Revue de presse

"Séparatisme" : "Ce que contient le projet de loi" (lefigaro.fr , 17 nov. 20)

18 novembre 2020

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"EXCLUSIF - Le texte, riche de 57 articles, se veut le nouveau bouclier républicain contre l’islam politique.

Par Christophe Cornevin, Paule Gonzalès et Jean-Marie Guénois

Après que les mots « séparatisme » et « laïcité » ont été évincé de son titre, le texte du gouvernement s’intitule désormais « projet de loi confortant les principes républicains ». Dévoilé par Le Figaro, alors qu’il est encore à l’examen au Conseil d’État, il sera présenté le 9 décembre, jour anniversaire de la promulgation de la loi de 1905.

Une loi qui répond aux derniers événements tragiques

Ce projet de loi crée de nouvelles infractions. Elles sont liées à l’assassinat de Samuel Paty, qui a subi durant plusieurs semaines un harcèlement en ligne, notamment de la part du militant islamiste Abdelhakim Sefrioui. Les articles 25 et 26 du texte créent « un délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser dans le but d’exposer elle-même ou les membres de sa famille à un risque d’atteinte à la vie, l’intégrité physique ou psychique ou aux biens ». Il sera donc possible de déférer en comparution immédiate les auteurs de ces violences en ligne qui, jusque-là, se réfugiaient derrière le « bouclier » de la loi sur la liberté de la presse de 1881 qui ne permettait pas ce type de défèrement. L’idée d’Éric Dupond-Moretti est, en revanche, d’extraire les professionnels de ce type de poursuites dès lors qu’existent un directeur de publication et une responsabilité « en cascade » permettant de poursuivre le support numérique ou l’organe de presse.

Cette disposition doit encore passer sous les fourches caudines du Conseil d’État. Le texte reste en revanche muet sur l’anonymisation des contenus en ligne. Par ailleurs, l’article 4 permet de poursuivre devant les tribunaux les auteurs de menaces et d’intimidation exercées contre des agents de service public, pour des motifs religieux. Ce nouveau délit répond à la nécessité, comme le souligne le garde des Sceaux, de « traiter l’amont d’une infraction terroriste alors que le code pénal ne s’occupe que de l’aval ». Cela aurait été sans doute bien nécessaire pour appuyer la hiérarchie de Samuel Paty. On se souvient aussi combien les personnels d’hôpitaux sont également mis à rude épreuve par des patients revendiquant leur croyance. Cette nouvelle infraction en est une utile protection.

Reprendre la main sur les associations et accélérer les dissolutions

Érigées par le président de la République comme un « pilier de notre pacte républicain », les associations sont devenues les cibles de l’islam politique. Le projet de loi prévoit donc qu’elles fassent l’objet d’un contrôle accru. L’article 6 stipule ainsi que « toute demande de subvention fait désormais l’objet d’un engagement de l’association à respecter les principes et les valeurs de la République ». Toute violation aura pour conséquence la restitution des sommes versées. Après la dissolution de BarakaCity et du Comité contre l’islamophobie de France (CCIF) programmée d’ici à la fin du mois, le gouvernement veut accélérer le pas. Dans son article 8, le texte modernise certains motifs de dissolution devenus obsolètes depuis leur rédaction en 1936. Il prévoit d’imputer désormais à une association ou à un groupement de fait la responsabilité d’agissements commis par un ou plusieurs de ses membres. En cas d’urgence, le ministre de l’Intérieur pourra en outre suspendre les activités à titre conservatoire, pour une durée de trois mois. Les contrevenants seraient passibles d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Outre un contrôle renforcé de l’État sur les fonds de dotations censées financer des « activités philanthropiques » (article 9), l’administration fiscale pourrait passer au crible les organismes bénéficiaires de dons permettant des réductions d’impôts. « Plusieurs structures agissent telles des officines », précise-t-on Place Beauvau, qui prévoit d’élargir le champ d’action de Tracfin pour tracer les flux suspects.

Dès l’école, prendre le mal à la racine

L’encadrement beaucoup plus strict de la scolarisation à domicile est l’une des mesures phares annoncées le 2 octobre dernier par Emmanuel Macron aux Mureaux. Aucun enfant de 3 à 16 ans ne pourra plus déroger à l’obligation de fréquenter un établissement d’enseignement public ou privé (article 18), sauf lorsque la scolarisation sera rendue impossible, pour des motifs très limités, tenant à la situation de l’élève ou à celle de sa famille. Les autorités académiques devront veiller au respect des droits de l’enfant en cas d’instruction à domicile. Un identifiant national sera attribué à chaque élève afin de s’assurer qu’aucun ne soit privé de son droit à l’instruction. Après avoir débusqué, notamment en Seine-Saint-Denis, des écoles clandestines accueillant dans des locaux insalubres des dizaines de jeunes enfants et fréquentées par des femmes en burqa, les autorités veulent instaurer un nouveau régime administratif (article 21) permettant de fermer « dans les meilleurs délais » des « établissements illégalement ouverts » ainsi que des établissements privés présentant des « dérives » ou des « manquements graves ». Au chapitre des fédérations sportives reconnues par l’État, le projet de loi prévoit de remplacer l’actuel régime de tutelle par un régime de contrôle. « S’agissant des fédérations agréées, il introduit le respect des principes et valeurs de la République dans le socle législatif fondant l’agrément, afin de permettre le contrôle régulier de cette obligation en fixant une durée d’agrément », précise le texte dans sa dernière version.

Protéger la famille des assauts du communautarisme

En droit civil français, les mariages forcés, la polygamie et déshériter ses enfants du fait de leur sexe sont déjà interdits. Mais étrangement, il existe toujours « des trous dans la raquette » et il semble nécessaire de réaffirmer les principes de notre droit en matière d’affaires familiales. La nouvelle loi renforce chacune de ces interdictions. En matière d’héritage, la Chancellerie a introduit, par l’article 193 du code civil qui protège la réserve héréditaire, la prohibition de toute discrimination liée au fait d’être une femme. Désormais, également, par l’article 14 du nouveau projet de loi, est étendue, dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’opposabilité à tous les cas - et non partiellement comme actuellement - de polygamie pour refuser ou retirer des titres de séjour. Pour tenter d’endiguer les mariages forcés, les officiers d’état civil diligents devront non seulement recevoir séparément les époux en cas de doute du consentement, mais également saisir le procureur de la République. Plus contestée sera l’interdiction par l’article 17 de délivrer un certificat de virginité. Une mesure accueillie avec scepticisme par bien des professionnels de santé : d’une part parce que, en cas de jeunes femmes en danger, rares seront les médecins à refuser une certification. Ensuite parce que la Sécurité sociale continue de rembourser les réfections d’hymen.

Les associations cultuelles mieux contrôlées

En France, le droit encadre l’activité religieuse via deux lois : celle sur les associations, dite « de 1901 », et celle sur les associations cultuelles, dite « de 1905 », créées lors de la séparation des Églises et de l’État. Globalement, tout lieu de culte local a comme support administratif une association. Il en est ainsi des mosquées, sachant que seules 8 % d’entre elles sont encadrées par une association « loi 1905 » pourtant prévues pour administrer des activités religieuses. Le projet de loi prévoyait donc de faire passer toutes les associations musulmanes loi 1901 en associations loi 1905, mieux contrôlées. Mais le Conseil d’État a dit que cela n’était pas possible. Pour inciter ces associations 1901 à passer en statut 1905, le projet de loi impose aux premières les mêmes contraintes qu’aux secondes, mais sans leurs avantages fiscaux.

Pour réformer les associations 1905, le projet ouvre la possibilité de financer le culte sur des biens immobiliers et prévoit un contrôle régulier de l’État sur leur « qualité cultuelle ». Pour les associations 1901 avec activité cultuelle : obligation de la tenue de comptes annuels distinguant l’activité cultuelle du reste ; obligation de la certification des comptes par un cabinet agréé. Et pour les deux types d’associations : obligation de déclaration de financement étranger, avec possibilité d’opposition par l’État.

L’islam politique en ligne de mire

Dans le projet de loi, l’islam politique est peu nommé mais toutes les mesures visent à le combattre. À commencer par la réaffirmation des « principes républicains », figurant dans le titre de la loi, qui fondent une démocratie laïque. Les nouveautés ? Outre les mesures « anti-putsch » destinées à éviter les prises de contrôle des islamistes dans les associations, le projet entend aussi interdire de faire de la « politique » dans les mosquées ou encore interdire à quiconque aurait été condamné pour « provocation à des actes de terrorisme ou provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » de « paraître dans des lieux de culte », par conséquent d’y prêcher ou d’y enseigner. Autre nouveauté : il est « interdit à toute personne ayant été condamnée pour acte de terrorisme de diriger ou d’administrer une association culturelle pendant une durée de dix ans ».

L’apologie du terrorisme désormais fichée

C’est l’une des avancées majeures du texte. L’article 3 du projet de loi élargit à bon escient l’usage et le champ d’application du Fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT). Désormais, les auteurs du délit de provocation et d’apologie d’actes de terrorisme y seront inscrits de plein droit « sauf décision spécialement motivée ». Une façon de resserrer l’étau autour des délinquants radicalisés en aggravant le délit d’apologie et une volonté de tenter de couper le mal à la racine. Nul doute par ailleurs que cette inscription automatique permettra de faciliter grandement le travail du renseignement et des enquêteurs qui disposeront d’un fichier élargi.

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Lire "Séparatisme : ce que contient le projet de loi".



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