par Michel Zaoui, avocat au Barreau de Paris 16 novembre 2013
Manifestement nous faisons fausse route. Contrairement à ce que pensent notre Président François Hollande et d’autres politiques de tous bords, l’islam en l’état n’est guère compatible avec la démocratie.
Il ne s’agit bien évidemment pas d’une critique de l’islam en tant que tel, mais de savoir si une religion quelle qu’elle soit est compatible avec une démocratie à partir du moment où elle veut imposer ses règles dans la gestion du monde. C’est la seule vraie question qui doit être posée aujourd’hui. Une religion peut-elle imposer une politique ou, si l’on veut, une politique peut-elle être régie par une religion ?
Poser la question n’est pas méconnaître les grandes avancées que les religions dites "révélées" ont apporté à l’humanité, notamment sur le plan des lois morales.
Durant des périodes très longues, l’Eglise a lié pouvoir temporel et pouvoir spirituel.. Les deux étaient étroitement liés au point que le pouvoir temporel a souvent pris le pas sur le pouvoir spirituel. L’Eglise a longtemps fait et défait les puissants de l’occident. La papauté avait un programme politique. Elle avait son mot à dire sur toutes choses. Pendant des siècles, elle a considéré que sa doctrine religieuse était immuable et pouvait se confondre avec une doctrine politique. En un mot, elle a cru que sa doctrine religieuse était immuable. Admettre la démocratie, c’était renoncer à son pouvoir temporel.
Aussi, en dépit du maintien de l’État du Vatican, lorsque la démocratie s’est installée, le religieux a dû reculer et le prosélytisme s’en est allé. À partir du XXe siècle, l’Eglise a compris peu à peu qu’elle devait abandonner son pouvoir temporel. Il en allait de sa survie.
Une religion quelle qu’elle soit a un corpus législatif correspondant à une période donnée et à un état des personnes. Que l’Eglise aujourd’hui prenne position sur le mariage " pour tous " est parfaitement légitime. En revanche, le législateur ne calque plus ses lois en fonction de ce que dit ou pense l’Eglise sur tel ou tel sujet. Il peut tenir compte de son point de vue, mais il ira parfois à l’encontre de celui-ci.
Si dans différents pays, et notamment aux USA, le Président prête serment sur une Bible, cela ne signifie pas que les Institutions du pays en cause soient calquées sur des préceptes religieux. Les mouvements évangélistes, aujourd’hui prosélytes, traduisent un besoin de spiritualité que ses adeptes ne trouvent plus dans les religions traditionnelles. Mais ce besoin alarmant ne saurait être un substitut à la démocratie. Les références à Dieu pour tenter de justifier un conflit sont inopérantes, voire dangereuses.
Le judaïsme, bien que non prosélyte et ayant subi des violentes persécutions durant vingt siècles n’a pas échappé à ces questionnements. Il s’est même trouvé des rabbins qui ont expliqué et justifié la Shoah au travers d’une volonté divine… Si aujourd’hui certains justifient l’existence de l’État d’Israël par une promesse divine, ils empêchent l’établissement d’une paix future avec les pays arabes qui, eux aussi, en appellent à Dieu pour expliquer guerres et attentats meurtriers. Ces derniers font fi de ce que le sionisme est avant tout un mouvement politique et non pas un mouvement religieux. Les fondateurs de l’État d’Israël étaient des laïcs et non des religieux. Les lois israélienne ne sont pas la reproduction de l’Ancien Testament.
Pourquoi ne pas afficher la même exigence vis-à-vis de l’islam ? Par peur, on le sait, d’être taxé d’islamophobe, par peur d’être confondu avec l’extrême droite . Or, justement, si on veut échapper à cette dérive, il faut briser le piège qui nous enferme , et seule la Gauche est en mesure de le faire.
Nous avons été nombreux à être interpellés par ce que l’on appelait les « printemps arabes ». Nous avons été nombreux à croire que des élections au suffrage universel suffisaient pour que ces pays deviennent démocratiques. Nous étions dans le même temps horrifiés par le retour des militaires dont on soupçonnait qu’ils risquaient de confisquer tout élan démocratique.
Mais Il faut avoir présent à l’esprit le propos de Zeev Sternhell (Le Monde, 18 août 2013) dans une tribune intitulée "la droite de combat est toujours là" : « Car la démocratie, ce n’est pas seulement le suffrage universel, c’est avant tout les droits de l’homme, c’est la primauté de l’individu, c’est l’égalité, non seulement devant la loi, mais l’égalité des chance. » Les pouvoirs politiques dans les pays arabes sont-ils prêts à reprendre à leur compte cette définition de la démocratie alors qu’en permanence ils se référent à la charia, c’est-à-dire une loi où le religieux est une règle immuable et intangible depuis des siècles. Le seul statut de la femme en constitue un exemple éloquent.
Le même Sternhell conclut ainsi son propos : « On n’a pas besoin de la religion pour réfléchir aux valeurs fondamentales. Ce qui fait reculer la laïcité, c’est l’effritement de la tradition des Lumières. La pensée de gauche doit rester enracinée dans cette idée. »
Certains à gauche justement sont prêts à avaler toutes les couleuvres au nom du caractère multiculturel de la France. Ils pensent ainsi se démarquer de la droite et surtout de l’extrême droite. Mais ce n’est pas en abandonnant ou en renonçant aux principes fondateurs de notre Républque que l’on aidera ces musulmans en désarroi à se soumettre à la loi commune. Que l’extrême droite se présente comme le hérault de la laïcité, c’est tout de même un comble !
Le ministre de l’Education Nationale se voit contraint de rappeler les principes élémentaires de la laïcité par un affichage d’une charte de la laïcité dans toutes les écoles et dans tous les lycées. Pourquoi une telle initiative si ce n’est à cause d’un lent grignotage de ces principes que l’on croyait bien ancrés dans la société française. Le recteur Dalyl Boubakeur parle de 90 % des musulmans qui se « sentiront visés » par une telle charte, tout en glorifiant par ailleurs la loi républicaine…
Au-delà de cette posture qui relève surtout d’un difficile équilibrisme politique, ce chiffre de 90 % n’est pas, que je sache, le résultat d’un sondage. En revanche, une telle affirmation permet de ne pas répondre aux vraies questions qui lui sont posées et qui concernent les difficultés rencontrées par les enseignants lorsque sont abordées certaines questions d’histoire ou lorsque les cours de gymnastique ou de piscine impliquent l’égalité des garçons et des filles.
Encore une fois,ce n’est pas l’islam en tant que tel qui est visé. Ce que les authentiques républicains se doivent d’empêcher, c’est que le religieux revienne en force, car c’est le religieux et non pas l’islam qui est incompatible avec la démocratie, lorsqu’il prétend se substituer à la loi commune. Le dire n’est pas tomber dans le lit de l’extrême droite. Il faudrait prolonger la déclaration de François Hollande selon lequel « L’islam est compatible avec la démocratie » par ces mots « à la condition que la gauche laïque et républicaine ait le courage de donner aux musulmans les moyens de leur émancipation ».
Michel Zaoui
Avocat au Barreau de Paris
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
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