(lopinion.fr , 2 oct. 24) 3 octobre 2024
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Des tracts malveillants, un cercle de discussion nommé « Oumma Montpellier » et des cortèges pro-palestiniens… comment les relais locaux de LFI s’adressent à l’électorat musulman en vue de 2026.
Antoine Oberdorff
Les faits - Inflexible sur le respect de la laïcité, le maire PS de Montpellier fait depuis plusieurs mois l’objet d’une campagne diffamatoire alimentée par des militants proches de LFI l’accusant de stigmatiser ses administrés de confession musulmane. Depuis son élection en 2020, le combat contre le séparatisme de Michaël Delafosse lui vaut d’être assimilé aux idées du Printemps républicain, devenu, à gauche, une sorte d’épouvantail idéologique.
Quelques exemplaires distribués à la sortie de la mosquée de La Paillade, d’autres directement glissés dans les boîtes aux lettres des quartiers populaires de la ville, la rumeur se répand comme une traînée de poudre dans Montpellier et son agglomération. Le chef-lieu de l’Hérault serait devenu la « capitale européenne de l’islamophobie ».
Le présumé coupable ? Michaël Delafosse, 47 ans, le maire socialiste en place depuis 2020. Son visage est épinglé sur des centaines de tracts accusateurs. Sur fond noir, à côté d’une mosquée, d’un coran, d’une abaya et d’un drapeau palestinien barrés de rouge, on peut lire : « Il participe à la fermeture de mosquées et d’établissements musulmans. Il a attendu plus de 30 000 morts et 17 manifestations à Montpellier pour appeler au cessez-le-feu. Il se fait policier du vêtement féminin (abaya) ».
Derrière cette campagne anti-Delafosse, un collectif citoyen qui prétend défendre « la dignité des musulmans de Montpellier et sa métropole ». Le 2 avril 2023, ses membres ont lancé une pétition en ligne qui a recueilli 1 577 signatures. Leur mot d’ordre : « STOP à la politique discriminatoire du maire M. Delafosse à l’égard des musulman(e)s ».
Un sentiment d’oppression religieuse, un malentendu sur le sens de laïcité, l’urgence de la paix à Gaza… les charges contre l’édile se bousculent. Elles sont suffisamment graves pour le contraindre à accepter une protection policière.
« Pressions religieuses ». Pourquoi tant de haine ? Dès sa campagne municipale, en 2020, Michaël Delafosse s’est affirmé en représentant d’une gauche profondément laïque, hostile à toute forme de clientélisme. Pour ce professeur d’histoire passé par la Seine-Saint-Denis, « la gauche a été trop faible, trop louvoyante, sur l’affirmation des valeurs de la République face aux pressions religieuses ». Comme candidat, il refuse d’accepter une colistière voilée, Samira Yakhlef, militante du Parti communiste à Montpellier. « Si elle avait été élue, aurait-elle porté l’écharpe tricolore et le voile ensemble ? Comment aurait-elle pu célébrer les mariages républicains ? », assume-t-il encore de dire aujourd’hui.
Lui, maire de Montpellier, il n’y aura pas de burkini dans les piscines municipales. Pas d’abaya non plus à l’entrée des écoles. Lui, maire de Montpellier, il y aura une offre de soutien scolaire « public, laïc et gratuit » pour que les enfants ne soient surtout pas abandonnés aux milieux confessionnels. La communauté musulmane en prend rapidement ombrage. Politiquement, ses rivaux de La France insoumise s’insurgent contre une supposée « obsession islamophobe » lorsqu’ils voient des associations coupées de subventions pour ne pas avoir respecté la charte de la laïcité édictée par la mairie.
« Aussitôt arrivé, Michaël Delafosse a dévoyé la laïcité pour jeter la suspicion sur les musulmans, fustige la députée LFI de Montpellier, Nathalie Oziol. Son action a introduit une tension dans la ville avec des associations de quartier qui ont eu le sentiment de devoir se justifier constamment. Il a la laïcité à géométrie variable. Quand il s’affiche pour la fête chrétienne de la Saint-Roch, il n’y voit aucun problème de neutralité ». Ce que le socialiste récuse formellement : en tant que conseiller municipal à l’urbanisme sous Hélène Mandroux (2004-2014), il a donné son feu vert pour la construction de plusieurs mosquées. En revanche, ce défenseur d’un « Islam de France » entend faire place nette par rapport aux complaisances passées.
« Entrisme islamiste ». Dans les mois qui ont suivi son installation à l’Hôtel de ville, des vestiaires sportifs convertis en salles de prière coraniques sont tombés sous le coup d’arrêtés municipaux. De même, la mosquée Averroès que le royaume du Maroc tentait de racheter pour un euro symbolique n’a jamais ouvert ses portes. Une affaire d’ingérence. « Delafosse, c’est un républicain de combat, intraitable sur l’entrisme islamiste », salue l’actuel préfet des Alpes-Maritimes, Hugues Moutouh, en poste de 2021 à 2023 dans l’Hérault.
Ses engagements passés suintent l’universalisme du maître d’école. En 1994, Michaël Delafosse militait contre la révision de la loi Falloux sur le financement de l’enseignement privé. En 2004, il était dans le camp de ceux qui voulaient bannir le voile de l’école. Le cursus honorum du laïcard modèle pour les lecteurs de Voltaire, le musée des horreurs du Printemps républicain pour ceux d’Aurélien Bellanger.
Toujours est-il que les soupçons d’islamophobie ciblant Michaël Delafosse prospèrent à Montpellier, souvent alimentés par les représentants locaux de LFI. Il y a d’abord son adversaire au conseil municipal, Alenka Doulain, ancienne candidate aux municipales sur la liste citoyenne « Nous sommes », soutenue par Jean-Luc Mélenchon. Mais aussi la députée LFI de l’Hérault, Nathalie Oziol et Rhany Slimane, candidat sur la liste insoumise aux européennes de 2019.
Ces trois-là disposent d’une audience considérable dans les quartiers populaires de Montpellier, en particulier dans les tours de La Mosson. Sur une boucle WhatsApp intitulée « Oumma Montpellier », des militants organisent des tournées de porte-à-porte à destination « des frères et des sœurs » de la communauté, afin de les convaincre de voter pour ces figures de LFI.
« Fanatique musulman ». Sur ce groupe, un jour, il est question de l’hommage de Michaël Delafosse au martyr Samuel Paty. L’utilisation du terme de « fanatique musulman » pour qualifier l’assassin du professeur de Conflans-Sainte-Honorine provoque l’indignation générale. Un peu plus loin, ce sont les arrêtés d’interdiction des rassemblements pro-Gaza qui suscitent l’ire de la communauté. « Mais hamdoulilah, on a déposé des recours et à chaque fois la justice l’a remis à sa place », se félicite l’administrateur du groupe, Taïbi Bouklit. Le 14 septembre, celui-ci se félicite que Montpellier soit devenu « la ville qui se mobilise le plus pour la justice en Palestine » rapportée au nombre d’habitants. Dans le même message, il applaudit l’opposition politique déterminée de l’insoumise Alenka Doulain au « maire le plus sioniste de l’histoire ».
Le suivant, c’est le préfet de l’Hérault François-Xavier Lauch qui subit un procès en islamophobie pour avoir fermé le Sète Olympique, un club de foot visé par une note blanche des renseignements généraux pour ses liens avec des salafistes. Toute section féminine y était interdite, l’étoile et le croissant islamique figurant sur l’écusson des maillots. « Quand a eu lieu la célébration de la fête juive de Hanouka à l’Elysée avec des prières en hébreu à l’intérieur du palais présidentiel, est-ce que c’est une absence de neutralité ou non ? », feint de s’interroger l’un des contributeurs d’ « Oumma Montpellier ».
« À Montpellier, il y a un syncrétisme entre les insoumis et des mouvances proches des Frères musulmans. La France insoumise est devenue la branche politique de l’Oumma », d’après une source interne aux services de renseignement. « Parfois, les motivations du vote peuvent émaner de cercles religieux. Mais je n’ai pas d’instruction à donner dans les milieux religieux. Que des religieux extrémistes essayent d’infiltrer des milieux vulnérables, cela existe et pas que dans des salles de prière musulmanes », se défend Nathalie Oziol auprès de l’Opinion. Avant d’ajouter, en direction d’un certain François Ruffin : « Moi, il y avait la tête de Mélenchon sur mes tracts. Je ne fais aucune distinction : on est à rebours d’une campagne au faciès. Je ne m’adresse pas aux gens en fonction d’une couleur de peau ou d’une religion ». La « nouvelle France » de Jean-Luc Mélenchon échapperait-elle à l’impasse identitaire ?
2026. L’intense mobilisation des activistes pro-palestiniens, localement réunis autour du comité « Urgence Palestine » et de l’antenne de « Boycott, désinvestissement et sanctions – BDS », a permis une performance historique pour Jean-Luc Mélenchon aux européennes. A Montpellier, la liste de LFI a devancé toutes les autres formations politiques, avec un score de 24,18 % des suffrages exprimés. Dans les bureaux de vote de La Paillade, une cité de 30 000 habitants, c’est un plébiscite pour les insoumis qui raflent 75 % des voix contre seulement 3 % pour les sociaux-démocrates de Raphaël Glucksmann.
De quoi donner des idées à Nathalie Oziol pour les élections municipales de 2026. « Nous, à LFI, on peut revendiquer monter une liste qui réponde aux besoins des habitantes et des habitants », assure-t-elle. La promesse d’une campagne électorale accrochée, où deux conceptions de l’universalisme s’affronteront à gauche. « Sur la laïcité comme sur d’autres sujets, je préfère perdre une élection que mes valeurs », jure Michaël Delafosse. Près de lui, il conserve un manuel de 2015 signé Charb au titre évocateur : « Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes »."
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