Revue de presse

"Même mort, Charb bouge encore" (marianne.net , 17 av. 15)

A propos de "Lettre ouverte aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes", de Charb (Ed. Les Echappés) 19 avril 2015

"Dans son dernier numéro, "l’Obs" publie presque gêné les extraits d’un livre à paraître du dessinateur Charb assassiné le 7 janvier. Et pour cause : l’ancien patron de "Charlie Hebdo" continuait à tracer son sillon, dénonçant autant les communautaristes qui cherchent à imposer la notion d’islamophobie que les élites intellectuelles de gauche qui, par un "paternalisme dégueulasse", se découvrent islamophiles et tentent de se mettre au niveau de ceux qu’ils considèrent en fait comme de "pauvres malheureux sous-éduqués".

A priori, ce n’est pas dans l’Obs que l’on s’attendait forcément à voir publier les extraits du livre à paraître de Charb tant le discours de l’ancien patron de Charlie Hebdo tranche avec la sirupeuse vulgate islamophile à laquelle la gauche politique et intellectuelle nous a habitué.

Du journaliste Edwy Plenel ou Claude Askolovitch, au philosophe Alain Badiou, en passant par le sociologue Didier Fassin, ils sont quelques-uns à proclamer régulièrement leur amour des valeurs de l’islam et de la chance que constitue pour la France le fait d’être le premier pays musulman d’Europe.

A ceux là, Charb adresse un sérieux direct au front de leur pensée formatée. Et l’Obs, qui leur tend régulièrement le micro, ne manque pas de prendre quelques distances avec le texte de l’ancien patron de Charlie, présenté comme une invitation au dialogue qu’il faudra même poursuivre « par-delà sa mort » : « Qu’il ait vu juste ou non, qu’il ait maladroitement opté pour une stratégie de la confrontation brutale ou non, Charb est mort pour avoir refusé de voir sanctuariser à nouveau le délit de blasphème en France. Ce serait donc lui rendre un bien étrange hommage que de transformer cet ultime texte en tables de la loi intouchables, impossibles à discuter ».

Une chôse est sûre : depuis le 7 janvier, les capacités de Charb de pousuivre la discussion ont été sérieusement amoindries. Dans les écrits qu’il nous laisse, en revanche, il ne mâche pas ses derniers mots fustigeant notamment « les militants communautaristes qui essaient d’imposer aux autorités judiciaires et politiques la notion “d’islamophobie” ». Une démarche qui n’a, selon lui, pas d’autre but que « de pousser les victimes de racisme à s’affirmer musulmanes ».

S’il savait que depuis le massacre de Charlie qui lui a coûté la vie, l’islamophobie s’est justement imposée dans le langage médiatique et que toute critique de l’islam est désormais quasi-immédiatement qualifiée de la sorte par une police de la pensée automatique qui a envahi les débats, interdisant d’ailleurs qu’ils ne se tiennent à peu près sereinement. Voire qu’ils se tiennent tout court.
L’ex-patron de Charlie cite lui-même « l’excellent journaliste Alain Gresh » qui avait accusé Charlie de faire le jeu de l’extrême droite imaginant — scénario « godwinesque »… — un Charlie Hebdo allemand « faisant un numéro spécial sur le judaïsme » dans les années 30 en pleine montée de l’antisémitisme.

A cette hypothèse, Charb répond que si un Charlie Hebdo de l’époque aurait en effet pu faire preuve de la même virulence à l’égard du judaïsme, « nous l’aurions dit des extrémistes religieux juifs et non de l’ensemble des juifs croyants ». Mais Charb de poursuivre en faisant mine de s’interroger « Un rabbin Ben Laden avait-il envoyé un biplan s’écraser contre l’Empire State Building ? Je ne suis pas historien mais je ne pense pas ».

Car le féroce dessinateur tient sa ligne : « Avoir peur de l’islam est sans doute crétin, absurde, et plein d’autres choses mais ce n’est pas un délit », pointant l’influence néfaste de nos élites intellectuelles de gauche biberonnées à l’antiracisme et qui ont découvert avec la défense de l’islam un tiers-mondisme à côté de chez eux : « Il serait temps d’en finir avec ce paternalisme dégueulasse de l’intellectuel bourgeois blanc “de gauche” qui cherche à exister auprès de “pauvres malheureux sous-éduqués” » écrit encore Charb qui décrit moqueusement la démarche des intéressés : « Moi qui suis éduqué, évidemment, je comprends que Charlie Hebdo fait de l’humour, puisque, d’une part, je suis très intelligent et d’autre part, c’est ma culture. Mais, par respect pour vous, qui n’avez pas encore découvert le second degré, je fustigerai solidairement ces dessins islamophobes que je ferai semblant de ne pas comprendre. Je me mettrai à votre niveau pour vous montrer que je vous aime…Et s’il faut que je me convertisse à l’islam pour être encore plus proche de vous, je le ferai ! ».

Le constat est tout aussi triste quand on voit que ces « démagogues ridicules » qui ont condamné en se pinçant le nez les attentats de Charlie, en précisant toujours qu’ils « l’avaient quand même bien cherché », sont désormais légion. A ces « analphabètes », l’ancien patron de Charlie tente une nouvelle fois d’expliquer le principe d’une caricature. [...]"

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