29 avril 2010
L’interdiction annoncée de la burqa est une décision heureuse et courageuse, pour les femmes, la démocratie et la République, et qui marque un tournant important dans le débat des idées.
C’est une victoire pour toutes les femmes, pour leur dignité et l’égalité avec les hommes. Ces principes à vocation universelle sont inscrits dans la loi. Leur transgression ne constitue pas une opinion mais un délit et doit être traité comme tel. La loi commune est pour tous et ne se négocie pas au coup par coup. A nouveau avec Lacordaire rappelons que « c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».
C’est aussi une victoire de l’universalisme sur les pratiques communautaristes. Car la prohibition de la burqa ne constitue pas une mesure concernant uniquement quelques milliers de femmes vivant en France mais aussi un message de solidarité et d’espoir aux millions de femmes qui, de par le monde subissent un destin qu’elles n’ont pas choisi. Alors même que les droits des femmes et plus largement les droits universels inscrits dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 sont régulièrement vilipendés du haut de la tribune des Nations Unies au nom d’identités communautaristes. C’est à ces femmes, la Bangladaise Taslima Nasreen, la Polonaise Alicja Tysiac, l’Afghane Shoukria Haidar, la Soudanaise Lubna Ahmad Al-Hussein, la Canadienne Djemila Benhabib, l’Algérienne Wassyla Tamzali, l’Irakienne Yanar Mohamed et à des milliers d’anonymes, qui risquent leur vie pour être libres que s’adresse ce message de lumière. Il est heureux que la France, sur ce plan, retrouve la voix qui fait qu’elle est aimée dans le monde.
C’est également une victoire de la démocratie car elle rappelle haut et fort que celle-ci n’est pas la reconnaissance de n’importe quelles « différences » mais le moyen de gérer une société par l’élection libre. Il n’est pas interdit d’interdire. La démocratie a même le devoir de prohiber ce qui menace ses fondements éthiques et institutionnels.
C’est une victoire pour la République car elle permet de rappeler que celle-ci est constituée de citoyens libres et égaux en droits et non de communautés autonomes, aux droits spécifiques qui prendraient le pas sur la loi commune.
C’est une victoire pour l’intelligence. A force de paraître résignés face aux discours bien-pensants de la différence et du relativisme, culpabilisés par la peur de passer pour raciste, réactionnaire ou « laïcard » dès lors qu’on dénonce des pratiques obscurantistes, ceux qui façonnent l’opinion publique en étaient parvenus à nier toute réalité déplaisante, à imposer ce qu’il est convenu de dire avant même de penser, à convaincre de l’impuissance de la République à faire respecter ses principes fondateurs inscrits dans la Constitution ainsi que de l’obsolescence des Lumières qu’on pourrait désormais jeter aux poubelles de l’Histoire !
L’interdiction de la burqa, quelles que soient les réserves qui ont pu être exprimées ici ou là, réaffirme tout cela. C’est pourquoi il est essentiel que le débat politique qui va s’ouvrir sur ce sujet débouche sur l’approbation la plus large des représentants du peuple. Que le sujet ne soit pas confisqué par des arrière-pensées politiciennes ou instrumentalisé à des fins électorales. A droite où la question ne doit pas servir à masquer les sujets sociaux de l’actualité ni à nourrir un discours tout sécuritaire. A gauche où certains pourraient penser qu’il conviendrait de se réfugier dans l’opportunisme des « abonnés absents » pour assurer une victoire aux prochaines échéances électorales. A droite comme à gauche, des femmes et des hommes fidèles aux valeurs de la citoyenneté républicaine et à ses valeurs universelles ont un rôle important à assumer face au malaise profond qui s’exprime quotidiennement dans « la vie vraie ». Chacun doit être convaincu que tout ne fait que commencer car tout est à faire. C’est peut-être aussi par de tels effets collatéraux positifs que l’interdiction de la burqa pourrait avoir des conséquences heureuses sur la vie politique plutôt que d’abandonner le terrain aux populismes qui s’éveillent en Europe.
Patrick KESSEL
Président du Comité Laïcité République
Voir “Voile intégral” : audition du CLR, lire Rapport de la mission d’information sur la pratique du voile intégral sur le territoire de la République (Assemblée nationale, 26 jan. 10), Étude relative aux possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral (Conseil d’Etat, 30 mars 2010), Proposition de loi interdisant le port de signes religieux aux personnes chargées d’une mission de service public (Assemblée nationale, 22 juil. 08), A.-M. Le Pourhiet : « Pas d’accord avec le Conseil d’Etat » (marianne2.fr , 30 mars 10), C. Kintzler : “Rapport dit « Gérin » sur le voile intégral : la souris burqa accouche d’une énormité antilaïque” (mezetulle.net , 27 jan. 10),
Loi du 15 mars 2004 sur le port de signes religieux à l’école, les prises de positions du CLR “Commission Stasi” : audition du CLR, “Ni croix, ni voile, ni kippa, ni aucun signe ostentatoire d’appartenance dans le sein de l’école de la République” (2003), A propos de la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école (12 mai 04).
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