Revue de presse

"Baby Loup : le casse tête de la liberté religieuse au travail" (lefigaro.fr , 20 mars 13)

21 mars 2013

"« Le principe de laïcité ne doit pas s’arrêter à la porte des crèches, et c’est un principe intangible avec lequel nous ne pouvons pas transiger », a déclaré ce mercredi la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem. Après la décision de la Cour de cassation, qui a donné raison mardi à une salariée voilée licenciée par une crèche privée, Baby Loup, le gouvernememnt souhaite réagir. Il envisage de légiférer pour réaffirmer le principe de laïcité dans la sphère professionnelle. Et clarifier une situation plus que complexe. État des lieux.

● Affaire Baby Loup : de quoi s’agit-il ?

La plus haute juridiction judiciaire française, la Cour de cassation, a annulé mardi le licenciement en 2008 d’une employée d’une crèche privée, « Baby Loup » près de Paris, qui s’était vu reprocher par son employeur de refuser d’ôter son voile islamique. « S’agissant d’une crèche privée », la Cour a estimé que le licenciement de cette salariée constituait « une discrimination en raison des convictions religieuses » et devait être « déclaré nul ». L’arrêt de la cour d’appel de Versailles - qui avait déclaré en 2011 le licenciement fondé - est dès lors cassé. L’affaire va être renvoyée devant la cour d’appel de Paris.

● Que dit la loi aujourd’hui ?

La laïcité, inscrite dans la Constitution, implique la neutralité de l’Etat, donc des services publics. Jusquà présent, cette obligation ne concernait que les fonctionnaires. Mais, un autre jugement rendu mardi par la Cour dans une affaire opposant une femme voilée à son ex-employeur, la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine Saint-Denis, indique que « les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé ». Autrement dit, les personnes travaillant par exemple à la Poste, à la SNCF, sont aussi soumises à ce principe de neutralité. Dans les entreprises privées, le Code du travail prévoit que nul ne peut faire l’objet « d’une mesure discriminatoire (...) en raison de ses convictions religieuses ». Mais, comme l’explique Eric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail, « le code du travail prévoit le respect des convictions, pas leur promotion. Car il prévoit le travail, pas la religion ».

● Quelles conséquences va entraîner la décision de la Cour ?

Jusqu’à présent, on reprenait le principe constitutionnel de laïcité pour régler ce genre d’affaires. Dans l’affaire Baby Loup, la Cour de cassation rappelle que, dans les entreprises privées, « les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché ». Ces principes (hormis le second) existaient déjà, mais avec cette décision de la Cour concernant Baby Loup, « on inverse le postulat selon lequel l’entreprise doit être neutre », estime Me Rocheblave, en contraignant l’employeur à définir lui-même les limites. L’avocat craint que cette décision « génère une explosion de contentieux » suite, par exemple, à des demandes de jours fériés respectant le calendrier d’autres religions.

● La solution, légiférer ?

L’affaire Baby Loup a entraîné de nombreuses réactions politiques. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a déploré la décision de la Cour, y voyant « une mise en cause de la laïcité ». « ll y a un vide juridique sur l’application de la laïcité dans certaines situations comme celle-là », a estimé le président de l’UMP Jean-François Copé, ce mercredi sur iTéle.

Plusieurs pistes sont évoquées. En 2010, Manuel Valls, alors député de l’Essonne, avait envisagé de déposer une proposition de loi interdisant « le port de signes religieux distinctifs là où il y a des enfants ». Najat Vallaud-Belkacem a affirmé mercredi qu’il fallait « veiller » à ce que les solutions de la circulaire Jospin de 1989 sur le port du foulard à l’école « puissent s’appliquer de la même façon dans les crèches » que dans les écoles. Le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti (UMP) a, quant à lui, annoncé dans un communiqué son intention de déposer « une proposition de loi afin de permettre le nécessaire respect de la neutralité et de la laïcité », y compris « au sein des entreprises privées ». [...]"

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