Revue de presse

Campagne contre les Asiatiques sur les "réseaux sociaux" (leparisien.fr , 1er nov. 20)

2 novembre 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"La communauté asiatique d’Ile-de-France est ciblée par une campagne de haine sur les réseaux sociaux. Ses agresseurs la jugent « responsable » du coronavirus et du confinement… Le parquet de Paris a ouvert une enquête.

Par Céline Carez

« J’appelle tous les renois et rebeus de France à agresser chaque Chinois qu’ils croiseront dans la rue », « C’est la chasse aux Asiatiques, aux bridés, les jaunes mangeurs de chiens », « Vous n’êtes bons qu’à ramener des maladies », « Hitler aurait dû tuer les Chinois pas les juifs »…

Des tombereaux d’insultes, de menaces de mort, d’appels à « casser du Chinois » sont tombés sur les réseaux sociaux ces derniers jours, avec une accélération depuis l’annonce du reconfinement par Emmanuel Macron ce mercredi. Plusieurs personnes de la communauté asiatique se sont fait agresser physiquement.

Le parquet de Paris a ouvert une enquête du « chef de provocation publique à commettre une atteinte à l’intégrité physique d’une personne à caractère raciste », confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). « Le principal auteur des tweets haineux a été identifié », confie une source proche du dossier.

Ce samedi, à Chinatown (Paris, 13e), le plus grand quartier asiatique d’Europe en termes de population avec ses quelque 40 000 personnes d’origine asiatique, l’ambiance était morose. Sur la dalle des Olympiades presque déserte entre les tours en béton défraîchies et les barres HLM, les riverains chargés de cabas de courses étaient peu bavards.

« Les gens, surtout les personnes âgées, n’osent pas sortir non pas à cause du virus mais par peur de se faire agresser ! » Pour Jacques Hua, jeune quadra, l’un des piliers de la communauté chinoise d’Ile-de-France, secrétaire de l’association des commerçants du quartier asiatique, « ce qui se passe est très grave », non seulement sur les réseaux sociaux mais dehors.

Et de décrypter : « On nous rend responsables du confinement et du coronavirus. Nous sommes des boucs émissaires. » Et de pointer l’aberration de cette « haine » : « La plupart d’entre nous sommes non seulement Français mais en plus n’avons pas grand-chose à voir avec la Chine depuis plusieurs générations. Certains n’y sont même jamais allés ! »

Jérôme Coumet, le maire (DVG) du 13e qui est « au courant », se veut « vigilant ». Si l’élu a prévu d’envoyer les équipes de la DPSP, la future police municipale d’Anne Hidalgo, la maire (PS) de Paris, « encadrer la sortie des écoles » dès lundi, il veut toutefois minimiser : « Il n’y a pas eu ces derniers jours de plaintes au commissariat du 13e. »

« Justement, nous voulons encourager les victimes à porter plainte », rectifie Sun-Lay Tan, porte-parole de Sécurité pour tous, autre pilier de Chinatown, à la tête d’un collectif important regroupant 46 associations asiatiques. « Parce que là, on est en plein fantasme. C’est le Chinois frêle, discret, qui réussit, gagne de l’argent et ne va jamais porter plainte. » Dès lundi, Sun-Lay Tan « va interpeller les préfets de Paris et d’Ile-de-France » et soutenir les victimes.

« Cette haine est montée crescendo et a explosé mercredi soir, regrette Sun-Lay Tan. Des villes comme Paris mais aussi Aubervilliers, Pantin, La Courneuve, Bobigny (Seine-Saint-Denis), Créteil, Vitry (Val-de-Marne) sont particulièrement visées. On nous crache dessus dans la rue. Des gens se sont pris des claques. Dans le métro, on change de siège pour ne pas être à côté de nous. Des messages haineux sont retweetés plus de 800 fois ! On est en plein désarroi. On se sent seuls et abandonnés par les pouvoirs publics. Seuls quelques élus se sont mobilisés. »

Ce samedi, Buon Tan, député de Paris (LREM), d’origine cambodgienne, s’est réuni avec le Haut conseil des Asiatiques de France. « Il faut agir vite. J’ai rendez-vous avec les préfets. Je ne veux pas qu’il y ait une escalade », assène l’élu, qui s’est aussi exprimé sur Twitter.

Des coups, des insultes, des menaces et la peur. Françoise (les prénoms ont été modifiés), 37 ans, 1,54 m, enseignante-chercheuse, l’œil encore injecté de sang par les coups qu’elle s’est pris, le corps couvert d’hématomes, raconte ce samedi, digne mais un filet de sanglots dans la voix, l’agression qu’elle a subie mardi.

« C’était le soir, avant le couvre-feu. » Françoise prenait le bus porte de Choisy, à Paris (13e) et s’est embrouillée à bord, « poliment » dit-elle, avec un jeune couple sur une histoire de masque et de toux.

Arrivée à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), Françoise est descendue. Le couple l’a suivie. « Rentre en Chine, va manger du chien ! », lui a lancé l’homme. « Je lui ai répondu que je ne mangeais pas du chien et que je n’étais pas chinoise mais française et que je contribuais à la France. »

Et d’ajouter : « Ils m’ont craché dessus, m’ont insultée. Et les coups ont commencé à pleuvoir. » « C’est à cause de toi le coronavirus, chintok ! m’ont-ils dit. Puis, ils m’ont arraché les cheveux. » Françoise va chercher refuge à Pizza Hut, mais se fera refouler ! « Heureusement, j’ai réussi à appeler la police. » Ses agresseurs sont alors partis, non sans lui dire : « On se reverra. »

Françoise a déposé plainte au commissariat d’Ivry. « Depuis, j’ai changé de manteau. Je réfléchis à me couper les cheveux. J’ai peur de retomber sur eux. »

Jeudi, c’est Kevin, un jeune étudiant français, d’origine asiatique, qui s’est fait agresser violemment et « gratuitement », selon une source policière, par deux jeunes. Kevin jouait au ping-pong avec un ami lycéen dans un parc du 19e arrondissement de Paris. Dans son dépôt de plainte que nous avons pu consulter, il confie aux policiers qu’il s’est d’abord fait traiter de « sale Chinois », puis « aspergé de gaz lacrymogène » et « roué de coups ».

Sur les réseaux sociaux, le frère de Kevin, très en colère, a laissé poindre sa tristesse : « Le pire, c’est que c’étaient des jeunes racialisés qui savent ce que ça fait d’être discriminés. Honte à eux. »"

Lire "Coups, crachats, insultes : « Cette haine envers les Asiatiques est montée crescendo »".


Voir aussi dans la Revue de presse la rubrique Racisme anti-asiatique dans Discriminations (note du CLR).


Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris

Tous droits réservés © Comité Laïcité RépubliqueMentions légales