Revue de presse

Sandra Muller : "La blague lourdingue, cet argument qui excuse tout !" (Le Monde, 31 déc. 17)

20 janvier 2018

"Une simple grivoiserie peut engendrer des traumatismes graves, estime la journaliste à l’origine du hashtag #balancetonporc."

"[...] « Balance ton porc. » Je trouvais cette expression vulgaire. Au départ, elle décrivait le producteur Harvey Weinstein, sous le coup d’accusations différentes, du comportement irrespectueux au viol. A Cannes, on l’appelait « le porc ». Puis je me suis souvenue de paroles dégradantes que moi-même j’avais entendues. Au cours d’un festival qui se déroulait justement à Cannes, un directeur de chaîne m’assénait : « Tu as de gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit. » Cette phrase était choquante, pathétique et très présomptueuse. J’ai décidé de donner le nom de mon agresseur verbal sur mon réseau afin de montrer l’exemple. Il fallait d’urgence arrêter ce genre de comportement.

A ma grande surprise, mon témoignage, au départ réservé à mes contacts dans les médias, s’est propagé à la vitesse de l’éclair et a atteint toutes les strates de la population. Le dimanche soir, je recevais plus de 60 000 messages. En deux mois, sur le #balancetonporc, 715 000 messages ont été publiés, 5 823 articles de presse partagés, et #metoo, lancé deux jours plus tard, a récolté plus de 4,5 millions de messages publics, selon la plate-forme de veille Visibrain. 12 millions, selon Facebook qui intègre les messages privés. [...]

Ici, aux Etats-Unis où je vis, nous faisons la différence entre la victime et les assaillants. La typologie des agressions est sans cesse rappelée : misconduct, assault, harassement, rape. Comportement déplacé, agression, harcèlement, viol. Pourtant, quelles que soient la typologie et la gravité, les effets sont dommageables. Aux Etats-Unis, chaque jour, un animateur télé, un danseur, un homme politique disparaît de la scène à la suite d’accusations. Les sanctions tombent comme un couperet. Un voleur pris la main dans le sac est filmé, son visage circule en boucle sur les chaînes locales, il est arrêté. Fin de l’histoire.

Cette culture de l’affichage ne choque personne aux Etats-Unis. Il n’en est pas de même en France, où les gens confondent dénonciation et délation. Dans le premier cas, il s’agit d’informer. Dans le second, de salir. [...]

Oui, il existe une typologie de gravité et on ne peut jamais aller à l’encontre de la victime. Non, une blague douteuse ne visant personne n’est pas à mettre sur le même plan qu’une agression verbale ciblée, qu’un acte inconvenant ou un viol. Et la justice est là pour le rappeler. En revanche, du côté des victimes, des points communs existent : mémoire traumatique, déni, honte. Une agression, qu’elle soit verbale ou physique, reste une agression, quel que soit son niveau. [...]"

Lire "La journaliste Sandra Muller revient sur le phénomène #balancetonporc qu’elle a lancé"




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