Jean-Philippe Acensi, délégué général de l’association et agence pour l’éducation par le sport. 23 juillet 2012
"La décision de la Fédération internationale de football association (FIFA) d’autoriser les femmes à porter le voile en compétition officielle, à quelques jours de l’ouverture des Jeux olympiques (JO) de Londres, est une mesure historique, exceptionnelle et sans précédent dont il faut pouvoir mesurer la portée, notamment sur le vivre-ensemble dans nos villes, particulièrement en France. Dans le même temps, la première participation d’une athlète saoudienne à ces JO montre une volonté forte du monde arabe de proposer, ou d’imposer, un autre projet de société par le biais du sport et de la femme.
Ces événements majeurs auront des répercussions certaines, tant dans les pratiques sportives et dans l’espace public (associations, écoles...) que sur la condition même de la femme. Ces décisions risquent également d’aggraver les tensions existantes dans les quartiers français et européens, entre les communautés, les femmes et les hommes, dans un contexte de montée du nationalisme et du communautarisme. La FIFA offre là aux militants extrémistes une visibilité exceptionnelle, par le biais du football, de faire valoir un contre-projet de société avec une vision rétrograde de la femme.
Considérons que l’espace sportif est un lieu d’ouverture où les signes religieux n’ont pas leur place, où sa force même réside dans la diversité des pratiquants (origines et niveaux). On peut donc s’interroger sur la portée de ce choix dans les clubs de football. La possibilité, demain, de porter un voile, plus ou moins obligatoire, marquera là une différence notoire entre pratiquantes et rendra complexe l’espace unique de rencontres que représente encore aujourd’hui le club. Un président de club de foot de la banlieue lilloise, où un quart des adhérents sont d’origine maghrébine, me précisait dernièrement : "Il y aura, avec cette règle, une pression importante des familles ou des groupes externes au club pour que les jeunes filles puissent jouer avec le voile, ce qui rendra délicat le travail des éducateurs.
Les défenseurs de cette règle, comme le président du Comité international olympique (CIO), Jacques Rogge, avance l’argument du développement de la pratique féminine dans le monde musulman. Mais de quelle pratique féminine parle-t-on ? Celle que nous propose le responsable du sport du royaume d’Arabie saoudite, qui annonce que, pour participer aux Jeux olympiques, toute athlète devra s’engager à respecter trois règles : la première condition est qu’elle soit habillée selon les normes de la charia qui interdit la nudité, la deuxième, qu’elle ait l’accord d’un proche parent, et qu’elle soit accompagnée par lui.
[...] Demain, les demandes et les pressions auprès des directions des sports des villes pourront s’exercer au sein des différents lieux tels que clubs sportifs, associations, voire établissements scolaires et où les jeunes adolescentes soutenues par des adultes pourront se prévaloir de cette mesure de la FIFA.
Comment les autres sports vont réagir ? Cette règle pourrait en effet inspirer d’autres fédérations internationales... Pourquoi la Fédération internationale de handball, qui organisera les prochains championnats du monde au Qatar, en 2015, ne prendrait pas une mesure similaire ? Une dirigeante d’un club de handball de la banlieue parisienne a notamment relevé que ses athlètes, à leur retour d’un stage au Mali, se sont mises à porter le voile alors qu’elles ne le faisaient pas auparavant. [...]"
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales