Revue de prese

"Planning familial : la grande dérive" (lefigaro.fr , 8 jan. 23)

11 janvier 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"ENQUÊTE - En une dizaine d’années, le mouvement féministe le plus ancien et le mieux implanté de France est passé de « mon corps, mon choix » à « mon voile, mon choix ». Il ne parle plus de femmes mais de personne à « ressenti de genre » féminin, avec ou sans utérus. Son « féminisme intersectionnel » est largement financé par l’argent public et il est agréé par l’Éducation nationale pour intervenir dans les écoles, collèges et lycées.

Par Judith Waintraub

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Lire "Planning familial : la grande dérive".

Début novembre, le Planning familial a réuni ses 76 antennes départementales en congrès à Saint-Étienne, dans la Loire, pour définir ses orientations des deux ans à venir. « Le congrès a été l’occasion d’affirmer la nécessité d’une action internationale portée par une réflexion décoloniale, en accord avec les valeurs de notre mouvement », peut-on lire dans son communiqué. Fer de lance de la bataille pour la légalisation de la contraception et de l’avortement lors de sa création, en 1960, le Planning se revendique désormais du « féminisme intersectionnel ». « C’est-à-dire qu’il prend en compte les multiples rapports de domination subis par les personnes », expliquent obligeamment ses responsables. Ce qui passe, entre autres, par la promesse d’« une meilleure inclusion » des « femmes voilées ou portant le voile ».

Le congrès de Saint-Étienne officialise un tournant amorcé il y a plusieurs années mais resté ignoré du grand public jusqu’en 2019. Cette année-là, le Planning de Grenoble prend fait et cause pour l’Alliance citoyenne, qui milite pour l’autorisation du burkini dans les piscines municipales. Selon lui, « la question du maillot de bain et la polémique médiatique montrent bien la double oppression que subissent les femmes musulmanes du fait d’islamophobie et du contrôle patriarcal sur les corps ». L’antenne iséroise du mouvement, la plus ancienne de France, est dirigée par Céline Desplatte. Élue sur la liste de l’écologiste sortant Éric Piolle aux municipales, elle a quitté la tête du Planning pour se consacrer à ses fonctions d’adjointe dans une équipe qui partage ses convictions « intersectionnelles » : Éric Piolle lui-même s’est engagé dans un bras de fer juridique en faveur du burkini, qu’il a fini par perdre le 21 juin dernier devant le Conseil d’État.

Habitant Grenoble, Naëm Bestandji, essayiste et militant féministe, a vécu de l’intérieur la dérive du Planning, dont il était adhérent. « Elle s’est manifestée publiquement pour la première fois en août 2017, se rappelle-t-il, quand le Planning a fait un tweet de soutien à Lallab, une association qui se prétend féministe mais qui défend une conception de la femme issue de l’idéologie des Frères musulmans ». En septembre 2018, Naëm Bestandji a débusqué une autre preuve de collusion avec l’islamisme : une série d’affiches reproduites par le Planning des Bouches-du-Rhône montrant l’une une femme en maillot deux pièces, l’autre une femme voilée, respectivement légendées « la nudité empouvoire (sic) certaines femmes » et « la modestie empouvoire certaines femmes ». Le dialogue qui s’en est suivi sur Facebook est surréaliste : « La notion de liberté n’est pas universelle, le féminisme ne défend pas des valeurs universelles, il défend la liberté de toutes les femmes à faire leur propre choix et le Planning familial aussi », écrit le Planning 13. « Donc vous défendez aussi les femmes qui militent pour donner une bonne image de l’excision ? » lui demande-t-on. Réponse : « Comme déjà dit, on milite pour le libre choix de chacun-e et que nous puissions chacune faire ce que nous voulons de notre corps sans projeter nos choix sur les autres ».

En 2019, Naëm Bestandji, qui avait quitté le Planning Grenoble cinq ans avant, a tenté d’y renouveler son adhésion avec un groupe de féministes universalistes. « Quand on est arrivés dans les locaux, on s’est rendu compte qu’une campagne d’adhésion concurrente avait été organisée, raconte-t-il. On a repéré des militantes d’Alliance citoyenne, dont Taous Hammouti, voilée de la tête aux pieds, qui se comportait comme si elle était chez elle ». Taous Hammouti, en pointe dans le combat pour le burqini dans les piscines, s’est notamment distinguée en affirmant sur Facebook, deux jours après l’attentat contre Charlie Hebdo : « N’oubliez jamais que c’est Charlie qui a dégainé le premier… », sélection de dessins de Charlie sur l’islam et Mahomet à l’appui.

En 2019, alertée par une enquête du même Charlie Hebdo, Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, a interpellé la direction du mouvement : envisageait-elle vraiment de supprimer la référence au principe de laïcité dans ses statuts ? Les responsables du Planning lui ont assuré qu’il n’en était pas question. Et pour cause : Marlène Schiappa menaçait de les priver de leurs 272.000 euros de subvention annuelle.

Une somme qui représente une infime partie des fonds publics versés au Planning. Ses antennes ne pourraient pas vivre sans l’aide des collectivités locales, directes ou pour des missions et des projets spécifiques. Et le soutien public n’est pas que financier, puisque le Planning est agréé par l’Éducation nationale pour intervenir dans les écoles.

