(Le Figaro, 15 nov. 23). Alain Finkielkraut, de l’Académie française, philosophe, écrivain. 15 novembre 2023
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Lire "Alain Finkielkraut : « Le nouvel antisémitisme se fait passer pour un antiracisme »".
"[...] Partout dans le monde, à Londres, à Istanbul, à Tunis, au Daguestan et à Berlin, des foules en colère manifestent pour une Palestine libre « de la rivière à la mer ». Cet israélo-centrisme planétaire a quelque chose de stupéfiant. Aucun autre conflit n’a jamais provoqué une telle mobilisation. Pourquoi les jeunes arabo-musulmans, qui considèrent les Palestiniens opprimés comme des frères, sont-ils indifférents au sort des Ouïgours et des Rohingyas ? Parce que, face aux Palestiniens, se dressent des Juifs. Pourquoi, sur les campus américains, arrache-t-on consciencieusement les photos des otages du Hamas et du Djihad islamique ? Pourquoi l’université Jean-Jaurès à Toulouse est-elle couverte de tags où l’on peut lire : « Gaza s’étend, la décolonisation a commencé » ou « Gloire aux jeunes de Gaza » ? Parce que, comme l’écrivait déjà Octavio Paz, nous avons perverti la tradition critique qui maintenait nos sociétés dans un dialogue permanent avec elle-même et nous avons basculé dans la haine de notre monde. Le wokisme, qui a pris la relève de l’idéologie communiste, désigne le suprémacisme blanc comme le mal absolu et fait de l’Israélien conquérant la quintessence de ce mal. [...]
L’antisémitisme contemporain repose sur la haine de l’État juif. Le chef de l’État alimente cette haine et « en même temps » affirme son soutien indéfectible à Israël. La virtuosité tourne à l’ébriété. Le président vibrionnant est devenu un président titubant. À force de vouloir séduire tous les publics, sa parole s’est totalement démonétisée. Posé sur un tissu à carreaux, le caméléon explose. [...]
Jean-Marie Le Pen ne pouvait pas s’empêcher de faire des jeux de mots calamiteux comme « Durafour crématoire » ou de traiter Anne Sinclair de « charcutière kasher ». Son instinct allait à l’encontre de son intérêt. Avec Jean-Luc Mélenchon, l’inverse se produit. Spontanément, il est universaliste et laïque. Mais ce qu’il croit être son intérêt lui commande de dénoncer l’interdiction de l’abaya à l’école comme une mesure raciste et de voir dans la marche contre l’antisémitisme un soutien au massacre. Le Pen était pulsionnel. Mélenchon est froid et rationnel. Il ne provoque pas, il calcule. Les Français musulmans ont massivement voté pour lui en 2017 et 2022, mais beaucoup se sont abstenus. Il espère qu’avec un discours toujours plus judéophobe, il fera carton plein la prochaine fois. Je pense qu’il se trompe. Mais le résultat est là. Sous sa houlette, les Insoumis sacrifient sans états d’âme les Juifs à ce qu’ils croient être l’électorat musulman. Que pèsent dans la France d’après les voix des Goldstein et des Cohen ? [...]
En octobre 1980, dans une lettre ouverte à Menahem Begin, le grand historien J. L. Talmon écrivait : « De nos jours le seul moyen d’aboutir à une coexistence entre les peuples est, bien que cela puisse paraître ironique et décevant, de les séparer. » Cette séparation est plus nécessaire que jamais, mais, après le pogrom du 7 octobre, elle apparaît presque impossible. Les Palestiniens de Cisjordanie ont célébré ce massacre. Comment les Israéliens pourraient-ils leur donner un État qui mettrait le pays tout entier à portée de missiles et d’attaques meurtrières ? Le Hamas vient de porter un coup peut-être fatal à la solution des deux États. [...]"
Voir aussi dans la Revue de presse la rubrique Antisémitisme,
les dossiers Guerre Hamas-Israël (2023-24) dans Palestine dans Israël,
LFI et islamisme dans La France insoumise (LFI), Gauche et islamisme, dans Gauche,
la rubrique Enseignement supérieur dans Ecole (note de la rédaction CLR).
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