15 mars 2013
"Son exemplarité, dont une partie de la presse fait l’éloge, est loin de faire l’unanimité. La facette obscure de sa vie a fait l’objet d’une enquête-fleuve – trois livres et des dizaines d’articles – par le journaliste Horacio Verbitsky, président du Centre d’études légales et sociales (CELS), une ONG qui bataille pour la défense des droits de l’homme.
L’affaire, racontée par Verbitsky dans « El Silencio » (éd. Sudamericana, 2005), remonte aux Années de plomb de la dictature argentine (1976-1983). Peu après le coup d’Etat du 24 mars, les enlèvements se multiplient dans les lycées, centres universitaires, syndicats. Les prêtres ouvriers, tiers-mondistes, très impliqués socialement dans les bidonvilles de Buenos Aires, sont aussi persécutés par les commandos de la Junte militaire.
Le 23 mai, des forces de la Marine enlèvent dans le quartier pauvre de Bajo Flores deux jésuites, Orlando Yorio et Francisco Jalics, alors sous l’autorité de Bergoglio.
Conduits d’abord à l’Ecole de mécanique de l’armée (Esma), ils seront ensuite torturés et maintenus en détention-disparition pendant cinq mois. L’enquête montre qu’une semaine auparavant, leur charge de prêtre leur avait été retirée. A l’époque, c’était pour les militaires un « signal » donné par l’Eglise, que les religieux étaient des subversifs, assimilés à la guérilla.
« Nous étions diabolisés, questionnés par nos propres institutions et accusés de subvertir l’ordre social », a ainsi témoigné Orlando Yorio (aujourd’hui décédé). Libérés puis en exil, les deux prêtres ont dit qu’ils estiment avoir été « livrés » par leurs supérieurs : « Je suis sûr qu’il a lui-même [Jorge Mario Bergoglio, ndlr] fourni une liste avec nos noms à la Marine », a assuré Yorio, lors du procès de la Junte en 1985.
Parmi les documents de l’enquête, Verbitsky publie une « fiche » sur l’un des deux prêtres, Francisco Jalics, rédigée d’après des données envoyées en 1979 par Bergoglio au directeur du Culte catholique du Ministère des Affaires Étrangères, avec une demande de renouvellement de passeport argentin pour Jalics. [...]
Boosté par sa quasi-élection lors du conclave de 2005 – il arrive deuxième après Ratzinger –, Bergoglio publie alors son autobiographie, et tente de se disculper. Dans l’ouvrage intitulé “ Le Jésuite ”, il dédie un chapitre entier à expliquer qu’il aurait, au contraire, fait tout son possible pour protéger les deux prêtres alors sous son autorité.
En réaction, de nouveaux témoins ont affirmé que c’était en réalité l’évêque Miguel Raspanti qui tenta de protéger les deux jeunes prêtres et que Bergoglio s’y était opposé, sachant pourtant les dangers qu’ils encouraient."
Lire "Bergoglio/François : pape des pauvres ou ami de la dictature ?".
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales