12 mars 2020
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Par Jean-Yves Camus.
"[…] Le plus gros carnaval de Belgique existe depuis le Moyen Âge et draine environ 80 000 visiteurs, soit presque l’équivalent de la population locale. Inscrit en 2010 au patrimoine mondial de l’Unesco, il en a été retiré en 2019 en raison de l’utilisation massive, lors du défilé, d’une imagerie antisémite qui était cette année encore plus répugnante que lors des précédentes éditions. Fêtards déguisés en juifs orthodoxes au nez crochu et au faciès ridicule ou menaçant, assis sur des tas d’or, arborant sur leur chapeau un autocollant où la tête d’un juif à papillotes était barrée d’un trait, comme pour signifier une interdiction d’entrer dans la cité, chars représentant un train de déportés sur lequel était écrit « zyklon B » : voilà l’ambiance. Complétée par des jeux de mots foireux figurant sur les pancartes et associant les Juifs à des fourmis.
Tout cela se passe à 75 km d’Anvers, grande métropole européenne du judaïsme le plus orthodoxe, dont 67 % de la population juive fut déportée avec la complicité active d’une fraction pronazie du mouvement nationaliste flamand. Cette précision a son importance. Les juifs à chapeau de fourrure et à papillotes ne sont pas une fiction pour les habitants d’Alost : à une heure de voiture, ils sont visibles dans les rues anversoises. D’ennemis imaginaires, ils passent ainsi au statut de cibles vivantes potentielles de la haine.
Les organisateurs, la municipalité, la presse tant francophone que flamande en ont fait des tonnes en pointant du doigt la « susceptibilité » des Juifs, qui n’auraient pas le sens de l’humour. Même – poussant l’abjection bien plus loin que le maire nationaliste flamand d’Alost – un ancien ministre, Vincent Van Quickenborne, a osé écrire que « le lobby juif fait des heures supplémentaires » en critiquant le carnaval. Précision : cet avocat de moins de 50 ans appartient au parti libéral, a été numéro deux d’un gouvernement de gauche et vient de la gauche radicale.
De nombreuses voix ont invoqué en Belgique « l’esprit Charlie » pour légitimer un antisémitisme incontestable. Mettons donc les choses au point : la caricature et la satire ne consistent jamais à traiter un groupe d’êtres humains comme de la vermine à éradiquer. Quand celui que vous n’aimez pas perd sa figure humaine, tout devient possible. Il n’y a aucune forme d’humour dans l’animalisation systématique de l’adversaire, vieux procédé nazi dont la banalisation a préparé les esprits à l’extermination des Juifs comme étant une opération prophylactique. Les salafistes ne doivent pas comparer les « mécréants » (et parmi eux les « mauvais musulmans ») aux singes et aux porcs. Les hassidim ne peuvent être des fourmis traitées au gaz. […]"
Lire "Carnaval d’Alost : plat pays, mais antisémitisme au sommet".
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