de bataille de Verdun publie dans chaque numéro les longues listes des « soldats retrouvés et identifiés ».
- Coïncidence du mois de la victoire avec le mois de la Toussaint : la célébration des morts s’empare des commémorations. Les 1er et 2 novembre 1919, les cimetières ont connu une fréquentation particulièrement remarquable. Filmé pour les actualités Gaumont. Lieux de ralliement pour les soldats disparus à l’intérieur des cimetières, à Montparnasse autour de la statue dite de « l’ange du souvenir » : commémorations « sauvages » à côté des commémorations officielles et collectives.
- Dès les débuts de la guerre, des laïcs et des hommes d’Églises avaient réfléchi aux formes que devraient prendre la commémoration.
- L’organisation de la mémoire du conflit est inhérente au conflit lui-même. Elle s’appuie sur un précédent, la commémoration des morts de 1870-71.
- Monuments aux morts censés faire perdurer l’Union sacrée après la guerre.
les ossuaires des champs de batailles et les monuments aux morts des communes, l’union sacrée dans la pierre ? :
- 35-36 000 monuments aux morts communaux, sur tout le territoire.
- 4 ossuaires/nécropoles nationales des champs de bataille : Douaumont, Lorette, Dormans, Hartmannswillerkopf, plus la chapelle commémorative de la bataille de la Somme à Rancourt
Les monuments aux morts des communes montrent des noms dont ils ignorent les corps, les ossuaires entassent des corps dont ils ignorent les noms. Commémorations locales et commémorations sur les champs de bataille sont ainsi complémentaires.
- Les cinq ossuaires sont aussi entourés de gigantesques nécropoles où sont enterrés les combattants identifiés.
- Le soldat inconnu de l’Arc de triomphe a été choisi le 10 novembre 1920 à Verdun, transféré le 11, 2 ans après 1918, 50 ans après 1870. Au même moment est transféré le cœur de Gambetta au Panthéon. Longs débats à la chambre avant cette décision.
- Entre un tiers et la moitié des monuments aux morts des communes ont été implantés devant la mairie-école du village, lieu républicain par excellence.
- Pèlerinages sur les champs de bataille, notamment pour la Toussaint et Noël. Des commerçants en profitent pour vendre des souvenirs. On rapporte de la terre du champ de bataille.
- Grandes campagnes de collectes pour réaliser les grands ensembles commémoratifs. Les évêques sont le plus souvent à l’origine de la construction des ces grands ensembles, ou alors des catholiques fervents comme la famille du Bos à Rancourt.
- Quelques communistes refusent la commémoration, comme à Lens où on préfère utiliser l’argent à des programmes sociaux. L’ARAC de Lyon (Association Républicaine des Anciens Combattants) refuse de participer par refus de la guerre.
- Mais pour le reste il y a pratiquement unanimité nationale, jusque dans l’emploi des termes.
- En 1929 sont créées les « journées nationales pour l’achèvement des quatre grands monuments du front ». On vend des drapeaux, vignettes, cartes postales… pour collecter les fonds.
- Le christianisme se fait sentir dans l’architecture. Tous ces monuments sont des ex-voto. Sur la tour de Lorette, les vers de Mgr Julien (« Dieu vous reconnaîtra poussière de héros ! ») ; œcuménisme à Hartmannswillerkopf : au centre de la crypte : « PATRIE », avec des vers de Victor Hugo, autour : trois autels, catholique, protestant et juif.
que faire des morts ? :
- beaucoup de familles souhaitaient reprendre leurs morts pour les inhumer dans le cimetière de leur commune >>> loi de 1920 les y autorise
- des monuments aux morts de l’Année terrible avaient été construits (certains sont inaugurés encore en 1914 !). Après la Première Guerre mondiale env. 30 000 monuments aux morts sont construits, sous des formes variées, avec des inscriptions très variées. Connotation patriotique, voire nationaliste, exaltant presque exclusivement le soldat, mais parfois ils représentent la veuve, l’orphelin. Seuls deux monuments sont ouvertement pacifistes (Gentioux dans la Creuse, et Levallois-Perret). Ces monuments ont créé un « culte » : lecture des noms très tôt par enfants des écoles, par ex.
