Revue de presse

"Comment Internet a bouleversé la manière de se forger une culture politique" (marianne.net , 4 fév. 19)

4 février 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"[…] Fabrice Epelboin, spécialiste du numérique et des réseaux sociaux, enseignant à Sciences Po : "Discréditer un émetteur par association ne se pratique pas tant que ça sur Internet, c’est surtout un sport de journaliste. À force d’exclure de cette façon-là, la sphère médiatique s’est repliée sur elle-même et en est arrivée à ne plus représenter grand-chose." […]

La manière de se forger une culture politique a été considérablement bousculée par l’arrivée du numérique, et la presse traditionnelle n’a pas pris la mesure de ce changement. […]

La sphère médiatique est loin d’être exempte de toute responsabilité dans sa propre perte d’influence. En l’espace d’une quinzaine d’années, particulièrement dans le secteur audiovisuel, le socle d’idées politiques représentées dans les médias a considérablement rétréci : même si la tendance est progressivement en train de s’inverser, un certain nombre de principes pourtant défendus par une large partie de la population ont été diabolisés et chassés des plateaux de télévision et de radio. On peut notamment citer les critiques adressées à l’Union européenne, la défense d’un modèle économique hostile au néolibéralisme ou encore, le rejet de l’immigration et du progressisme sociétal. Ce rabougrissement a été notamment symbolisé à la marge par l’arrêt de l’émission de Frédéric Taddéi, Ce soir ou jamais, qui offrait sur le service public des joutes intellectuelles véritablement contradictoires. En septembre dernier sur France Culture, le présentateur, qui a dû s’exiler sur la chaîne Russia Today, faisait ce constat amer : "Tout le monde sait bien qu’il n’y a plus de débat à la télévision aujourd’hui, c’est de notoriété publique ! Vous rencontrez n’importe qui, il vous dit aujourd’hui qu’il ne regarde plus la télévision car on nous prend pour des crétins, pour des enfants." […]

Laurence Allard, sociologue des usages numériques et chercheuse à Paris-3 : "On assiste à une individualisation de la culture politique : en s’identifiant à des individus plutôt qu’à des partis, chacun se fait sa propre playlist, un agencement d’idées politiques très hybrides, dont les contrastes et incohérences ne sont pas forcément saisis." L’ouverture d’esprit est plus grande sur Internet, comme l’a constatée l’universitaire en observant le comportement des militants qui "ont pris l’habitude d’aller sur les forums de leurs adversaires politiques, de les lire, de faire appel à des sources variées. C’est la politique en stéréo."

C’est en cela qu’il paraît vain de chercher à déduire le système de pensée d’un individu en consultant son historique Internet. Sur le Web, les frontières politiques ne sont pas étanches. "Les internautes n’ont pas particulièrement d’idéologie, abonde Fabrice Epelboin. Le débat politique se fait autour d’idées isolées : On peut s’intéresser au RIC et à l’économie locale, au tirage au sort et aux crypto-monnaies… Chacun se construit un paysage idéologique, parfois barré, parfois contradictoire, mais qui a sa propre cohérence dans la tête des individus." Seuls les militants, parfois véhéments mais minoritaires, s’identifient à une chapelle unique. Les autres furètent, parfois pour découvrir ce que pensent leurs opposants les plus extrêmes. "La seule manière de savoir si tu es d’accord avec quelqu’un, c’est de regarder ce qu’il dit, souligne Tatiana Ventôse. Des fois, tu partages un contenu sans aller forcément regarder qui l’a posté à l’origine." […]"

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