27 novembre 2015
"C’est un sujet hautement sensible. Trois semaines après les attentats, la Ville de Paris s’apprête à présenter un manuel d’une vingtaine de pages sur la conduite à tenir face aux pratiques religieuses dans ses services.
L’Observatoire de la laïcité, qui a planché sur ce livret, s’est réuni ce vendredi pour y mettre la touche finale.
Crée en 2012 par l’ancien maire (PS) de Paris Bertrand Delanoë, l’Observatoire avait été mis en veille puis réactivé après les attentats du mois de janvier. L’information révélée par notre journal selon laquelle l’un des terroristes avait travaillé au sein de la direction de la propreté et de l’environnement a sans doute rappelé la nécessité de réunir les membres de cette instance.
Depuis, ces derniers se voient toutes les trois semaines. Ils ont procédé à plusieurs auditions. Des cas de radicalisation ont été évoqués au cours de ces entretiens. « Différentes directions de la ville ont été confrontées à des problèmes », indique un membre de l’observatoire. « Les directions de la propreté et de l’environnement, des espaces verts, de la protection et de la prévention ont été mentionnées », indique Fadila Mehal, conseillère de Paris UDI-MoDem et membre de l’Observatoire. Mais aussi la jeunesse et les sports.
Pratique de la prière sur les lieux de travail, refus de serrer la main à une supérieure féminine, demande d’horaires adaptés pour le ramadan ou pour le shabbat, port de voile sur le lieu de travail… « Nous avons vu passer des cas très concrets comme cette assistante de cantine qui disait aux enfants musulmans qu’ils ne devaient pas manger de porc », se souvient Agnès Evren, conseillère de Paris (LR).
« Certains encadrants confrontés à ces problèmes se trouvaient démunis. L’idée de ce livret est aussi de les aider dans la conduite à avoir et de rappeler ce qui est légal et ce qui ne l’est pas », explique Jean-Bernard Bros, président du groupe PRG. Le livret pédagogique sera distribué dans tous les services municipaux. Un plan de formation sera par ailleurs mis en œuvre pour les encadrants.
« Les comportements qui nous ont été évoqués sont tout à fait inacceptables », admet Emmanuel Grégoire, adjoint (PS) à la maire de Paris chargé des ressources humaines. « Beaucoup de syndicats m’avaient évoqué ici et là le sujet. D’où la décision d’éditer ce vade-mecum. Au final cependant, seuls cinq cas concrets m’ont été remontés en un an », relativise néanmoins l’élu. Les cas en question n’ont donné lieu qu’à un licenciement. « Une femme qui refusait de retirer son voile », indique l’adjoint. « Dans les autres cas, les pratiques interdites ont simplement cessé après un rappel à la règle », ajoute l’élu.
Une salle de prières sauvage au Petit Palais
Les employés municipaux et syndicats se sont inquiétés à plusieurs reprises de la « dérive communautaire et de la radicalisation de quelques agents » dans… les musées de la Ville. « L’an dernier, au Petit Palais, nous avons dû intervenir lors du comité technique auprès de Bruno Julliard (NDLR : l’adjoint PS à la culture d’Anne Hidalgo) afin que la loi sur la laïcité soit respectée », indique Nadia Lemoule, secrétaire CFDT de Paris-Musées.
Le problème ? Un local technique « transformé en salle de prière sauvage ». « Ça a été réglé sauf que si la salle de prière a disparu, on pense que ça perdure de manière plus discrète », confie un fonctionnaire sous couvert d’anonymat.Au musée Carnavalet, l’été dernier, « des employées se sont plaintes de la pression exercée sur elles par certains collègues musulmans parce qu’elles ne faisaient pas le ramadan ou parce qu’elles fumaient ».
Autre service, même ambiance. A la propreté, Stéphane*, un ingénieur, évoque le cas de « ces agents qui refusent les consignes données par des femmes encadrantes.Ils ne les regardent pas. C’est comme si elles étaient transparentes ». Ou encore les collègues « qui ne peuvent pas accéder à leur vestiaire pour se changer car ils se trouvent face à un agent qui a déroulé son tapis devant et prie. »
Au lendemain des attaques de janvier, « cinq ou six ateliers ont posé problème », selon l’ingénieur. « Après Charlie, j’ai entendu certains dire : C’est bien fait ! Ils l’ont bien cherché ! » Selon lui, aucune sanction n’est tombée. Dans le XVIe, les éboueurs ont aussi assisté à la métamorphose d’un de leur collègue musulman, « barbu du jour au lendemain », assure Nadir*. « Il ramenait tout à la politique, parlait arabe, priait, psalmodiait le Coran », poursuit ce cadre.Selon ses collègues, le fonctionnaire « a été recadré par ses supérieurs et il est revenu à la raison ». Il est aujourd’hui toujours employé à la Ville.
*Les prénoms ont été changés."
Lire "Paris : des cas de radicalisation à l’Hôtel de Ville".
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Anne Hidalgo : "En matière de laïcité, Paris doit être exemplaire au sein même de son administration. Nous sommes ainsi très attentifs à faire respecter la laïcité et à l’adapter aux situations concrètes, par la publication prochaine d’un guide de la laïcité, des stages de formations et des sessions de sensibilisation, la mise en œuvre de sanctions proportionnées enfin." Prix de la Laïcité 2015. Discours d’Anne Hidalgo, Prix de la Laïcité 2015. Discours (vidéo) d’Anne Hidalgo (note du CLR).
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