Revue de presse

"Tariq Ramadan accuse Charlie de lâcheté et de faire de l’argent avec l’islam" (letemps.ch , 12 jan. 15)

22 janvier 2015

"Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo, Tariq Ramadan multiplie les interviews et les débats contradictoires pour dire tout le mal qu’il pense de Charlie Hebdo, de la lâcheté de ses dessinateurs et de la recherche du gain de l’hebdomadaire satirique. Quelle commune mesure entre ces attaques et sa rhétorique humaniste ?

[...] C’est le 8 janvier tout d’abord, et sur la RTS, au 19h30, que le professeur d’Oxford dégaine. Après les condoléances d’usage en pareille circonstance, fermement martelées, il déclare à Darius Rochebin qui lui demande s’il est lui aussi Charlie : « Non je ne dis pas +Je suis Charlie+. Je dis que je suis pour la liberté d’expression. [Charlie] avait le droit d’aller jusqu’au bout (…) mais ils n’ont pas arrêté de faire de l’humour sur les musulmans et j’ai dit que cet humour-là était un humour de lâche. Donc je suis pour la liberté d’expression ; je ne suis pas pour son usage lâche (…) je ne vais pas cautionner des attitudes (…) pas très bienveillantes, pas très courageuses, en dessous de tout et parfois assez vulgaires. » [...]

Dans l’émission américaine Democracy Now, même topo, mais Tariq Ramadan ajuste sa munition au débatteur qu’il a en face lui. Il est dans un discussion contradictoire avec le légendaire cartoonist Art Spiegelman, le créateur de Maus, le fils de juif polonais rescapé de l’Holocauste. L’attaque est donc frontale : Tariq Ramadan sort de sa manche l’affaire de la chronique antisémite de Siné, qui valut à l’humoriste d’être licencié de Charlie Hebdo par le directeur d’alors, Philippe Val.

Pour Tariq Ramadan, deux poids deux mesures : Charlie Hebdo sanctuarise le tabou de l’antisémitisme, mais laisse libre cours à la verve islamophobe. Ce que le professeur suisse appelle la politique du double standard. Sous-entendu : qui profite toujours aux islamophobes, jamais aux antisémites.

Et comment Tariq Ramadan s’explique-t-il ce double standard à Charlie Hebdo ? Réponse : « Vous le savez bien sûr, pour être clair sur ce point, ils avaient [entendez Charlie Hebdo] des problèmes financiers, et ces controverses, ces controverses récurrentes, ils en faisaient de l’argent. Et je ne dis pas cela comme quelqu’un d’extérieur. Cela a été dit par beaucoup […] Alors ne venez pas me dire aujourd’hui qu’ils étaient courageux, ça non […] C’était avant tout une question d’argent. Ils étaient en faillite depuis deux ans. Et ce qu’ils tiraient de ces controverses visant l’Islam d’aujourd’hui et les musulmans, était une manière de faire de l’argent. Cela n’a rien à voir avec le courage. Cela a à voir avec faire de l’argent et viser les gens marginalisés de la société ».

Sur Al Jazeera, Tariq Ramadan réinsistera lourdement sur l’affaire Siné, redéveloppera la thèse du double standard et suggérera, dans un mouvement argumentatif très ambigu que toute cette affaire de carte d’identité perdue par les frères Kouachi doit être approndie. Que sous-entend-il ? Car Tariq Ramadan avance souvent par le sous-entendu, suggérant à ses auditeurs ce qu’il n’exprime pas clairement. Que sous-entend-il donc ? Qu’il s’agirait d’un complot des services secrets ? Il parle des services secrets. Il parle des tours de septembre 2001. Il instille le doute...

Les curieux de toutes les interventions du professeur pourront y aller voir de plus près sur la page Facebook de l’intéressé. Ils y liront également, en trois langues, la véhémente désapprobation de l’intellectuel de ce qui est arrivé en France ainsi que les questions que lui inspirait le bilan total des victimes des deux attentats : « Le lendemain d’une triste journée... 17 morts au total. Une telle violence. Notre sympathie aux familles des victimes toujours. Rien ne peut justifier ces horreurs, encore et toujours. Le jour d’après, il faut être digne, sage et déterminé à défendre nos principes, la valeur de la vie, la justice, l’égalité, le refus de tous les racismes, la liberté d’expression ».

Quant à la grande marche républicaine du 11 janvier, voilà ce qu’il en dit : « Vivre ce rassemblement dans un élan émotif condamnant les meurtres et en le réduisant au soutien à la liberté d’expression, façon Charlie, ne sera pas un gage d’unité française ni européenne pour l’avenir. Il faut fonder l’unité autant sur des valeurs communes que sur des questionnements légitimes que nous devons appréhender ensemble ». [...]

On conclut de tout cela que « la liberté d’expression façon Charlie » ne sera pas un gage d’unité française ni européenne... Et que donc, pour faire cette unité européenne il faudra faire évoluer la liberté d’expression... Mais glissons, ce ne sont que supposition.

Au final, quel dénominateur commun entre cette rhétorique contournée et qui se veut vibrante d’humanisme et les attaques brutales relevées plus haut ? [...]"

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