28 avril 2019
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"C’était il y a cinquante ans. C’était il y a un siècle. C’était il y a mille ans. Le président de la République française quittait ses fonctions. Du jour au lendemain. Pour un référendum perdu. Sans tergiversation ni récrimination contre les insuffisances du suffrage universel, la qualité, l’âge, le niveau de diplôme des électeurs. Cincinnatus retournait à sa charrue. Il s’appelait Charles de Gaulle. Le paradoxe était immense : l’homme à qui on avait pu reprocher les conditions de son retour au pouvoir en 1958 livrait une leçon de rigueur démocratique à tous ses contempteurs qui l’avaient comparé à Napoléon III ou à Mussolini.
Il donnait un exemple qui ne serait pas suivi : en 1992, François Mitterrand avait annoncé qu’il ne démissionnerait pas même si le référendum sur le traité de Maastricht devait être rejeté. En 2005, Jacques Chirac n’abandonnait pas ses fonctions en dépit de l’échec de son référendum sur la Constitution européenne. Et, en 2007, Nicolas Sarkozy (soutenu par la quasi-totalité des députés de droite et de gauche) transformait le texte rejeté par le peuple en texte adopté par la représentation nationale !
Quand on parle de crise démocratique, il faut toujours revenir aux sources. Quand on parle de Ve République à bout de souffle, il faut rappeler qu’on ne parle plus des mêmes institutions. Quand on parle du RIC (référendum d’initiative citoyenne) pour se plaindre que les électeurs ne puissent pas s’exprimer entre deux campagnes présidentielles, il faut dire que ceux-ci pouvaient, entre les législatives et les référendums, obtenir naguère un changement de majorité et même le départ du chef de l’État. Cela s’appelait la Ve République. « Giscard l’a détruite par vanité, Mitterrand par orgueil, Chirac par inadvertance », disait Marie-France Garaud avec une lucidité acerbe.
Sous le général de Gaulle, le Conseil constitutionnel ne censurait pas la loi votée par les représentants du peuple au nom des « grands principes » qu’il interprète comme bon lui semble. Sous le général de Gaulle, des juges étrangers ne nous dictaient pas notre conduite au nom des « droits de l’homme ». Sous le général de Gaulle, des technocrates étrangers ne géraient pas notre monnaie ni notre politique industrielle et commerciale.
Aujourd’hui, de Gaulle serait accusé de ne pas respecter le sacro-saint État de droit, c’est-à-dire le gouvernement des juges. Il avait sa propre hiérarchie : « D’abord la France, puis l’État, et enfin le droit. » Il serait traité de populiste par les médias, de nationaliste par Emmanuel Macron, de colbertiste par les libéraux, de ringard par les progressistes, de « représentant honni du patriarcat blanc » par les féministes bien qu’il ait donné le droit de vote aux femmes, d’islamophobe par les antiracistes parce qu’il ne voulait pas que son village devînt « Colombey-les-Deux-Mosquées ».
De Gaulle serait aujourd’hui jeté dans le même sac d’infamie que les apôtres de la démocratie illibérale chère à Viktor Orbán. tout simplement parce qu’il considérait que la démocratie, c’est le pouvoir de la majorité, et non la tyrannie des minorités au nom des grands principes."
Lire "Le fondateur de la Ve République, précurseur des démocraties « illibérales » ?"
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