Revue de presse

C. Valentin : « La France, champ de bataille privilégié de l’islam politique » (journaldemontreal.com , 22 jan. 17 ; lefigaro.fr/vox , 17 fév. 17)

Caroline Valentin, coauteur de "Une France soumise" (Albin Michel). 20 février 2017

Georges Bensoussan (dir.), Une France soumise. Les voix du refus, préface d’Elisabeth Badinter, Albin Michel, 544 p., 24,90 e.

"[...] Apparaît ainsi au fil des pages la confrontation entre la Nation française, ses règles et son identité culturelle d’un côté et, de l’autre, une contre-société, constituée d’une partie - d’une partie seulement - des musulmans de France : ceux qui se considèrent en France en milieu hostile et souhaitent le développement d’une contre-société salafiste ; ceux qui souhaitent développer le modèle communautariste anglo-saxon pour accroître la visibilité, et la place, des musulmans dans l’espace public.

Cette contre-société a des caractéristiques propres sur lesquelles s’appuie son rejet du modèle républicain français, sa laïcité et son humanisme universaliste : vision du musulman comme un être supérieur ; endogamie ; solidarité non seulement communautaire mais exclusivement communautaire, à l’opposé de notre principe de fraternité universelle ; rejet de la liberté de conscience, de la liberté d’expression, stigmatisation de toute critique de l’islam ; rejet de l’égalité, rôle prépondérant du sacrifice des femmes dans la structuration de cette communauté et port du voile. Cette contre-société a pu, comme on le dit souvent, naître sur un vide, un manque de spiritualité, un État défaillant, certes mais il ne faut pas occulter le rôle fondamental de l’islam politique et de sa propagande victimaire, qui cherchent à instrumentaliser des populations d’autant plus faciles à manipuler que leur méconnaissance de la société majoritaire les rend poreux à tous les discours fantasmagoriques sur le rejet et le déni de francité dont ils seraient tous, partout et pour toujours, victimes en France. [...]

C’est d’ailleurs l’absence de réaction de ceux qui sont en charge de l’application des règles qui est à l’origine des contributions : les mêmes faits, s’ils avaient été sanctionnés ou combattus, n’auraient clairement pas suscité chez nos contributeurs l’indignation et la révolte qui les a conduits à témoigner. Les exemples sont légion de situations où « on » a demandé aux fonctionnaires de terrain de s’abstenir d’exercer une autorité qui reste pourtant la seule légitime face à une autre autorité qui ne l’est pas. C’est cette faiblesse de l’État, et le mépris qu’il inspire du fait de celle-ci, qui fait la force de cette contre-société et qui catalyse son expansion. [...]

La gauche a, au fil des années, remplacé la figure tutélaire de l’ouvrier par celle de l’immigré, intronisé nouveau damné de la terre, au prix d’une interprétation dévoyée de l’idéologie antiraciste qui s’est installée en Occident au cours du deuxième tiers du XXème siècle. L’antiracisme remplaça la lutte des classes, l’exaltation des différences culturelles introduisant une nouvelle summa divisio de la société permettant de recueillir les votes d’individus que l’on a incités à s’identifier non plus sous l’angle de leurs intérêts de classe, mais de leur appartenance à une minorité ethnique, pour glaner des avantages catégoriels définis spécifiquement pour eux. Et quand la droite accéda à nouveau au pouvoir, elle ne modifia en rien cet état de fait, acquise qu’elle est, elle aussi, au multiculturalisme quoique pour d’autres raisons à rechercher peut-être dans l’adhésion à l’idée de mondialisation heureuse. C’est à cette aune que l’on comprend mieux d’où vient l’inaction de l’État, car si soumission il y a, elle est d’abord idéologique. [...]