- des monuments commémoratifs de bataille et de morts : ossuaire de Douaumont, ND de Lorette, etc. (voir plus haut)
Arc de Triomphe, plutôt vide depuis 1840 mais napoléonien et national, traversé par la Fête de la Victoire du 14 Juillet 1919 : le 11 novembre 1920 un « soldat inconnu » choisi parmi le très grand nombre de morts non identifiés y fut inhumé. Ce choix (violemment discuté lors du débat parlementaire) donne une signification patriotique, voire nationaliste, au « sacrifice », et il crée une tradition incontournable. Pourquoi la date, plutôt que le 14 juillet, qui aurait pu devenir « rassembleur » ? Le 11 novembre 1919 avait été célébré, le 11 nov. 1920 est la fête du soldat inconnu, pour 1921 les sénateurs proposent que la commémoration soit placée le dimanche le plus proche du 11 novembre >>> protestations vigoureuses des anciens combattants ! En 1922 Chambre des Députés et Sénat se mettent d’accord pour que le 11 novembre deviennent une nouvelle « fête nationale »
Mais les cérémonies sont décentralisées et très variées : une fête civique (A.Prost) ? les anciens combattants exigent qu’elle soit la moins militaire possible ; c’est la fête de la fin de la Grande Guerre ; elle est proche de la fête des morts (et les 1er novembre 1918, 1919 et 1920 avaient connu une recrudescence de fréquentation)
Le 4 novembre 1921, la commission de l’administration générale (sic) soumit au vote des députés un court projet de loi : « Le 11 novembre, anniversaire de la victoire de la France et de ses alliés, est déclaré jour férié. » Refus après débats d’une proposition de la droite de faire glisser la fête au dimanche suivant, avec un tollé des associations d’Anciens Combattants. Le 8 juillet 1922, la Chambre des Députés adopte une proposition de loi fixant définitivement la fête de la commémoration de la Victoire au 11 Novembre, sans possibilité de renvoi à une autre date (et ce n’est pas officiellement une « fête nationale »)
contenu de la « Fête de la Victoire et de la Paix », dite couramment à tort « fête nationale » :
- dès l’origine la victoire va de pair avec le deuil, ce contre quoi l’Office des Mutilés proteste en 1926, en proposant « un jour de liesse » (même ambiguïté que la Toussaint…)
- la note dominante = hommages civils, militaires et religieux
- Œuvre du Bleuet de France, créée en 1925 par deux infirmières des Invalides
- une forme de religiosité séculière :
* la minute de silence est une forme laïcisée de prière
* la « sonnerie aux morts » est inventée par le général Gouraud en 1931
* l’appel des noms [23] rappelle le memento des morts, dit pendant la messe, au moment du canon
* récitation fréquente du poème de Victor Hugo Aux morts de Juillet, composé en hommage aux morts des Trois Glorieuses, avec les deux vers fameux « Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie / Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie. »
* respect obligatoire : les hommes doivent se découvrir, comme à l’église, un fumeur pendant la minute de silence se fait rabrouer, etc.
* mais comme des cérémonies religieuses sont organisées dès 1919, il est courant, jusqu’à aujourd’hui que la célébration d’une messe fasse partie des cérémonies officielles du 11 Novembre
* un rituel, bien établi, connu de tous et respecté
les anciens combattants ne souhaitaient pas que le 11 Novembre devînt une fête militaire, mais ce jour étant déclaré férié, l’organisation en incomba aux pouvoirs publics, qui ignorèrent leur vœu. Dès les années 1920, l’armée fut associée à l’anniversaire de l’armistice et, dans les villes de garnison, les troupes furent passées en revue avant de défiler. La Marseillaise n’appartient pas au rituel, elle est facultative
Cependant A.Prost souligne le caractère de « civisme républicain » de ces cérémonies du 11 Novembre et remarque que ce ne sont pas les drapeaux qui sont honorés, car les assistants ne défilent pas devant eux, mais les défunts, devant lesquels les drapeaux « s’inclinent respectueusement, en signe de deuil » : représentant la nation, « ils expriment sa reconnaissance et son respect pour les citoyens morts à la guerre »
à partir du 11 nov. 1923 le culte de la flamme à l’Arc de Triomphe est organisé. Une célébrité mémorielle et touristique de la Tombe du Soldat inconnu pendant l’entre-deux-guerres, dans un sens patriotique le plus souvent, mais aussi pacifiste (cf. Andromaque dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu). Après son atterrissage triomphal au Bourget, en 1927, Lindbergh choisit d’aller, en pleine nuit, porter des fleurs au Soldat inconnu français, les jours suivant il le fera à Londres et Bruxelles
Dès le début des années 1920 le 11 Novembre est contesté : antimilitaristes, pacifistes, anarchistes, libre-penseurs, membres de l’ARAC, socialistes (qui disent que la victoire a été confisquée aux combattants) >>> des manifestations dans les cimetières, avec des incidents. Sur le long terme, la principale contestation concerne les « fusillés pour l’exemple », un peu plus longtemps qu’en Grande-Bretagne, où au début des années 1980 commence une campagne pour le pardon des shot at dawn et des shell-shocks [24] >>> déclarations de Lionel Jospin et de Sarkozy (jugés insuff. par les irréductibles). Des monuments aux morts pacifistes et antimilitaristes, comme celui de Gentioux (Creuse), avec des manifestations tous les ans.
