Revue de presse

"Critique du concept d’islamophobie" (Nasser Suleiman Gabryel, lemonde.fr , 5 juil. 12)

9 juillet 2012

"Le concept d’islamophobie restreint les rapports d’altérité à la seule question des rapports entre musulmans et non musulmans en validant d’une certaine manière l’obsession xénophobe de l’extrême droite ; car en séparant cette problématique des autres effets de la mondialisation et de la mixité culturelle ou sociale, on déduit que l’interprétation culturaliste est mieux à même de comprendre, d’organiser et de définir le monde social, ce qui, à mon sens, est une pente dangereuse susceptible de nous entraîner dans la guerre des identités. [...]

Au centre une vision auto-dépréciée de soi même et de l’autre : l’autre qui, de l’ordre médiatique au discours politiques, devient l’antithèse du positif, du rationnel, de l’objectif, du scientifique et du légitime. Ce lumpenprolétariat encouragé par les bonnes consciences d’une certaine gauche multiculturaliste se veut victime éternelle d’un mal essentiellement porté par une société majoritaire : elle en appelle aux normes relativiste et confortable du bien et du bon – toute remise en question de cette doxa du concept d’islamophobie devient un racisme ou, pire, une trahison d’une supposé "communauté". [...]

Le concept d’islamophobie est un concept politiquement correct, qui dédouane la pensée à bon compte au nom d’une lutte métaphysique entre les dominés et les dominants, à défaut de penser les problématiques les effets et les enjeux de la mondialisation, de l’immigration, des rapports entres les élites et les politiques d’intégrations. Ce concept est devenu une sorte de "mot valise" susceptible de garantir une rente de situation à tous nos victimaires institutionnels. [...]

Ce concept d’islamophobie produit une idéologie dure du narcissisme culturel qui, à défaut d’être explicite, s’habille des ornements de l’indignation instantanée faite par des indignés professionnels habitués des plateaux de télés et autres émissions d’"esprits libres". Par sa diffusion, cette idéologie gagne en autorité politique et sociale jusqu’à être présentée comme "intellectuellement supérieure" : acte du credo cathodique qui par la saturation de l’information légitime les porte-paroles de la falsification du monde.

Cette idéologie est d’abord de type islamo-centriste , elle récuse toute altérité non identifiable (sociale et culturelle). Structurellement, il est évident qu’une telle construction ne se fait pas par le seul truchement d’un modèle culturel de type arbitraire. Il est le produit d’un effet de consensus entre diverses couches intellectuellement qualifiées. Son efficacité se mesure d’abord dans sa capacité de fixer les limites du champ critique de la discussion ; elle se situe ensuite dans sa compétence au développement de nouveaux concepts tout aussi pernicieux (accommodement raisonnable, charia de minorité) applicables de manière universelle et apte à être intégrés par les couches intellectuellement et culturellement sensibles par le "sanglot de l’homme blanc".

Par le concept d’islamophobie, nous assistons donc par cette légitimation de l’islamo-centrisme à la mise en ordre idéologique qui ne formalise des idées qu’après avoir été préalablement sélectionnées, synthétisées, organisées dans le cadre de l’orthodoxie. Ce modèle idéologique se construit sur un consensus négatif d’une frange des quartiers populaires dont les principaux lieux de la socialisation sont en crise : syndicats d’entreprise, coopératives – lieux qui permettaient la circulation du discours politique général et dont la fragmentation liée aux crises économiques à accélérer l’épuisement des modèles politiques progressistes par nature globaux, à l’avantage d’une montée d’un néo-communautarisme autocentré.

La réduction des représentations et des pratiques prend ainsi l’aspect d’une réduction intellectuelle qui fait d’un aspect particulier (l’islam), le facteur explicatif global de toutes les problématiques ; une réduction conceptuelle qui essentialise de manière distinguée les catégories identitaires."

Lire "Critique du concept d’islamophobie".


Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales