Revue de presse

Dieu peut se défendre tout seul : « On porte un film militant, un film d’urgence » (Charlie Hebdo, 14 août 24)

(Charlie Hebdo, 14 août 24) 24 août 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Dieu peut se défendre tout seul, d’Isabelle Cottenceau, 1 h 23. Sortie le 7 août 24.

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Entretien. Dieu peut se défendre tout seul : « On porte un film militant, un film d’urgence »

Sorti en salles le 7 août dernier, le documentaire “Dieu peut se défendre tout seul” d’Isabelle Cottenceau a pour cadre le procès des attentats qui ont frappé notre journal le 7 janvier 2015. On y suit Richard Malka, notre ami et avocat, préparant l’une des plaidoiries les plus difficiles de sa carrière. Mais on revient aussi sur ce que le grand public a souvent oublié dans cette affaire, et notamment comment des imams pyromanes ont menti pour mobiliser la rue arabe contre la liberté d’expression européenne.

Charlie Hebdo : Qu’est-ce qui vous a pris de vouloir produire un film sur le procès des attentats du 7 janvier 2015 ?

Sophie Jeaneau : J’ai longtemps travaillé avec Daniel Leconte, l’auteur-réalisateur des deux films sur Charlie, C’est dur d’être aimé par des cons et L’Humour à mort. On a côtoyé ­l’arrière-boutique de Charlie, Cabu passait tout le temps nous voir, Philippe Val aussi, on était des partenaires de Charlie parce qu’on avait ce socle commun de valeurs. À l’époque, Richard Malka était un jeune avocat. Il n’y avait pas encore eu le procès des caricatures, on faisait la fête ensemble, ce genre de choses. Après, on a tous pris des chemins différents, et on a tous été totalement bouleversés par les attentats. Un jour de septembre 2020, à l’ouverture du procès, j’entends Richard Malka sur France Inter. Je me suis dit qu’il fallait absolument qu’on soit avec eux. Il fallait que quelqu’un de cette bande soit là.

Comment l’avez-vous pensé, ce film ?

On ne voulait pas d’un film qui soit un énième film-procès. Il y en avait d’ailleurs déjà un, qui en était presque au stade de la finalisation chez un autre producteur. Nous, on a voulu faire quelque chose de différent. Je suis aussi maman, alors je me suis beaucoup interrogée sur cette question des nouvelles générations, je suis assez déroutée par ce que les gens, et surtout les jeunes, pensent de Charlie aujourd’hui. C’est très compliqué de leur expliquer ce qu’est ce journal ; les nouvelles générations ont cette notion de bienveillance, cette tolérance géniale à l’égard des personnes homosexuelles, des personnes trans, à l’égard de toutes les minorités, et aussi à l’égard des femmes, bien sûr.

En revanche, il y a cette idée qu’il ne faut pas froisser l’autre, que publier des caricatures ou être sale gosse comme l’est Charlie, c’est offensant, et ce n’est pas bien. J’ai envie que cette jeune génération s’empare de ces ­combats, pour la liberté d’expression et pour la laïcité. Je pense que la transmission de ces valeurs fait partie du socle commun de notre République. En assistant à une des projections, mon jeune neveu m’a dit : « Ce film est nécessaire, c’est tellement clair. »

Et il rappelle un certain nombre d’éléments oubliés qui ont conduit à l’attentat…

Tout à fait. Notamment l’escroquerie finie qui est le point de départ de toute cette affaire, quand des imams danois ont fait la tournée du monde arabe, tout particulièrement en Égypte et au Liban, en mélangeant les caricatures de Mahomet avec de fausses caricatures qu’aucun journal n’avait jamais publiées. On rappelle aussi que c’est le quotidien danois Jyllands-Posten qui est à l’origine des caricatures, republiées d’abord dans France-Soir [avant sa refondation par l’entrepreneur millionnaire et complotiste Xavier Azalbert, ndlr], puis dans Charlie.

Le personnage principal du documentaire, c’est Richard Malka, l’avocat de Charlie. Et la colonne vertébrale du film, c’est sa plaidoirie, Le Droit d’emmerder Dieu…

On s’est fondés sur la plaidoirie de Richard, c’est vrai. Intuitivement, dès le départ, on s’est dit qu’il fallait que notre personnage ce soit lui. Il nous a fait confiance, il nous connaissait. On s’est demandé comment on pouvait raconter l’histoire autrement qu’en superposant des points de vue. C’est là qu’on a compris que la plaidoirie de Richard semblait être son espèce de Graal, il y avait une forme de dramaturgie qui s’est imposée. Il y avait, surtout, cette peur sincère en lui de foirer ce moment capital.

C’est ce qu’il nous a dit à l’époque, que ça avait été la plaidoirie la plus difficile à écrire pour lui…

Il était tétanisé. Il s’agissait de défendre ses amis, son journal, une liberté capitale, la liberté d’expression. Il y avait cet enjeu majeur, qui était d’expliquer au monde pourquoi Charlie défendait ces positions-là. Pourquoi Charlie avait choisi de publier ces caricatures et d’en ajouter d’autres. C’était aussi très politique. C’est ce qui nous a fait comprendre qu’il y avait pour ce film une trajectoire évidente : la plaidoirie serait, pour nous, décisive.

Heureusement qu’il ne s’est pas planté…

(Rires.) Évidemment ! Mais on y était, et on a été transcendés. Cette plaidoirie est historique, lumineuse, claire et, pour nous qui sommes des cinéastes, elle est imagée. Ça a confirmé notre intuition.

Bon, parlons des sujets qui fâchent. Le film a été difficile à financer, non ?

Ça a été super compliqué. Richard nous avait prévenus. J’avais compris que je portais un film militant, un film de coeur, un film d’urgence. Je savais qu’on n’avait pas de pognon. On est partis avec rien, comme on le fait parfois, et on a commencé par appeler les chaînes de télévision. J’avais bien conscience, au fond, qu’on était hors cases, je ne voyais pas une télé prendre ce film, je ne voyais pas France Télévisions nous dire oui. Et effectivement, on a essuyé des refus. On a galéré pendant un an, on a proposé le film à Arte et à France Télévisions, et personne ne nous a suivis. Sans vraiment nous expliquer pourquoi. Heureusement, nous avions un partenaire dans le groupe Canal+ qui a bien voulu nous suivre.

Mais pourquoi des chaînes, et notamment celles du service public, sont-elles si frileuses quand il s’agit de Charlie ?

Elles ont peur. Ce n’est pas nouveau, Charlie dérange. Après, c’est vrai que quand on a eu Canal+, on était super contents, on savait qu’on allait pouvoir faire le film, on savait qu’on allait avoir des partenaires. Cette histoire de financements, en réalité, c’est exactement la même chose que ce que dit Richard dans sa plaidoirie : on n’est pas contre Charlie, mais on n’est pas non plus engagés pour Charlie. C’est hallucinant, c’est confondant de lâcheté. On est pour la liberté d’expression, mais il y a cette histoire de respect. Le respect devient une sorte de paravent.

Ce qui pourrait expliquer que le film soit sorti le 7 août, en plein été ? Avant, on appelait ça une « sortie technique »…

Il y aura d’autres projections en septembre, on est en train de monter des partenariats. Notre volonté, c’est qu’il soit diffusé sur Canal+ au moment de la commémoration des dix ans des attentats. On sait que le film documentaire au cinéma, c’est pas non plus très simple à vendre. On voulait capitaliser sur Canal+.

Propos recueillis par Jean-Loup Adénor et Gérard Biard


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