Comment s’y acquitte-t-il de sa mission d’éducation à la sexualité ? Le 17 novembre, Le Planning familial a signé avec d’autres associations une tribune dans Libération pour protester contre la mention du mot « femme » dans la proposition de loi macroniste visant à constitutionnaliser l’IVG. Intitulé « L’IVG, un droit à garantir pour tou·te·s », ce texte dénonce une formulation qui « ne pourrait bénéficier aux personnes qui ne sont pas de sexe féminin à l’état civil ». « Or, il est possible d’être enceint sans être une femme au regard de la loi, que l’on soit un homme intersexe, un homme trans ou une personne étrangère bénéficiant d’une mention de sexe « neutre » ou « autre » à l’état civil », affirment les signataires.

Dans la même veine, le mouvement avait déjà fait parler de lui cet été en diffusant dans ses centres d’accueil et sur les réseaux sociaux des affiches mettant en scène des couples transgenres, dessinées par l’auteur de BD Laurier Le Fox. L’une d’entre elles montrait deux individus à barbe, l’un caressant amoureusement le ventre rebondi de l’autre, surmontés de cette légende : « Au Planning, on sait que des hommes aussi peuvent être enceints ». Le personnage « enceint » était noir, « intersectionnalité » oblige.

L’affiche a provoqué un tollé. Des élus du Rassemblement national et de Reconquête sont montés au créneau. « Le Planning familial s’éloigne de plus en plus de sa mission originale pour devenir une courroie de transmission des militants de la théorie du genre », a déploré l’eurodéputé Rassemblement national Thierry Mariani. Une dérive inquiétante, surtout quand l’on sait qu’il est habilité à intervenir dans nos écoles, y compris auprès des élèves mineurs ». Le mouvement a aussitôt dénoncé « des attaques de l’extrême droite », en s’affirmant victime d’une « campagne de dénigrement sur le dos des minorités de genre ». Mais l’« extrême-droite » est loin d’avoir été la seule à reprocher au Planning sa dérive. Des élus et des militants de tous bords l’ont fait aussi, et dans les mêmes termes. « En tant que responsable politique, je critique votre position car j’attends du planning familial une action au service de l’intérêt général et non au service d’une idéologie politique », a par exemple tweeté François Jolivet, député macroniste de l’Indre (ex-Les Républicains).

Marguerite Stern, ex-Femen, donc pas précisément de droite, et Dora Moutot, qui se définit comme une « féministe universaliste de gauche », ont publié dans Marianne une lettre ouverte à la Première ministre Élisabeth Borne pour l’alerter contre ce qu’elles appellent elles aussi une dérive. « L’idéologie transactiviste est en train de parasiter l’institution, accusent-elles. Affirmer que les femmes ne sont pas nécessairement des femelles et vice versa relève de la croyance, pas de la biologie. Les croyances n’ont pas leur place dans les établissements chargés de missions de service publiques déléguées. C’est le principe de la loi de 1905. Vous conviendrez qu’une idéologie qui relève de la croyance n’a pas à s’immiscer dans la politique du Planning familial, association financée en grande partie par des fonds publics. »

Inutile de creuser très loin pour vérifier que le Planning est devenu un canal de diffusion du « transactivisme ». Il ne parle plus dans ses publications de « femmes » mais de « personnes menstruées », comme dans ses tracts réclamant la « gratuité des protections périodiques pour toustes ». Les « hommes » ont disparu aussi au profit de « personnes qui ont des testicules », à la faveur par exemple d’une campagne de promotion de la contraception masculine.

Le mouvement vient même de publier un lexique woke pour les néophytes. À la rubrique « termes liés aux transidentités », on trouve le concept d’« assignation à la naissance » ainsi défini : « À la naissance, les médecins décident, selon des normes de longueur du pénis/clitoris, si l’individu est un garçon ou une fille ». Plus pointu, le « morinom ou deadname » est le « nom donné à la naissance et rejeté car renvoyant à l’assignation ». Le « genre », quant à lui, est une « classe sociale construite culturellement ». « En Occident, est-il précisé dans le lexique, cela admet deux catégories, dont une dominée : les femmes ; et une dominante : les hommes » La lecture de la rubrique « termes à ne pas utiliser » est également instructive. En tête figurent les mots « mâle » et « femelle ». « Utilisés surtout pour étudier la reproduction sexuée chez diverses espèces, il convient de ne pas les employer pour caractériser nos congénères humains, préconise le Planning. Ces termes binaires ne reflètent pas la variété de nos corps et de nos vécus. Comme on l’a vu plus haut, le sexe est un construit social. Un pénis est un pénis, pas un organe sexuel mâle. »

Maîtriser cette novlangue et les concepts qu’elle recouvre est bien sûr une tâche ardue pour des adultes pétris de culture « patriarcale » et « colonialiste ». Raison pour laquelle le Planning tient à s’adresser aux enfants dès le primaire, avec la bénédiction de l’Éducation nationale. Sollicitée, la direction du mouvement n’a pas répondu au Figaro Magazine."


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Planning familial, les rubriques Féminisme et Transgenres, dans Femmes-hommes
le Document "Lexique trans" (Planning familial, 5 oct. 20) (note du CLR).


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