Revue de presse

C. Pina, G. Chevrier : "La lutte contre le séparatisme en marche… ou pas" (atlantico.fr , 17 fév. 20)

Guylain Chevrier, enseignant et formateur en travail social, vice-président du Comité Laïcité République ; Céline Pina, ex-conseillère régionale (PS) d’Ile-de-France, animatrice de Viv(r)e la République. 18 février 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Guylain Chevrier. "[...] Un document interne au gouvernement a fuité, révélé par le journal Le Point, servant de base à une « stratégie de lutte contre l’islamisme et contre les atteintes aux principes républicains », qui est censé inspiré les déclarations du président de la République, qui commencera à faire part de ses propositions lors d’un déplacement pressenti à Mulhouse ce 18 février. Ce document brosse le portrait inquiétant d’un communautarisme montant, avec des groupes d’inspiration religieuse dont pour certains porteurs d’un projet politique de sécession avec une offre multicartes, du périscolaire en passant par les écoles hors contrat (qui se multiplient), au milieu sportif et au social… Soulignant qu’avec des listes communautaires pour les élections, « ce phénomène commence à trouver une traduction politique ». Une prise de conscience bien tardive. Nombre d’enquêtes et de témoignages, tentant d’alarmer sur cette question, se sont régulièrement confrontés au déni de nos gouvernants. Le paysage politique est donc accidenté sur ce sujet avec des tensions identitaires de plus en plus fortes qui appellent des réponses qui s’attaquent enfin sérieusement au problème. [...]

On peut se faire une idée de ce qu[e le président] va pouvoir annoncer, au regard de ce que nous expose ce fameux document interne, même s’il aime jouer sur la surprise et donc, déjà avancer quelques critiques. On entend ainsi jouer sur une « stratégie d’entrave » face à la montée de l’islamisme et du repli communautaire », en misant sur l’éducation, la culture, le sport, on accentue la mobilisation des autorités – préfets, procureurs, acteurs de la santé, de l’éducation… avec l’idée de créer des cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (Clir), présidées par les préfets. On veut aussi « associer davantage les élus dans le travail de la détection des comportements de rupture avec les valeurs républicaines dans tous les territoires : les revendications sur les horaires réservés aux femmes dans les piscines, ces espaces publics où la mixité n’est plus possible, les services communautaires qui cherchent à se substituer à la République, et les déscolarisations d’enfants auxquelles on assiste dans trop d’écoles ». Très bien, mais alors, pourquoi ne pas tout simplement faire respecter partout l’égalité entre les sexes, pourtant reconnue par notre constitution, en poursuivant systématiquement les pratiques discriminatoires ? En interdisant la non-mixité, ou le burkini dans les piscines ? Associer les élus, très bien, mais il faudrait alors commencer par s’attaquer aux pratiques des accommodements déraisonnables des villes, avec un clientélisme politico-religieux de longue date, comme à Rennes qui fait ouvertement le lit du communautarisme en justifiant le burkini dans la piscine. Quand interdira-t-on par la loi l’affichage religieux des élus lorsqu’ils siègent ? Ce serait un signe fort de la République.

On met l’accent sur la nécessité d’« agir sur les atteintes aux symboles républicains » Mais la politique menée jusqu’alors n’a été qu’incohérence et pour l’essentiel, laisser-faire. Sans une politique qui s’attaque globalement au phénomène on risque de renforcer encore un sentiment de victimisation utilisé à outrance par les ennemis de la République. Concernant le droit des étrangers, il serait question d’empêcher « la délivrance de tout titre de séjour à une personne en état de polygamie. » Très bien, mais pourquoi ne pas appliquer immédiatement la loi pour ce type de fait, un an de prison et 45.000 euros d’amende, qui ne l’est jamais. Concernant les certificats de virginité, il n’est même pas question de les interdire, on se contente de rappeler que le Conseil national de l’Ordre des médecins considère que de tels certificats « constituent une violation du respect de la personnalité et de l’intimité ». Le document relève aussi qu’en matière de droits des successions « ont été constatées des pratiques discriminatoires inspirées du droit musulman et conduisant à faire varier la part dévolue aux héritiers réservataires selon le sexe de ceux-ci, au préjudice des femmes ». Il serait question de recourir à une modification de la loi sur ce point. Ces pratiques ne sont-elles pas déjà discriminatoires et condamnables devant la loi ? Et qu’en est-il du rôle de défenseur des droits dans ce domaine ?

On parle de « 80 « cités éducatives » pour « refaire système autour de la réussite éducative », avec une offre scolaire renforcée sur les territoires « soumis à l’emprise communautaire », associer les parents, développer l’esprit critique des élèves, former à la laïcité et à l’égalité entre les sexes… Tout cela est bien beau, mais faudrait-il encore arrêter de faire de l’école un vecteur de l’enseignement du « fait religieux » qui intègre les élèves par la reconnaissance de leurs différences, auquel on a donné une place croissante croyant résoudre les problèmes en reculant, au lieu d’enseigner l’esprit critique sans épargner les religions, et des principes républicains qui ne devraient souffrir d’aucune concurrence ou ambiguïté. Sans compter avec les accompagnatrices voilées de sorties scolaires, qui dérogent au principe de la laïcité de l’école qui, hors les murs, est toujours l’école laïque, en laissant une voie d’eau que le communautarisme ne manque pas d’exploiter, montrant les flottements de ce discours.

On parle aussi de « la consolidation de la gouvernance des associations cultuelles ». Et donc, de poursuivre dans la voie qui est celle « d’organiser l’islam de France ». Depuis la création du Conseil français du culte musulman en 2003, on a vu s’affirmer une volonté de l’Etat de fabriquer un « islam de France », illusion qui a conduit à l’échec actuel, qui devrait inspirer de changer de politique. Mais il n’en est pas question, comme on le voit, bien au contraire. L’Etat ne peut gagner contre le communautarisme qu’en étant à sa place, pour jouer pleinement son rôle, en faisant respecter à la lettre le principe de séparation de la puissance publique des religions et en contrant les pratiques et manifestations qui s’attaquent à la liberté et à l’égalité dans tous les domaines, et si c’est nécessaire en légiférant. C’est ainsi qu’il aura le soutien populaire, et qu’un contre-feu pourra venir de la part de certains de nos concitoyens de confession musulmane, pour participer à contrer le communautarisme qui est un danger tout particulièrement pour eux. Enfin, il est question de « favoriser une meilleure structuration du culte musulman par le levier de son financement ». On doit s’inquiéter du fait que l’Etat mette tout simplement les mains dans le financement des religions, ce qui est un comble. On se rappellera que le président de la République, lorsqu’il a voulu réformer la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, qui fut un échec, avait proposé de permettre aux cultes de faire fructifier des biens immobiliers. Ce qui serait susceptible de les transformer en puissance financière, ce qui est justement un danger, strictement interdit par la loi. Une proposition dont des milieux bien informés disent qu’elle pourrait revenir dans l’actualité.

Ce qui est attendu, ce sont des mesures réelles qui rompent avec le laisser-aller sur la laïcité qui fait que, nous en sommes à ce constat édifiant. Que n’interdit-on pas le salafisme, principal pourvoyeur du communautarisme ? Il est à craindre que les initiatives à venir du président de la République ne viennent pas tarir cette attente."

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