Revue de presse

"Charlie Hebdo et le rap de l’autodafé" (J. Dion, marianne.net , 28 nov. 13)

29 novembre 2013

"En marge de la sortie du film «  La Marche  », qui célèbre la marche des Beurs de 1983 est sortie une chanson qui appelle à l’autodafé contre Charlie Hebdo. Personne ne semble s’en émouvoir.

C’est juste une chanson mais elle en dit long sur l’état d’esprit qui imprègne certains milieux. Réalisée en marge du film «  La Marche  », qui évoque l’initiative des Beurs contre le racisme de 1983, elle a été composée et interprétée par une dizaine de rappeurs, dont Akhenaton, Disiz la Peste, Kool Shen et Nekfeu.

L’un des couplets de cette chanson assimile  la critique de l’islam à une forme de racisme avant de se terminer par cette sentence digne d’une fatwa : «  Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo  ». Les responsables du journal satirique ont fait part de leur «  effarement  ». C’est le moins que l’on puisse dire. Rappelons à ceux qui l’auraient oublié que leurs locaux ont déjà été dévastés par un incendie qui n’avait rien d’accidentel et qu’ils ont été inondés par les menaces de mort.

Certes, il ne s’agit que d’une chanson. Certes, on n’est ni en Afghanistan ni au Pakistan, mais chacun connaît le poids des mots et le choc des formules.

On aurait donc pu s’attendre, de la part des auteurs de ce libelle assassin, sinon à des excuses (ce n’est pas le genre de la maison) du moins à des prises de distance.

Pas du tout. On passera sur ceux qui ont pris à la chose à la légère, comme si les rappeurs étaient les descendants spirituels d’un Brassens appelant à «  rosser les cognes  ». Le Grand Georges, lui, n’était violent qu’en chanson (et encore). Aujourd’hui, dans un contexte de folie intégriste et de repli communautariste, on passe vite de la parole agressive au geste définitif.

Mais le plus inquiétant est que personne ne se soit offusqué d’un engrenage débouchant sur un cri de haine contraire à l’esprit même de la marche de 1983, d’inspiration laïque, et qui était à mille lieux de toute récupération religieuse. A l’époque il s’agissait de défendre les immigrés. Aujourd’hui on renvoie immédiatement ces derniers à une essence musulmane supposée ne tolérant aucune critique.

Résultat  : à quelques exceptions près, tout le monde a trouvé le propos des rappeurs normal, justifié, logique, inévitable. Provocateur  ? Oui, peut-être, mais pas plus que ça.

D’aucuns ont invoqué la «  liberté d’expression  », comme si les mots susdits n’étaient pas empreints d’une violence rappelant de fort mauvais souvenirs. Certains sont allés jusqu’à expliquer que «  Charlie  » l’avait bien cherché avec l’affaire des caricatures de Mahomet. En somme, ce journal étant coupable du crime de «  blasphème  », il n’a que ce qu’il mérite, et on peut se permettre d’appeler à le brûler une seconde fois. D’ailleurs, il est devenu banal de considérer que «  Charlie  » est un journal islamophobe, voire carrément raciste, bref un concurrent de «  Valeurs Actuelles  ». [...]"

Lire "Charlie Hebdo et le rap de l’autodafé".



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