17 juin 2016
La situation des femmes révèle toujours le degré d’avancement démocratique d’une société. Il aura fallu des siècles de combats pour que le principe d’égalité entre hommes et femmes, en droits, en devoirs et en dignité, soit enfin reconnu. Il est encore loin d’être une réalité concrète au cœur même de la République française, comme en témoignent de sinistres tribulations dans le monde politique qui devrait pourtant être un exemple pour toute la société.
Fille des Lumières, l’égalité en droits entre tous, quels que soient la naissance, la couleur, le sexe, les appartenances religieuses, philosophiques ou politiques, semblait progressivement s’installer comme un principe universel, au même titre que la liberté de conscience dont elle est inséparable.
Ces principes semblaient gravés dans le marbre d’une éthique ouverte à l’humanité toute entière, au-delà des appartenances culturelles, religieuses, philosophiques ou politiques. Ils sont aujourd’hui frontalement combattus par ceux qui leur opposent des revendications identitaires, différencialistes et communautaristes.
L’universalisme, clé de l’émancipation individuelle et collective, est désormais dénoncé par une mouvance anti républicaine comme une idéologie « colonialiste ». La laïcité qui, mettant à distance le politique du religieux, séparant la foi et la Loi, est le nécessaire levier de cette égalité, se voit accusée par les mêmes d’ « islamophobie », dès lors qu’elle prétend s’appliquer à toutes les confessions. Le racisme, historiquement porté par l’extrême-droite, fait son retour sous le masque du racialisme, qui légitime la ségrégation des individus selon leurs origines. Le féminisme, enfin, est contesté dès lors qu’il affirme qu’aucun motif cultuel ou culturel ne peut justifier une restriction des droits des femmes ni une entrave à leur exercice.
Ces dramatiques confusions, sciemment entretenues, fragilisent les fondements mêmes de la République tandis que s’imposent de par le monde les formes les plus régressives de contestation de l’égalité entre tous les êtres humains, du respect de leur intégrité physique et morale, de leur liberté à penser et à disposer d’eux-mêmes. Les femmes en sont toujours les premières victimes.
En Europe, ce sont les gouvernements les plus conservateurs, soutenus par des Eglises rétrogrades, qui s’arc boutent sur l’interdiction totale de l’avortement ou qui tentent de remettre en cause ce droit, là où il est déjà restreint à des conditions drastiques, comme en Espagne ou en Pologne. Ce sont également, au niveau de la Commission européenne, des lobbies intégristes qui sont à la manœuvre et tentent d’imposer leurs choix.
En Amérique centrale et du Sud, l’Eglise refuse l’accès à l’IVG des femmes enceintes porteuses du virus Zica dont il est pourtant avéré qu’il cause de graves malformations. Le pape, ami des pauvres et des opprimés, n’est pas celui des femmes ni de la laïcité, comme ses récentes déclarations en témoignent. Certains évêques, dont un représentant du Vatican, n’hésitent pas à affirmer publiquement que le viol est moins grave que l’IVG !
On ne compte plus les pays où les attaques au vitriol et les lapidations sont devenus monnaie courante ; où les crimes d’honneur se banalisent ; où des centaines de filles sont soustraites à l’école et au savoir, où elles sont enlevées pour être converties, mariées de force, humiliées, battues, transformées en esclaves sexuelles, assassinées.
En Allemagne et, simultanément, dans plusieurs autres pays d’Europe, lors du Nouvel an, des femmes sont attaquées et violentées dans la rue, par des groupes d’hommes organisés, qui considèrent surement que leur simple présence dans l’espace public est une invite à l’agression et « qu’elles l’ont bien cherché ».
En France, dans un nombre croissant de quartiers, la pression sociale d’une doxa machiste alimentée par des prêches fondamentalistes, conjuguée au recul de l’État et des élus dans leur mission de défense de la République laïque et de ses valeurs égalitaires, aboutit à créer des enclaves qui s’alignent sur les théocraties et dictatures les plus rétrogrades pour justifier les violences faites aux femmes A commencer par le voile, de plus en plus couvrant, de plus en plus opaque, qu’il soit de marque ou grande distribution, étendard de la discrimination, que l’appétence à la servitude volontaire de certaines et la coupable lâcheté de leurs thuriféraires voudraient faire passer pour bannière de liberté.
Ce n’est pas par hasard si, à la façon des instituteurs de la III° République, les femmes sont devenues les nouveaux « hussards noirs » de la laïcité..
Grâce à nos idéaux universalistes et laïques, nous avons, nous, citoyens français, les armes qui nous permettent de lutter ensemble pour l’émancipation de la moitié de l’humanité, non pas au nom d’un quelconque particularisme qui vaudrait aux femmes de n’avoir des droits que parce qu’elles sont « autres » mais au nom de notre commune nature, et du fait que « tous les citoyens sont des femmes comme les autres ».
La République universaliste, laïque et sociale, depuis qu’elle a compris, grâce à la lutte des femmes, que celles-ci sont ses plus ardentes combattantes, est désormais le meilleur rempart contre les régressions de tous ordres que tentent d’imposer les communautarismes, contre toutes les formes de racisme et contre l’extrême-droite qui se nourrit des renoncements et des peurs.
Alors que les crises sociales et les déchirures culturelles conjuguent leurs effets néfastes, nous appelons à un ressourcement explicite aux principes universalistes de la République, en premier lieu à l’égalité entre tous et toutes et à la laïcité qui, seule, permet de conjuguer liberté individuelle et cohésion citoyenne, singularité et égalité.
Marianne est l’autre nom de notre République. Il est temps de le rappeler à ceux – et celles, hélas – qui aimeraient tant qu’elle n’ait plus de nom.
Lire aussi Colloque "Place aux femmes !" (CLR, Libres MarianneS, LDIF, Paris, 18 juin 16) (note du CLR).
Comité Laïcité République
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