Revue de presse

"Des « statistiques ethniques » seraient-elles vraiment utiles ?" (lefigaro.fr , 5 mai 15)

13 juin 2020

"Plébiscitées par Manuel Valls en 2009, elles font débat après ses propos sur l’« apartheid » territorial en France en janvier dernier.

« Statistiques ethniques » : deux mots dont l’association enflamme les esprits. Le président de la République avait jugé vaine la mise en place de nouveaux outils de mesure de la diversité lors de sa conférence de presse du 5 février. Son premier ministre avait rallumé la mèche, le 20 janvier dernier, en dénonçant un « apartheid territorial, social et ethnique » en France et en appelant à une « politique de peuplement » pour lutter contre la « ghettoïsation ». Manuel Valls s’est à nouveau démarqué en mars, en se disant « prêt à avancer » sur une « réflexion, avec les spécialistes, les experts, les sociologues, les géographes, dans un cadre constitutionnel », à propos des statistiques ethniques.

● Ce qui existe aujourd’hui

« Statistiques ethniques » : deux mots dont l’association enflamme les esprits. Le président de la République avait jugé vaine la mise en place de nouveaux outils de mesure de la diversité lors de sa conférence de presse du 5 février. Son premier ministre avait rallumé la mèche, le 20 janvier dernier, en dénonçant un « apartheid territorial, social et ethnique » en France et en appelant à une « politique de peuplement » pour lutter contre la « ghettoïsation ». Vendredi, Manuel Valls s’est à nouveau démarqué, en se disant « prêt à avancer » sur une « réflexion, avec les spécialistes, les experts, les sociologues, les géographes, dans un cadre constitutionnel », à propos des statistiques ethniques.

Les statistiques fondées sur « la définition a priori d’un référentiel ethno-racial » telles que pratiquées aux États-Unis ou en Grande-Bretagne sont interdites en France. En revanche, les statistiques ethniques sont autorisées dans certaines enquêtes, comme celle de l’Insee sur l’emploi. Elles peuvent contenir des données comme « enfant d’immigré algérien », « Français né d’un père turc »… D’autres données subjectives, fondées sur le « ressenti d’appartenance », peuvent également être collectées sous certaines conditions. Comme la Constitution interdit toute « distinction de race, de religion ou de croyance » entre citoyens, ces études doivent obtenir une dérogation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Le feu vert est accordé sous certaines conditions (consentement éclairé, anonymat, finalité du traitement, échantillon non exhaustif…).

● Ce que veulent les partisans d’une évolution

Ils n’ont pas manqué de saisir la perche tendue par Manuel Valls. Mener une « politique de peuplement » sous-entend « d’accepter l’idée des statistiques ethniques », s’est empressé de souligner Benoîst Apparu, ex-ministre du Logement de Nicolas Sarkozy, lors de son passage fin janvier au « Talk Orange-Le Figaro ». « Je défends l’instauration officielle de statistiques ethniques qui sont aujourd’hui illégales et restent un tabou dans notre République », a tonné dans la foulée la sénatrice écologiste Esther Benbassa, coauteur d’un rapport sur la question en novembre dernier.

● Est-ce compliqué à changer ?

Introduire une question sur le pays de naissance des ascendants et la nationalité antérieure tous les cinq ans dans le recensement : c’est l’idée défendue dans le rapport d’Esther Benbassa et de l’UMP Jean-René Lecerf. Pour ce faire, « nul besoin de changer la loi », souligne François Héran, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined). « Mais cette décision devrait être approuvée par le Conseil national de l’information statistique et certains de ses membres, comme les représentants de la CGT, y sont opposés », explique-t-il. Tout autre est la problématique des fichiers de gestion, à l’usage des entreprises, des administrations. Il est exclu d’y introduire des informations sur les origines qui suivraient nommément les personnes. Des enquêtes anonymes peuvent cependant être menées, après avis favorable de la Cnil, dans le cadre de plans antidiscrimination.

● Ceux qui ne veulent pas d’évolution

Le Défenseur des droits met en garde contre « les risques d’utilisation détournée » de données sur les origines. « Systématiser le recueil de ce type de données va à l’encontre des principes de la République », plaide Jacques Toubon qui préfère en rester aux « enquêtes autorisées après dérogation, pour quantifier les phénomènes de discrimination dans un cadre bien défini ». « Il n’est pas forcément nécessaire de recenser l’origine des salariés pour savoir si une entreprise a des pratiques discriminatoires. Il existe d’autres méthodes comme l’auto-testing », note-t-il. Si le Cran (Conseil représentatif des associations noires) milite depuis plusieurs années en faveur d’une loi pour rendre obligatoires les statistiques ethniques, d’autres mouvements comme le Mrap ou SOS Racisme y restent vivement opposés. « Les “statistiques ethniques” sont accusées de faire le lit du communautarisme en catégorisant les citoyens selon le prisme de leur appartenance raciale ou ethnique », résume le rapport Benbassa-Lecerf."

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