Revue de presse

Baubérot : "Petit manuel pour une laïcité bradée" (causeur.fr , 28 sept. 16)

18 octobre 2016

"[...] Souriant et bienveillant, ce Petit manuel est en réalité moins inoffensif qu’il en a l’air -et renferme, sous couvert de pédagogie et de pragmatisme, une idéologie militante.

Laïcité apaisée ou batailleuse ?

Fustigeant une trop grande complaisance à l’égard de l’islamisme radical, Laurent Joffrin -lui-même !- a qualifié de guimauve [1] cette laïcité apaisée. Pourtant, elle est plus militante qu’il ne parait.

Voilà en effet plusieurs années que le Cercle des enseignant.e.s laïques exige l’abrogation de la loi de 2004 sur le voile à l’école, contraire à leurs yeux à l’esprit sacré de 1905 qui ne cherchait pas à légiférer sur l’accoutrement des élèves. Dans une tribune parue en 2014 sur un blog Mediapart, le collectif s’interrogeait déjà : « Cette loi a-t-elle fait reculer ce qu’on appelle le communautarisme ? A-t-elle favorisé l’accès des jeunes femmes à l’enseignement public ? Et puis, a-t-on jamais gagné en émancipation en perdant le droit à l’éducation ? » La démarche intellectuelle semble plutôt fallacieuse : au prétexte que certains élèves seraient en conflit avec l’institution, il faudrait de toute urgence réintroduire le voile dans les établissements afin de ne pas victimiser davantage les enfants des quartiers populaires déjà en proie aux difficultés sociales. La pénalisation du voile est à leurs yeux « un remède bien étrange qui éloigne les élèves de l’école pour ne pas qu’ils et elles tombent dans les griffes de mouvements radicaux ». Les filles seraient d’ailleurs victimes d’une double peine : « en dehors de l’école tu agiras selon la loi des pères ; à l’intérieur, selon celle de la République. Mais quoi qu’il arrive, concernant ton propre corps, tu te soumettras ».

Ainsi, la loi sur le voile braquerait les familles, opprimerait les jeunes filles jusqu’à les rendre absentéistes -et augmenterait les tensions sociales et identitaires.

En conséquence, le Petit manuel invite les enseignants, parents et élèves à ruser avec la législation -en somme, au nom de la sacrosainte pédagogie, à se montrer frondeurs vis-à-vis du droit français -au risque d’exciter de nouvelles revendications religieuses. [...]

Cette laïcité apaisée ressemble à une mystique. Le collectif promeut d’ailleurs le concept plutôt New-age de “laïcité intérieure” -ou lorsque l’enseignant renonce à ses préjugés et se libère de ses convictions afin de mieux accueillir la parole de l’élève, sans jamais la blesser ni la contraindre.

Au cœur de cette mystique, un credo unique : la sécularisation de l’Islam est inexorable. Ce serait en effet le destin naturel de cette religion que de se fondre dans la société. Mais à la seule et unique condition qu’elle ne soit ni forcée ni frustrée ! “Dans l’émission Hier, aujourd’hui, demain du 21 septembre Jean Baubérot soutient que “l’aggiornamento de l’islam appartient strictement aux musulmans”. Et la Nation n’a pas son mot à dire.

Le hijab prodigue

Ainsi, les coauteurs donnent l’exemple de deux collégiens qui ont refusé au nom de leur religion d’entrer dans la basilique de Saint-Denis avec leur classe. C’est finalement une dame voilée sur la voie publique qui a providentiellement volé au secours de leur enseignante et leur a expliqué que ce n’était pas contraire à leur foi. Et les coauteurs d’applaudir !

Ce credo de la sécularisation spontanée engendre plusieurs dogmes, comme la non-religiosité supposée du voile, aux « innombrables significations » -dont « l’effet de mode ou la volonté de se distinguer des parents ou d’une société raciste ». Ainsi, le manuel donne l’exemple d’une jeune fille violentée par l’institution qui l’a “poussée à démissionner” simplement parce qu’elle refusait de retirer son jilbeb qu’elle portait depuis plusieurs semaines “uniquement pour le deuil de son père”.

Les musulmans seraient donc victimes d’une “traque des vêtements censément religieux, d’une surveillance accrue des élèves supposé.e.s musulman.e.s , d’une injonction insistante à l’adhésion aux valeurs républicaines”. Traque, surveillance, injonction. Au fond, le racisme de l’institution qui essentialise l’Islam et ses fidèles. La rhétorique rejoue avec délectation, dans un mimétisme aussi béat que falsifié, la partition des Résistants et des Justes.

Ceux qui prétendent que “la charia est contraire aux droits humains ou que l’allégeance à l’oumma est une concurrence intenable avec le contrat social” seraient ainsi d’infâmes “islamophobes”. Et d’immondes rétrogrades, ceux qui estiment que “l’Islam n’aurait jamais pensé la séparation du religieux et du politique “.

Car, expliquent-ils, “l’incompatibilité supposée de l’islam avec la laïcité est une hypothèse fausse. Elle est par ailleurs antilaïque. En effet, toute l’argumentation repose sur un interprétation théologique de l’Islam qu’un point de vue laïque n’a pas à prendre en compte”. Alors que le manuel est truffé de mots du vocabulaire vestimentaire islamique, les auteurs somment les citoyens français de se bander les yeux, de se détourner du texte coranique et de se désintéresser de “l’interprétation fondamentaliste du dogme”, qui serait toujours superflue et dérisoire selon eux.

Car pour les apaisés de la laïcité, l’Islam n’est pas une religion mais une “diversité des pratiques”.

Leur espérance se dessine enfin : une fois pacifiée par les prédicateurs de la laïcité apaisée, la République deviendra miraculeusement “attractive” pour la jeunesse des quartiers populaires."

Lire "Petit manuel pour une laïcité bradée".


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