Aujourd’hui, certains voudraient nous faire croire que l’identité culturelle française serait intégralement contenue dans le principe de laïcité, se réduirait à celui-ci. Sur ce point, je partage totalement l’avis de Pierre Manent : la laïcité en tant que telle n’est pas une valeur, c’est un mode d’organisation de la société qui sur la grande frise chronologique de l’histoire de France, ne représente que le dernier centimètre. Et ce mode d’organisation n’épuise évidemment pas l’identité française, qui est née bien avant la loi de 1905, même si elle intègre aussi celle-là et lui doit énormément (cf. mes commentaires ci-dessus sur l’émancipation). Encore faut-il définir correctement la laïcité avant d’en parler : elle recouvre, d’une part, une obligation de neutralité religieuse de l’État, notamment une obligation d’abstention de la puissance publique à l’égard de la religion, comme cela existe dans toutes les démocraties libérales ; mais dans l’espace culturel français, c’est aussi autre chose. C’est une attente de pudeur à l’égard de l’expression du sentiment religieux par les citoyens. Ce à quoi les Français aspirent, c’est une société dans laquelle chaque individu se présente à l’autre pour ce qu’il est fondamentalement et personnellement, son caractère, son intelligence, ses qualités et ses défauts, et que chaque rencontre soit l’opportunité d’un lien tissé sur ces critères-là, sans que la religion puisse faire écran à ces rencontres, à la création de ces liens. En cela d’ailleurs, l’esprit français est en opposition frontale avec les groupes sociaux chez lesquels l’adhésion repose exclusivement sur des critères ethniques et confessionnels, d’essence parfaitement essentialisante, essentialisation qui, elle aussi est en opposition frontale avec l’humanisme consubstantiel à l’identité française. Dans ces conditions-là, le cosmopolitisme, qui est tout aussi consubstantiel à l’esprit français, peut s’exprimer pleinement, comme il s’est d’ailleurs jusque-là exercé vis-à-vis des immigrés qui se sont intégrés. La meilleure preuve est le pourcentage élevé d’immigrés en France, puisqu’environ un quart de sa population est issue de l’immigration (sur trois générations). [...]

Certains évoquent l’incompatibilité entre la culture musulmane et l’identité culturelle française. Je ne suis absolument pas d’accord avec cela. L’existence en France d’un nombre très important de Français musulmans totalement intégrés prouve le contraire de manière éclatante. Le problème, c’est que de ceux-là, on ne parle pas. On les voit beaucoup moins à la télévision, on en entend beaucoup moins parler dans les journaux et, car ils ne sont pas impliqués dans des situations conflictuelles à caractère identitaires ou culturels, ils n’apparaissent pas dans notre livre. A cet égard, je renvoie encore à l’ouvrage de Tarik Yildiz, « Qui sont-ils ? Enquête sur les jeunes musulmans de France » : ces musulmans-là ne se sentent pas discriminés, refusent d’ailleurs toute discrimination positive et tout intermédiaire entre l’État et les citoyens, a fortiori lorsqu’ils reposent sur des considérations religieuses ou ethniques. N’en déplaise aux multiculturalistes de tous poils et aux acteurs de l’islam politique, leur existence même prouve que l’intégration est possible et que quand elle est réalisée, elle est pacifiante. Il ne faut pas remettre en question notre modèle d’intégration, il faut au contraire se donner les moyens de le faire fonctionner.

Un dernier point : l’identité culturelle française n’est pas figée. Elle ne l’a jamais été, et c’est heureux ! Il est évident que le métissage de la société a une influence sur elle, d’autant que, comme je l’ai déjà évoqué, son cosmopolitisme consubstantiel la prédispose à la curiosité et à l’ouverture aux cultures étrangères. Toutefois, il y a des barrières infranchissables à cette porosité, et ce sont nos principes humanistes. Ils ne sont pas source que de droits, ils dictent également des interdits. Ainsi, j’ai évoqué la soumission de l’individu au groupe et la solidarité communautaire qui prévaut dans la culture de l’islam ; la soumission de la femme à l’autorité de son père, voire de son frère, puis de son mari ; la réduction de la femme à sa fonction reproductive et domestique. Dans l’esprit français, ces aspects n’ont pas droit de cité car ils heurtent de plein fouet nos principes d’égalité, de liberté et de fraternité. Le fait de s’y opposer, d’être heurté par la symbolique du voile par exemple, n’est pas du racisme, mais un réflexe républicain salutaire. De même qu’il est logique et sain de s’opposer vigoureusement à tous les nombreux aspects essentialisants présents dans la doxa multiculturaliste et la propagande de l’islam politique, prompte à surfer sur une division manichéenne d’essence ethnico-raciale entre les blancs racistes et les immigrés victimes. [...]"

Lire "Une France soumise ? Grand entretien avec Caroline Valentin" ou "Caroline Valentin : « La France, champ de bataille privilégié de l’islam politique »".


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