Revue de presse

A. El Khatmi : « Les musulmans de France ne sont pas les nouveaux “damnés de la terre” » (Le Figaro, 4 mars 17)

Amine El Khatmi, adjoint socialiste au maire d’Avignon, auteur de "Non, je ne me tairai plus" (JC Lattès). 5 mars 2017

"Pour Amine El Khatmi, adjoint (PS) au maire d’Avignon, son parti, qui a abandonné les classes populaires, prête souvent une oreille complaisante aux discours victimaires.

Militant socialiste dès l’âge de 17 ans, ce fils de Marocains établis à Avignon, proche de Manuel Valls et de sa défense de la laïcité, publie Non, je ne me tairai plus (JC Lattès, en librairie le 8 mars). Un coup de gueule contre l’approche d’une large partie de la gauche des questions liées à l’islam, au communautarisme et à la laïcité. Un coup de poing aussi parce que, pour Amine El Khatmi, il est grand temps de mesurer les dangers de ces dérives pour la société française.

LE FIGARO. - Vous mettez en garde contre le « poison identitaire » qui se répand parmi les musulmans de France. C’est une vraie menace ?

Amine EL KHATMI. - Oui, cette tentation existe au sein d’une partie des musulmans de France qui sont gagnés par le repli sur soi et l’expression de revendications religieuses ou communautaires. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que, singulièrement, il s’est accentué depuis la vague d’attentats de janvier 2015.

Illustration récente : selon un sondage de l’Institut Montaigne, 28 % des musulmans de France placent la charia au-dessus des lois de la République.

Une part non négligeable des musulmans estiment en effet aujourd’hui que la loi religieuse doit primer sur tout le reste. Une conception qu’on retrouve, cela étant, dans toutes les religions. Sauf qu’en France, pays laïque, ce n’est pas possible. Nous ne sommes pas au Maroc où l’islam est religion d’État.

Parmi les promoteurs de cette conception identitaire, figure la mouvance « islamo-gauchiste » que vous décrivez très active.

Une partie de l’extrême gauche - parmi la classe politique mais aussi à travers des personnalités comme Edwy Plenel (le président de Mediapart, NDLR) - voit dans les musulmans ces nouveaux « damnés de la terre » qui auraient remplacé la classe ouvrière. Elle prétend en assurer la défense, non sans instrumentaliser cette « cause ». C’est une des conséquences de la lâcheté du Parti socialiste qui a abandonné les classes populaires et a théorisé la segmentation de la population par Terra Nova (think-tank proche du PS, NDLR). Il y aurait des segments : « les femmes », « les électeurs de banlieue », « les CSP + » à courtiser, le reste étant parti chez Marine Le Pen... Quel cynisme, quelle démission ! C’est une faute morale et politique que de renoncer à aller chercher ces classes populaires. Je parle en connaissance de cause, élu dans un département qui, sur cinq députés, en compte deux au FN, Jacques Bompard et Marion Maréchal-Le Pen.

Revenons un instant à votre histoire personnelle : en janvier 2016, vous êtes victime d’une cabale. Après une émission sur France 2, opposant Alain Finkielkraut à une musulmane présentée comme « lambda », vous précisez que l’invitée est en fait très proche du Parti des indigènes de la République et de cette sphère islamo-identitaire. Vous êtes alors traîné dans la boue sur les réseaux sociaux.{}

Traité de « harki », de « traître » et de « collabeur »... Mon adresse personnelle et celle de ma mère divulguées. J’ai à cette occasion découvert la puissance de la « muslimsphère », organisée et d’autant plus virulente que la personne attaquée est musulmane. Si l’on suit sa « logique », je ne devrais pas attaquer une personne de « ma » race, de « ma » religion. C’est une véritable assignation à résidence identitaire. Au cours de l’émission, Wiam Berhouma était présentée comme une « jeune enseignante apolitique » et développait un discours ultra victimaire. On nous rebat les oreilles avec ce prétendu « racisme », cette soi-disant « islamophobie ». Or, moi, musulman, je vis ma foi sans problèmes, je suis fier d’être français et je ne me sens pas persécuté.

Certains vous répliqueront que vous êtes naïf...

Ce que je dis ne revient pas à nier que, parfois, des musulmans peuvent être montrés du doigt, des mosquées prises pour cible. Mais, non : la France serait un pays islamophobe ! D’où vient cette fascination pour le modèle anglo-saxon ? N’y a-t-il pas eu un imam tué aux États-Unis ? Des fidèles d’une mosquée attaqués au Canada ? À l’inverse, la République française n’a-t-elle pas protégé les musulmans dans un moment de tensions - les attentats - qui aurait pu conduire à des fractures graves ? Propager cette idée d’un « racisme d’État » qui viserait à exclure une partie de la population m’est insupportable.

Un exemple lié à votre parcours : vos parents, originaires du Maroc et installés dans le quartier de la Reine-Jeanne à Avignon, vous inscrivent au Conservatoire de musique dans le centre-ville. Une bouffée d’oxygène ?

Imaginez un gamin d’ouvrier marocain allant soudain étudier Tchaïkovski ! Ce qui n’empêchait pas ma mère de passer des disques d’Oum Kalsoum à la maison. Ce qui m’effraie aujourd’hui, ce sont les ravages provoqués par l’entre-soi. À Avignon, dans les quartiers populaires, les jeunes - tous originaires du Maghreb ou d’Afrique noire - ne se trimballent qu’en bandes. Ils vont ainsi du centre social au square, du square au centre-ville, toujours collés les uns aux autres ! Ils se construisent un monde parallèle avec ses codes. C’est cela qu’il faut exploser !

Lorsque vous avez été attaqué, vous n’avez guère été soutenu par le PS. Comment expliquez-vous ce silence ? Mon parti a été plus prompt à défendre une élue du Var attaquée par l’extrême droite. C’est du deux poids deux mesures. Pensons à l’affaire du « camp d’été décolonial », organisé cet été à Reims, interdit aux Blancs et aux journalistes excepté deux reporters de Mediapart et du Bondy Blog... Il a fallu attendre pour que cette manifestation soit critiquée, Le Figaro étant parmi les premiers. Qu’on imagine un instant les réactions si un groupe d’extrême droite avait lancé un camp d’été interdit aux Noirs et aux Arabes !

Vous écrivez : « La France a une Histoire, des traditions, des us et coutumes qu’il faut respecter », que c’est « un pays occidental qui a des valeurs et des principes sur lesquels il n’est en rien prêt à transiger ». Vous n’allez pas jusqu’à dire de « culture chrétienne » ?

Je préfère insister sur le respect d’un pays pour ce qu’il est et qui s’est enrichi des apports successifs de l’immigration.

Pour qui voterez-vous à la présidentielle ?

Après avoir soutenu Manuel Valls à la primaire, j’ai le sentiment que la gauche laïque et républicaine se sent orpheline et non représentée. Je me déciderai à quelques jours du scrutin et voterai pour celui qui est le plus en mesure de battre Marine Le Pen.

Comment jugez-vous les positions de Benoît Hamon et Emmanuel Macron sur les craintes que vous exprimez ?

Sur ces sujets - laïcité, communautarisme -, Benoît Hamon fait parfois preuve d’ambiguïté. Quant à Emmanuel Macron, il me paraît avoir une conception assez « anglo-saxonne » de la laïcité."

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