résultat d’une souscription publique ouverte par le journal Le Matin, le monument de la clairière de l’armistice dans la forêt de Compiègne est inauguré le 11 nov. 1927
sur le long terme, les anniversaires décennaux sont particulièrement fêtés
pendant la Deuxième Guerre mondiale :
- en zone occupée, les All. interdisent toute cérémonie
- manifestation du 11 nov 1940 à l’Arc de Triomphe
le 11 Nov. retrouve toute sa solennité à la Libération :
- En 1944, côte à côte, de Gaulle et Churchill s’inclinèrent devant la tombe du Soldat inconnu puis assistèrent au défilé des troupes alliées ; ensuite, dans l’après-midi des centaines de milliers de Parisiens remontent les Champs-Élysées
- Le 11 nov. 1945, à la demande de De Gaulle, outre les célébrations parisiennes traditionnelle, une cérémonie grandiose se déroula au Mont-Valérien, où furent amenés quinze corps de combattants venus de tous les fronts et représentant divers types d’engagement ; une 16e place attendu le corps du Compagnon de la Libération qui mourra le dernier [25]
innovation du 1er septennat de Mitterrand : le 1er min. se rend à la clairière de l’Armistice dans la Forêt de Compiègne
innovation de Sarkozy : un discours, alors que la cérémonie avait toujours été silencieuse
inévitable renouvellement au fur et à mesure que meurent les derniers Anciens Combattants [26]
les autres formes du souvenir :
Un comité se réunit pour former un volume des dernières lettres de soldats français tombés au champ d’honneur, le maréchal Foch, président du comité, le présente comme « un monument de plus à la gloire impérissable du soldat français ».
Les monuments aux morts, miroir et fête grave :
biblio. abondante : travaux d’A.Becker, A.Prost, S.Tison [27], travaux locaux, mais aussi J.-Y.Le Naour, Le soldat inconnu. La guerre, la mort, la mémoire, Gallimard, coll. « Découvertes », 2008, 112 p.
- Après 1870-71, les monuments aux morts sont restés dans les cimetières pour commémorer les morts enterrés ailleurs. Après la grande guerre, ce phénomène s’accentue quantitativement et qualitativement : plus de morts, plus de stèles, souvent placées au centre des villages.
- La loi interdit qu’on y applique une croix, sauf si le monument se trouve dans le cimetière ou à proximité de l’église. C’est le cas dans l’ouest, en Alsace et en Lorraine.
- « La commune de … à ses enfants » est de très loin l’inscription majoritaire.
- Dès avant 1922, quand le 11 novembre est devenu fête nationale, les cérémonies se sont fixées en un culte dont Antoine Prost note le parallèle avec la liturgie catholique. Cependant dans l’immense majorité un office catholique précédait ou suivait la cérémonie.
L’idée des monuments commémoratifs est née pendant la Grande Guerre : après la guerre de 1871, ou plutôt après le boulangisme, on en avait construit un certain nombre, mais la guerre de 1914 est vite la Grande Guerre
entreprise gigantesque en France, à la mesure du cataclysme : les communes sans monument aux morts de la Grande Guerre sont rarissimes et une seule n’a aucun monument aux morts de 1870, de la Grande Guerre et de la Deuxième Guerre mondiale
tâche collective : municipalités, associations d’Anciens Combattants, souscriptions, l’État étant souvent sollicité (conformément à la loi du 25 octobre 1919), des commerçants avisés proposent très tôt des catalogues aux communes, mais leurs articles sont chers (en particulier les statues [28]) >>> l’immense majorité des communes rurales a du se contenter de petites stèles de pierre, de pyramides tronquées, ornées de plames, de croix de Guerre, de coqs [29], mais dans les villages les monument aux morts sont construits en grande majorité avant 1922
problème du choix de l’emplacement, souvent âprement discuté : très souvent devant la mairie, ou à proximité immédiate, souvent devant l’école [30], mais aussi à proximité de l’église, voire dedans (ou monument bis), ou dans le cimetière
qu’exprimer ? victoire et douleur >>> une sculpture symbolise la victoire (le plus répandue : poilu brandissant une couronne de lauriers), une inscription funéraire, bien souvent. Les armes sont très fréquentes, et réalistes. Les morts parlent aux vivants, lesquels sculptent, rédigent, pleurent et honorent (souvent ce sont des enfants qui le font, comme lors des cérémonies). Mais les poilus sont nettement minoritaires
la Mort seule est impossible à représenter >>> on la représente comme dans les manuels d’histoire : poilu affaissé, couché dans la boue, héros du passé, comme Vercingétorix ou Jeanne d’Arc (grand rôle de l’École). Plusieurs moments d’une attaque peuvent être représentés, dont l’issue fatale ; le monument aux morts de Plonevez-Porzay suit l’agonie d’un soldat.
des inscriptions : « enfants », « morts », « fils », « héros », « guerre », « devoir », « sacrifice », « martyrs », « mémoire », etc.
longues listes de noms, très souvent sans grades, souvent avec liens familiaux visibles
les connotations :
- égalité, unité avec les civils (dont la douleur est assez souvent visible, cf. la « pleureuse » de Termignon, avec coiffe savoyarde), dont les otages et les autres victimes, dont l’exode, souvent représentés sur les monument aux morts des départements occupés, les destructions de bâtiments (idem), les résistants (idem). À La Côte-Saint-André (Isère), en haut le coq gaulois chante, au milieu le soldat lance une grenade, en bas la femme laboure.
- rarement haine de la guerre. Des monuments aux morts pacifistes et antimilitaristes [31], comme celui de Gentioux (Creuse, un écolier en tablier et sabots montre le poing à l’inscription « Maudite soit la guerre »), avec des manifestations tous les ans et l’absence officielle de l’armée (on est près du camp de La Courtine). Sur celui d’Équeurdreville (près de Cherbourg, un des rarissimes monument aux morts réalisés par une femme), inscription « Que maudite soit la guerre ». À Gy-L’Évêque (Yonne, au sud d’Auxerre) inscription « Guerre à la guerre. Paix entre tous les peuples » ; à Levallois-Perret, un ouvrier brise une épée sur son genou [32]. À Saint-Martin-d’Estreaux (Loire) et Château-Arnoux (Alpes-de-Haute-Provence), une longue inscription, plus violente et en plusieurs panneaux dans le premier cas (« Bilan de la guerre, plus de douze millions de morts ! […] », plus poétique (un sonnet) dans le second. - Moins connus, des monuments appellent à la fraternité des peuples, comme à Dardilly (Rhône), à l’abandon des armes (Avion, dans le Pas-de-Calais : une statue allégorique de la Mort lâche son glaive, grimaçant de peur à la vue des mains des morts qui se tendent vers elle ; inscription « Tu ne tueras point »), des monuments ont été érigés en marge des monuments aux morts, d’autres sont contradictoires (Lezoux, Puy-de-Dôme : glorification des « victoires » et condamnation de la guerre), d’autres sont doubles (Auchel, Pas-de-Calais : 1°) l’Humanité pleure les soldats morts, 2°) un mineur célèbre la paix)
- religieuse : quatre sanctuaires-ossuaires, mémorials chrétiens : ND de Lorette (Pas-de-Calais, un lieu de pèlerinage marial avant la guerre), Douaumont, Dormans (Marne, un Christ au sommet), Harrtmannswillerkopf (dit le Vieil Armand par les poilus) [33]
- le rejeu de l’histoire : Révolution française souvent ; le monument aux morts de Nice est une réplique du Trophée de la Turbie (6 av. JC) ; le monument aux morts de Soissons évoque le vase de Clovis
devenir :
- des refus d’inauguration par les « autorités »
- les inscriptions semblant pacifistes sont souvent cachées (fleurs, etc.), mais des monuments pacifistes sont « pieusement » fêtés par des militants de la Libre Pensée
- certains monument aux morts d’Afrique du Nord ont été démontés et réutilisés en métropole (ex. : celui de Casablanca à Senlis)
- querelles sur l’emplacement, sur l’inscription, sur les emblèmes
- imiter le Christ, imiter Marie :
Les monuments ornés de sculptures forment la 2ème catégorie de monuments commémoratifs. Sculptures figuratives, goût néoclassique des notables, héritiers des statuomaniaques du XIXe. Épis de blé et Christ, symboles de la résurrection.
L’un des sculpteurs fr qui a réalisé le plus de monuments aux morts = Maxime Réal del Sarte, ancien président des Camelots du roi, ancien combattant, ayant perdu un frère et le bras droit à la guerre. Sculpteur presque attitré des statues de Jeanne d’Arc dans les années 20. Real del Sarte représente Jeanne d’Arc en Madone tenant un soldat-Christ mort. A Rouen en 1924 il édifie un monument aux mutilés et veuves de guerre où une immense Jeanne d’Arc protège sous son manteau une veuve en pleurs tenant un nourrisson ey un amputé de la jambe.
Importance du Christ, nota en Bretagne et en Alsace, où la pratique catholique est la plus vive, mais partout dans le pays. Assimilation du Sauveur aux sauveurs de la patrie. Sacrifice.
La Vierge, sa douleur et son courage // celles des mères et des parents des combattants. La chapelle reconstruite de Lorette est dédiée à la Vierge. La pietà est la forme de l’iconographie chrétienne la plus utilisée sur les monuments communaux. Parfois imitée par une allégorie de la ville, ou une mère de poilu.
3°) Les autres suites de la guerre
La guerre a provoqué aussi une promotion de la femme. La guerre donne à la femme une place nouvelle dans la société. Cf. Louise de Bettignies, fervente catholique cultivée, née en 1880 à Saint-Amand-les-Eaux dans une famille de faïenciers, qui travaille pour l’Intelligence Service [34]
La réaction contre le rationalisme, déjà très vive à la fin du XIXe siècle, se trouve accentuée par la guerre et triomphe avec Bergson, Unamuno et le philosophe allemand Heidegger. Mais cette fuite dans l’irrationnel n’est pas l’unique moyen d’échapper à un système de valeurs qui a fait faillite. Un pessimisme d’après-guerre. À la certitude d’incarner la civilisation et le progrès succède le désarroi résumé par le cri poignant de Valéry en avril 1919 : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles… ». L’ensemble des valeurs élaborées au XIXe siècle, sur lesquelles reposaient les sentiments de supériorité et de certitude des Européens, a été anéanti par la boucherie de 1914-1918. Deux notions fondamentales en particulier volent en éclats, la croyance en une amélioration continue grâce aux bienfaits de la science et de la raison, la foi en une société toujours plus juste.
regain d’ardeur "missionnaire" grâce aux prêtres et pasteurs anciens combattants qui, en majorité, ont connu le front
État laïc doit dorénavant compter avec des relig. qui ne semblent pas prêtes à dépérir
rôle de parlementaires catholiques, comme Denys Cochin (voir plus haut)
op. catho. ne se distingue guère de l’ensemble des patriotes inquiets d’une éventuelle renaiss. du péril allemand, et se résigne au Traité de Versailles
les autres formes de mémoire :
- Les paroisses, congrégations, séminaires, écoles religieuses… rendent hommage à leurs morts de façon spéciales (comme dans les gares, les écoles…). Depuis 1905 ces institutions s’étaient senties marginalisées voire rejetées et elles ont démontré pdt la guerre qu’elles avaient toute leur place dans la nation.
- Reconstruction des églises et temples dans le nord et l’est, grâce à des coopératives, sur le même modèle que celles pour la reconstruction des villages sinistrés. Vitraux comme support de commémoration.
- Chaque confession publie un livre d’or, liste d’individus ayant fréquenté la même institution et morts à la guerre.
- Le clergé catholique publie à la Bonne Presse (1925) un monument de papier en deux énormes volumes Le livre d’or du clergé et des congrégations (1914-1922), sous-titré La preuve du sang. Noms des morts avec leurs décorations. Objectif : répondre à la « rumeur infâme » ou aux « rumeurs infâmes »
- Les morts de la guerre sont de nouveau utilisés comme des combattants : les luttes politiques et religieuses ne se sont pas terminées avec l’armistice. La ferveur des combattants continue dans la mémoire.
- On donne au nouveau-né le prénom du mort de famille. Peur du déclin démographique. Il s’agit aussi de faire passer la force morale des disparus dans les héritiers des survivants.
- En 1925 l’abbé Keller fonde la société anonyme d’habitations à bon marché, avec pour but de construire rue St-Yves dans le XIVe arrdt de Paris la « cité du Souvenir ». - Régénérescence démographique, morale et sociale. En même temps lutte contre le communisme.
- Deux types de monuments des paroisses : l’ange couronnant le poilu, souvent un prêtre-soldat ; la descente de croix et la mise au tombeau. Victoire et prière pour les morts.
- Chemins de croix où les poilus imitent le Christ.
- Chapelle du Souvenir de Paris : « Il est né 1914 Il a souffert 1916 (autel) 1917 Il est mort 1918 Il est ressuscité ».
- Vitraux de Douaumont : l’infirmière, l’ange blanc louée par les soldats
- En 1919 la basilique du Sacré-Cœur, née d’un vœu fait après les désastres de 1870-1871, est consacrée dans la victoire (Clemenceau refuse d’assister à la cérémonie). Dans un certain nombre de grandes villes, c’est l’église du Sacré-Cœur qui est choisie comme lieu de commémoration. À Paris, c’est la crypte de la basilique de Montmartre, et pas Notre-Dame, qui fait office de monument aux morts.
- À Avignon est construite une église votive dédiée au Sacré-Cœur, détruite en 44.
- En 1919 : église du Sacré-Cœur de La Roche-sur-Yon, « Montmartre vendéen »
- Des grottes-monuments aux morts dans tous les départements, nota dans les régions les plus catholiques. Listes des tués, statues de la Vierge de Lourdes, ex-voto…
- Jeanne d’Arc, présente sur de nombreux monuments communaux lorrains. Le culte de Jeanne d’Arc apparaît dans la mise en place de la mémoire de la guerre. Culte national et culte catholique. Cf. le « Petit Lavisse », « évangile de la République » (Pierre Nora).
- Dans certaines régions on commémore les morts de la guerre à l’aide de saints locaux ou nationaux ayant une attache régionale forte, comme Jeanne en Lorraine.
- Inscriptions en breton, en basque, en occitan et costumes régionaux savoyards, auvergnats, alsaciens sur les monuments aux morts : revendication régionale.
- Les soldats morts sont ainsi inscrits dans quatre cercles concentriques qui rappellent la raison de leur combat : Dieu, la patrie, la région ou le village, la famille.
- Sanctuaire du souvenir des Bretons à Sainte-Anne d’Auray : mur d’enceinte où sont gravés les noms des 240 000 Bretons morts dans la 1ère guerre mondiale, crypte de la chapelle avec cinq autels, un par diocèse, inscriptions en breton et en français : symbole de la force de la présence catholique bretonne dans la patrie française. Vers du poète Pierre Calloc’h, mort au front en 1917 « pour Dieu et la Bretagne ».
