15 mai 2013
"On entend souvent dire, dans les cités, qu’il faudrait obliger les architectes à vivre dans leurs merveilleuses créations. Il serait bon aussi, parfois, que les juges touchent du doigt le résultat de leurs subtiles cogitations. On espère donc que les membres de la chambre sociale de la Cour de cassation assisteront au déménagement de Baby Loup. Ce n’est pas encore une certitude, mais déjà bien plus qu’une probabilité. La proposition du sénateur maire socialiste de la ville voisine de Conflans-Sainte-Honorine, Philippe Esnol, et de sa « dircab », la conseillère générale du coin, Fanny Ervera, est sur la table. Ce sera, grâce à eux, la défaite sans le déshonneur. Mieux vaut partir que mourir – même si chacun sait que partir, c’est mourir un peu.
Assommée par l’arrêt qui a invalidé le licenciement de la puéricultrice qui refusait d’enlever son voile, l’équipe de la crèche a été consultée à bulletins secrets. Une majorité a choisi d’arrêter les frais : Baby Loup doit quitter . Natalia Baleato ne se fait pas d’illusions : si le déménagement a lieu, une bonne partie de l’équipe quittera le navire.
Plusieurs filles sont déjà parties, épuisées par les menaces, allusions, pressions et insultes des fondamentalistes qui entendent régner sur le quartier des Poètes.
Depuis le 19 mars, l’atmosphère est passée de « pénible » à « insupportable ». Natalia n’ose plus sortir de la crèche pour fumer. « Maintenant qu’ils ont gagné sur le voile, dit-elle, la nouvelle étape, c’est de nous obliger à faire observer les rites religieux aux enfants. » Dans son bureau, des parents défilent pour s’étonner qu’on ne serve pas des repas halal. Certains ont déjà, dans le passé, demandé qu’on les réveille pour la prière. Même la maire de la ville, Catherine Arenou, admet que l’emprise religieuse a progressé ces dernières années : « Avant, explique-t-elle au New York Times, seules quelques vieilles femmes portaient le voile traditionnel. Aujourd’hui, on voit de plus en plus de jeunes filles avec la tête couverte. »
« De plus en plus » signifie ici la quasi-totalité. Elle observe avec satisfaction que la poignée de femmes qui persistent à porter la burqa sont discrètes, sortant faire leurs courses en dehors des heures d’affluence : « Cela signifie qu’elles connaissent la loi. » De quoi pavoiser, en effet. Tentant de ménager chèvre et chou – les élections approchent –, elle renvoie dos à dos « fondamentalistes et ultra-laïques ». On aimerait bien savoir où sont ces « ultralaïques ». Catherine Arenou a peut-être compris que le départ de Baby Loup serait une catastrophe pour elle. Un peu tard, Madame le Maire, pour découvrir que votre ville est un territoire perdu. Un de plus."
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales