16 janvier 2015
"Ils rappellent que plusieurs rapports signalant la multiplication des signes d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires n’ont pas été suivis d’effets.
Branle-bas de combat à l’Éducation nationale, où la ministre Najat Vallaud-Belkacem a appelé hier à une « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République ». C’est le 10 janvier dans la soirée que les syndicats d’enseignants ont été invités, alors que quelques jours plus tôt, dans certains établissements, les minutes de silence en hommage aux victimes de l’attentat de Charlie Hebdo avaient créé des remous.
Le 12 janvier, syndicats d’enseignants, fédérations de parents, représentants de lycéens et présidents d’université se sont donc succédé dans le bureau de la ministre. Aujourd’hui, en fin de journée, seront reçus les représentants de l’enseignement privé, avec parmi eux, pour la première fois, la fédération des établissements musulmans. Mais avant cela, c’est le premier ministre, Manuel Valls, qui s’adressera ce matin aux recteurs, au lycée Louis-Le-Grand. Ces derniers ont déjà été sollicités pour « accompagner les équipes éducatives, notamment à travers l’intervention des référents laïcité ».
En 2004, un rapport sur « les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires » constatait déjà des entorses à la laïcité dans les classes
Pour les syndicats d’enseignants, il est temps de s’attaquer enfin à la formation des enseignants pour les aider à faire le clair sur la laïcité et les valeurs de l’école républicaine. Certains ont d’ailleurs rappelé, lors de l’entrevue avec la ministre, que les constats alarmistes ne dataient pas d’hier.
En 2004, un rapport de l’inspection générale sur « les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires » (rapport Obin) constatait des entorses à la laïcité dans les salles de classes et les difficultés évidentes pour le corps enseignant à gérer de telles situations. « Autocensure préventive » de certains professeurs, expliquait le rapport, en citant l’exemple d’un enseignant faisant son cours d’histoire avec un Coran sur le bureau, afin d’y recourir quand des contestations se font jour, ou encore la présentation de la science « comme une croyance comme les autres » par des enseignants débutants.
Pour le Snalc, cet état des lieux reste tristement d’actualité. « Nous sommes frappés de la pertinence du diagnostic. Nous avons perdu dix ans », estime François Porzter, président du syndicat, qui en appelle à une réponse de fond. « L’école n’est pas coupable, ajoute-t-il cependant aussitôt. Si presque quatre millions de personnes ont défilé dimanche en France, c’est aussi parce que l’école a joué son rôle. » « Il ne s’agit pas de faire le procès de l’école même si cette dernière a des responsabilités importantes dans la façon dont elle transmet les valeurs de la République », confirme Frédérique Rolet, du Snes, le syndicat majoritaire dans le second degré.
En 2011, un rapport piloté par l’Institut Montaigne, et coordonné par le spécialiste de l’islam Gilles Kepel, Banlieue de la République, décrivait les logiques d’enfermement et de communautarisme. Tout comme les travaux du Haut Conseil à l’intégration sur l’université, en 2012. Des rapports qui ont été enterrés les uns après les autres après quelques polémiques qui n’ont guère été suivies d’effets.
« Le projet de programme d’enseignement moral et civique, sur lequel les enseignants sont actuellement consultés, ne peut pas être considéré comme une solution miracle »
Frédérique Rolet, du Snes
En novembre 2012, Vincent Peillon, ministre de l’Éducation, évoquait ces « disciplines que l’on ne peut enseigner librement ». Ses discours enflammés sur la laïcité se sont soldés par l’affichage, en grande pompe, d’une charte de la laïcité dans les établissements scolaires de France, à la rentrée 2013. Le ministre, balayé par les difficultés de la réforme des rythmes scolaires, a cédé la place à Najat Vallaud-Belkacem, qui comme son éphémère prédécesseur, Benoît Hamon, s’est peu « mouillée » sur le terrain de la laïcité.
« Le projet de programme d’enseignement moral et civique, sur lequel les enseignants sont actuellement consultés, ne peut pas être considéré comme une solution miracle », indique Frédérique Rolet. La ministre a évoqué sa volonté de donner plus de moyens aux journaux lycéens et à la semaine de la presse à l’école. Il s’agira de rappeler ce qu’est la liberté d’expression en mettant davantage les élèves en responsabilité, aux manettes d’un journal.
Sur la base de « remontées déclaratives », le ministère n’a compté que 70 établissements - sur 64.000 au total -dans lesquels la minute de silence n’a pas été respectée. Les recteurs devraient dévoiler aujourd’hui des statistiques plus détaillées. « Il ne faut pas sous-estimer, ni surestimer ce qui s’est passé dans les établissements : nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il y avait ainsi eu plus d’incidents lors des minutes de silence de 2001 et lors de l’affaire Merah », indique Frédérique Rolet. « Je pense que les difficultés ont touché bien plus de 70 établissements. Il ne faut pas se leurrer : le malaise autour des minutes de silence concerne les territoires de l’éducation prioritaire. Il est temps de se poser les bonnes questions », estime Christian Chevalier, à l’Unsa."
Lire "Communautarisme à l’école : les syndicats s’alarment".
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