- Vitraux du souvenir dans la plupart des régions, nota dans les églises reconstruites du nord et de l’est.
div. des prot. :
- certains évoluent vers patriotisme intransigeant, refusant par ex. de reprendre relations avec prot. allemands
- d’autres sont séduits par idéal wilsonien et SDN
France entretient nombreuses écoles catho. au Liban
Père Doncœur et la DRAC (Ligue de Défense des droits des Religieux anciens combattants). Redoutable adversaire du Cartel des Gauche, trait d’union entre Rome et l’Action française. Révolution nationale 1940-1943.
personnage du prêtre ancien combattant, c. l’abbé Billard, de Saint-Augustin-des-Coquetiers. Fraternité des tranchées et formule « tous unis comme au front ».
personnage du prêtre des départements occupés (une dizaine), étudiée par Philippe Nivet [35]
nombreuses reconstructions d’églises ; nombreux vitraux représentent ou évoquent la guerre, dans tous ses aspects
La loi Astier (1919) permet aux établissements techniques privés de recevoir des subventions publiques
Conclusion
La chambre bleu-horizon (1919-1924) et le second ralliement
députés catho. font partie de la majo. parl. de 1919 à 1932, sauf entre 1924 et 1926
>>> triomphe déf. du Ralliement, sans parti catho., par appui donné à un rass. de rép. modérés
rapprochement avec le St Siège :
- mais haut clergé (nommé par Pie X) y est hostile
- et à Rome, travail de l’Action française et des cardinaux royalistes
- fêtes canonisation Jeanne d’Arc 1920 = symbole réconciliation
- rétablissement ambassade fr. au Vatican 1920
- Briand, PDC, nomme 1921 Célestin Jonnart amb. extraord. auprès du SS (choix excellent)
- Pie XI (qui a succédé à Benoît XV 1922) approuve les "associations diocésaines" 1924 (encycl. Maximam gravissimanque)
Castelnau fait reculer le Cartel des Gauches. Il fait de la Fédé. nat. catho. un groupe de pression et non un grand parti catho.
- grands rass., appui au "mur d’argent" (appel aux épargnants pour qu’ils ddent remb. bons de la Défense nationale et qu’ils ne soucrivent plus !)
progr. du Cartel des Gauches réclame expulsion des congrég. (rentrées 1914>>>), suppress. ambassade fr. au Vatican, et application loi Sép. à l’Alsace-Moselle, ce qu’E.Herriot annonce dans déclaration minist. du 17 juin 1924
mobil. catho. très ample :
- en Alsace et Moselle
- cardinaux publient 25 mars 1925 une vérit. décl. de g. X gouv., qui met en cause la conception de l’État laïque
Herriot renversé, Painlevé annonce recul du C. >>> le C. des cardinaux a fait reculer le Cartel des Gauches !
la FNC continue, coiffant les unions diocésaines. Belles années >>> 1930, avec conf., grands rass., utilisation rég. c. org. presse de L’Écho de Paris, journal de droite, etc.)
et toutes les figures d’ecclésiastiques exaltées depuis 1914 prennent une coloration anti-laïque et cléricale !
La laïcité continue à se définir par rapport au contexte, surtout dans l’entre-deux-guerres, où elle devient presque synonyme de pacifisme
Laïcité et 2e GM…
guerre d’Algérie
actualité tragique de 2015
Pour aller plus loin :
Dominique Avon, Paul Doncœur, s. j. (1880-1961). Un croisé dans le siècle, Cerf, 2001, 393 p.
Jean Baubérot, Histoire de la laïcité en France, Que sais-je ?, 6e édition en 2013
Jean Baubérot, Laïcité. 1905-2005, entre passion et raison, Seuil, 2004, 288 p.
Jean Baubérot dir., La laïcité à l’épreuve. Religions et libertés dans le monde, Universalis, 2004, 194 p.
Jean Baubérot & Michel Wieviorka dir., De la Séparation des Églises et de l’État à l’avenir de la laïcité, Éditions de l’Aube, 2005, 366 p.
Annette Becker, Les monuments aux morts, miroir de la Grande Guerre, Errance, 1988, 144 p.
Annette Becker, La guerre et la foi. De la mort à la mémoire (1914-1930), Armand Colin, coll. "U", 1994, 141 p.
Jean-Jacques Becker, 1914.Comment les Français sont entrés dans la guerre, thèse, FNSP, 1977, 637 p.
Jean-Jacques Becker, Clemenceau, chef de guerre, Armand Colin, 2012, 223 p.
Séverine Blenner-Michel & Jacqueline Lalouette dir., Servir Dieu en temps de guerre. Guerre et clergés à l’époque contemporaine, Armand Colin, 2013, 377 p.
Xavier Boniface, L’aumônerie militaire française (1914-1962), Le Cerf, 2001, 596 p.
Jacqueline Lalouette dir., L’Hôpital entre religions et laïcité du Moyen Âge à nos jours, Letouzey & Ané, 2006, 304 p.
Philippe-É.Landau, Les juifs de France et la Grande Guerre. Un patriotisme républicain (1914-1941), CNRS, 1999, 296 p., réédition, 2008, 293 p.
Jean-Marie Mayeur, La question laïque (19e-20e siècles), Fayard, 1997, 238 p.
Daniel Moulinet, Genèse de la laïcité. À travers les textes fondamentaux de 1801 à 1959, Cerf, 2005, 304 p.
Henri Pena-Ruiz, Histoire de la laïcité. Genèse d’un idéal, Gallimard, 2005, 144 p.
Manon Pignot, Allons enfants de la patrie ! Génération Grande Guerre, Thèse remaniée, Seuil, 2012, 440 p.
