“Prière d’être islamiquement correct” (bakchich.info , 6 mai 08)

12 mai 2008

"Le candidat républicain à la présidentielle américaine, John McCain, n’en démord pas. Il l’a encore répété dans l’un de ses récents discours de campagne : les réseaux d’Al-Qaida et consorts relèvent bien du terrorisme « islamique radical ». Et le combat contre eux, de la guerre contre « l’extrémisme islamique radical ». Les protestations des représentants de la communauté musulmane aux États-Unis, qui dénoncent l’amalgame entre religion et poseurs de bombes, ne lui feront pas changer d’avis. « Oussama Ben Laden et Al-Qaida représentent une variante pervertie de l’islam (…) », ont défendu les communicants du sénateur McCain. « Mais la réalité est que l’idéologie de haine sur laquelle est basé le benladénisme est décrite, à juste titre, comme de l’extrémisme islamique radical. Si le Sénateur s’y réfère de cette façon, c’est bien parce qu’il s’agit de cela ».

Mais aussi parce que les documents officiels américains l’y ont encouragé. Et pas des moindres : déjà, en 2004, le rapport de la puissante Commission d’enquête sur les attentats du 11 septembre employait explicitement le terme de « terrorisme islamiste » pour désigner les groupes liés à Al-Qaida. Le Président Bush, depuis, a repris l’expression à son compte, et celle-ci s’est incrustée dans le discours officiel américain. Inversement, les rivaux démocrates de John McCain se sont bien gardés d’en faire de même. Et pour cause : parler de « terrorisme islamiste » n’est plus politiquement correct aux États-Unis. Ainsi en a décidé l’administration Bush, d’un coup de baguette magique, quitte à changer son fusil d’épaule !

Sur la base de deux rapports concoctés par les agences fédérales américaines en charge de la sécurité nationale, un nouveau lexique antiterroriste est né outre-Atlantique. Ainsi, le mémorandum du Centre national de contre-terrorisme (NCTC) est conçu comme un guide sémantique en 14 points à l’usage des agents de l’administration et des départements en charge de la sécurité nationale. Il vient aussi de recevoir le feu vert du Département d’État pour figurer comme livre de chevet des diplomates américains. Inspiré par une précédente étude réalisée par le Département de la Sécurité Nationale (DHS), intitulée « Terminologie pour définir le terrorisme : les recommandations des musulmans américains ». Ces deux documents établissent le même constat : dans la « guerre contre la terreur », certains mots sont contreproductifs. En clair : ils sont susceptibles d’encourager l’adhésion des musulmans aux positions défendues par les islamistes radicaux.

Résultat, toute connotation religieuse doit être bannie du langage officiel. « Nous ne devons pas reconnaître la prétention des terroristes à être des adeptes légitimes de l’islam », recommande le guide sémantique. Désormais, donc, l’Amérique ne fait plus la guerre contre « le terrorisme islamique » mais contre l’extrémisme. Elle ne se bat plus contre des « militants islamistes » comme le clamait encore il y a eu peu Georges W. Bush, mais contre de « violents extrémistes ». Et surtout pas contre des « djihadistes » : « Appeler ainsi nos ennemis et leur mouvement : "djihad mondial", peut involontairement légitimer leurs actions » et « glorifier le terrorisme ».

Attention aussi au dérapage, en utilisant des « termes péjoratifs comme "islamo-fascisme", qui sont considérés comme offensants par de nombreux musulmans ». Et Al-Qaida, on peut ? Jamais associé au mot « mouvement », tranche-t-on, « car cela fait apparaître Al-Qaida comme un mouvement politique légitime ». Et quand Ben Laden et consorts s’expriment, « ne tombez pas dans le piège » (sic) « Notre réponse doit être minimale », sinon « nous élevons leur prestige dans le monde musulman ». Bref, ce qui compte, martèle le guide américain « Ce n’est pas ce que vous dites, mais ce qu’ils entendent ». Une technique pratiquée par Oussama Ben Laden depuis bien longtemps…"

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