Émile Poulat, Notre laïcité publique. « La France est une République laïque » (Constitutions de 1946 et 1958), Berg, 2003, 416 p.
Antoine Prost, "Les monuments aux morts", dans P.Nora dir. Les Lieux de mémoire, Gallimard, 1984-1992, 3 tomes en 7 vol., tome I, pp. 195-228.
Antoine Prost, Les Anciens Combattants et la société française (1914-1939), Thèse, FNSP, 1977, 3 vol., 268, 261 & 237 p., réédition sous le titre Les Anciens Combattants, 1914-1940, 325 p.
René Rémond, L’invention de la laïcité, Bayard, 2005, 176 p.
[1] J.-J.Becker & G.Krumeich, La Grande Guerre. Une histoire franco-allemande, Tallandier, 2008, 380 p., p. 77, première page du chapitre « Union sacrée en France et Burgfrieden en Allemagne ». Parmi beaucoup d’ouvrages et d’articles de J.-J.Becker, « La genèse de l’Union sacrée », dans Colloque 1914. Les psychoses de guerre ?, Rouen, Publications de l’Université de Rouen et Centre régional de Documentation pédagogique de Rouen, 1985, 257 p., actes d’un colloque de 1979, pp. 205-216.
[2] Titre d’un ouvrage de l’abbé Élie Blanc.
[3] Les « atrocités allemandes » sont évoquées dans deux livres récents : J.Horne & A.Kramer, 1914. Les atrocités allemandes, Tallandier, 2005, 640 p., G.Ponsinet, Guerre aux civils-guerre des civils dans les Ardennes envahies de 1914 à 1918, L’Harmattan, 2012, 272 p.
[4] Fr.Cochet, Rémois en guerre. 1914-1918. L’héroïsation au quotidien, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1993, 168 p. ; S.Tison, Comment sortir de la guerre ? Deuil, mémoire et traumatisme (1870-1940), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, 423 p., p. 201.
[5] J.-Y.Le Naour, Misères et tourments de la chair durant la Grande Guerre. Les mœurs sexuelles des Français, 1914-1918, Aubier, 2002, 411 p., chapitre I.
[6] Avec, le cas échéant, des choix raisonnés : des lazaristes, habitués à l’Orient, sont nommés dans l’armée de Salonique.
[7] M.Bloch, Souvenirs de guerre (1914-1915), publiés seulement en 1969 sous la forme d’un Cahier des Annales, Armand Colin.
[8] Elle est en fait d’ascendance française, danoise et espagnole.
[9] Cf. S.Audouin-Rouzeau, Les Armes et la chair. Trois objets de mort en 14-18, Armand Colin, 2009, 176 p.
[10] Parce que l’armée portugaise, alliée des Anglais et des Français, s’était battue dans le coin, subissant des pertes terribles.
[11] J.-Y.Le Naour, Claire Ferchaud. La Jeanne d’Arc de la Grande Guerre, Hachette Littérature, 2006, 285 p.
[12] Les soldats vendéens mobilisés l’ont souvent mis sur leur képi en 1914.
[13] Cf. A.Becker, La guerre et la foi. De la mort à la mémoire (1914-1930), Armand Colin, coll. "U", 1994, 141 p. & N.-J.Chaline dir., Chrétiens dans la première guerre mondiale, Le Cerf, 1994, 201 p.
[14] Ph.-E.Landau, "Juifs français et allemands dans la Grande Guerre", Vingtième Siècle. Revue d’histoire, juill.-sept. 1995, pp. 70-76 et surtout : P.-E.Landau, Les juifs de France et la Grande Guerre. Un patriotisme républicain, CNRS, 1999, 296 p., réédition, 2008, 293 p.
[15] Cf. les accusations de trahison portées contre Malvy (ajoutons que Malvy votera les pleins pouvoirs à Pétain mais qu’on ne le verra pas à Vichy). Il fait partie de ceux qui apparaissaient comme les leaders du "pacifisme" sans être le moins du monde des traîtres. Biblio. : le remarquable livre de J.-Y.Le Naour, L’affaire Malvy. Le Dreyfus de la Grande Guerre, Hachette Littératures, 2007, 378 p., qui est nourri des archives de Louis-Jean Malvy, communiquée par Martin Malvy, son petit-fils, et des archives judiciaires, qui démontrent l’instruction à charge.
[16] S.Tison, Comment sortir de la guerre ? Deuil, mémoire et traumatisme (1870-1940), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, 423 p., passim.
[17] Lequel a obtenu des tarifs avantageux auprès des compagnies de chemin de fer.
[18] Les Britanniques prennent une décision totalement différente, dont les conséquences sont encore visibles dans le paysage : ils nationalisent les tombes, tous les combattants de l’actuel Commonwealth doivent reposer dans la terre du champ de bataille où ils furent tués
[19] S.Tison, Comment sortir de la guerre ? Deuil, mémoire et traumatisme (1870-1940), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, 423 p., passim.
[20] Ibid., passim.
[21] Idée de S.Barcellini, "Les nécropoles de la Grande Guerre", Historiens & Géographes, déc. 1988, pp. 299-301, et « Un demi-siècle d’action commémorative », dans G.Canini dir., Mémoire de la Grande Guerre. Témoins et témoignages, Presses universitaires de Nancy, 1989, 414 p., Actes d’un colloque de Verdun, pp. 17-30.
[22] A.Prost, "Verdun", dans P.Nora dir. Les Lieux de mémoire, Gallimard, 1984-1986, 4 vol., tome II, 3, pp. 111-141 ; G.Canini, « Verdun : les commémorations de la Bataille, 1920-1986 », dans G.Canini dir., Mémoire de la Grande Guerre. Témoins et témoignages, Presses universitaires de Nancy, 1989, 414 p., Actes d’un colloque de Verdun, pp. 355-374
[23] Très souvent après chaque nom un ancien combattant ou un enfant répond « Mort pour la France » ou « Mort au champ d’honneur »
[24] Des soldats ont été (lourdement) punis pour avoir refusé de tirer sur leur compagnon d’armes. N.Offenstadt, Les fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999), Odile Jacob, 1999, 285 p. ; J.-Y.Le Naour, Fusillés. Enquête sur les crimes de la justice militaire, Larousse, 2010, 335 p.
[25] Elle est encore libre.
[26] Le dernier : Lazare Ponticelli, Italien né en 1897 dans la misérable Émilie, immigré de la misère à dix ans en France, engagé volontaire dans l’armée française (Légion étrangère) en 1914 (à 17 ans), renvoyé manu militari en Italie en 1915, il se bat au Tyrol, il revient en France après la Première Guerre mondiale et est naturalisé français en 1939. En mai 1940 il incendie la raffinerie de Petit-Couronne que la société qu’il a constituée avec ses frères a contribué à construire (la société deviendra une multinationale de la métallurgie, des travaux publics et de la mécanique après 1945). Il témoignera toujours contre l’horreur et l’ « idiotie » de la guerre, dans les écoles par exemple. Décédé en 2008, après avoir refusé vigoureusement les funérailles nationales ; l’État organisera une cérémonie d’hommage national… Biblio. : la biographie de Véronique Fourcade, Le Dernier Poilu. Lazare Ponticelli, Stock, 2008, 234 p., et l’ouvrage collectif, assez « officiel » et « pensant bien », Hommage à Lazare Ponticelli, dernier légionnaire de la grande guerre, L’Esprit du Livre, 2007, 159 p. Le dernier Tommy britannique, Harry Patch, qui avait participé à la bataille de Passchendaele (1917), est mort en 2009.
[27] S.Tison, Comment sortir de la guerre ? Deuil, mémoire et traumatisme (1870-1940), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, 423 p.
[28] Une amusante présentation de ces statues, de la fonderie, d’un 11 Novembre inaugurant un monument et… d’un modèle (Laetitia Casta !) dans un film récent (2008), pour adolescents, La Jeune Fille et les loups, de Gilles Legrand.
[29] Comme chacun le sait, « Gallus » = « Gallia »…
[30] Ajoutons que les Écoles normales supérieures masculines, qui ont eu beaucoup de décès, ont toutes leur monument aux morts (celui de la rue d’Ulm est très « Lettres classiques »), que les écoles normales d’instituteurs (qui ont été tués plus souvent qu’à leur tour) ont souvent le leur. Les lycées rarement (mais Saint-Étienne, très historique), au profit de plaques, souvent monumentales, comme à Louis le Grand, lequel a eu longtemps dans la cour d’honneur des petits canons et des obus. Substituts…
[31] Cf. D. et P.Roy, Autour de monuments aux morts pacifistes en France, Fédération nationale laïque des Associations des Amis des Monuments pacifistes, républicains et anticléricaux, 2006, 240 p.
[32] Le maire actuel interdit, bien entendu, tout rassemblement pacifiste…
[33] Grande statue de la Vierge, par Bourdelle, dans la crypte de ce dernier
[34] Cette jeune Lilloise travaille pour l’Intelligence Service, développant un vaste réseau de renseignement et d’évasion dans le Nord de la France occupée (80 personnes). Arrêtée et condamnée à mort en 1915, sa peine est commuée en prison à perpétuité. À Siegburg, en Prusse, elle continue la résistance, engageant les prisonnières à ne pas fabriquer les têtes de grenade allemandes. Punie, elle contracte une pleurésie au cachot, est opérée et meurt de septicémie en septembre 1918. Cf. P.Nivet, La France occupée. 1914-1918, Armand Colin, 2011, 480 p., passim ; A.Becker, « Le sort des femmes pendant l’occupation allemande du Nord de la France », dans É.Morin-Rotureau dir., 1914-1918 : combats de femmes. Les femmes, pilier de l’effort de guerre, Autrement, 2004, 250 p., pp. 151-171.
[35] Dans l’ouvrage cité dans une note précédente et dans sa contribution, « Le clergé catholique en France occupée (1914-1918) », dans Séverine Blenner-Michel & Jacqueline Lalouette dir., Servir Dieu en temps de guerre. Guerre et clergés à l’époque contemporaine, Armand Colin, 2013, 377 p., pp. 137-149.
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales