Note de lecture

J.-P. Scot : Jaurès retrouvé

par Philippe Foussier 2 novembre 2014

Jean-Paul Scot, Jaurès et le réformisme révolutionnaire, Seuil, 370 p., 21 €.

Dans la très prolifique année d’édition sur Jaurès, centenaire oblige, il faut souligner la très novatrice étude de l’historien Jean-Paul Scot, qui s’est jadis penché sur Victor Hugo ou sur la loi de 1905 (L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle. Comprendre la loi de 1905, Points Seuil). Il propose ainsi un volume sur le « réformisme révolutionnaire » de Jaurès et apporte sur ce point un éclairage insuffisamment exploré par la multitude des ouvrages consacrés au leader socialiste.

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Ne craignant pas de troubler une historiographie un tantinet bien-pensante sur Jaurès, Jean-Paul Scot déplore que « des historiens, des philosophes et des hommes politiques réduisent son idéal socialiste à une simple aspiration à la justice sociale, à la conciliation des classes, voire à un idéalisme philosophique, moral et religieux ». Fort de ce constat, Scot propose donc une analyse à la fois rigoureuse et exigeante de l’ « évolution révolutionnaire » propre au socialisme jaurésien qui perturbe à bon escient les lectures académiques sur Jaurès.

C’est grâce à cette stratégie, qui consiste à introduire une succession de réformes « qui annoncent et préparent la société nouvelle », que Jaurès bâtit cette voie originale aussi éloignée du marxisme que du social-libéralisme vers lequel certains auteurs contemporains voudraient l’entraîner puis l’embaumer.

Avec justesse, Jean-Paul Scot souligne combien le "socialisme de la Révolution française" sera constitutif de sa pensée politique et il remet à la place qui convient cette somme monumentale à laquelle Jaurès consacra plusieurs années pour élaborer une Histoire socialiste de la Révolution française de près de 3000 pages qui pour le coup révolutionna l’historiographie révolutionnaire. En effet, pour la première fois, ce sont les aspects économiques et sociaux de la période 1789-1794 qui seront mis au premier plan.

Les apports du socialisme allemand, et notamment du marxisme, les relations avec les autres tendances socialistes, avec le radicalisme, la question sociale, le syndicalisme, la laïcité, la République - pour lui indissociable du socialisme -, la question de l’exercice du pouvoir, le rapport au capitalisme, la question de la nation et celle de l’armée : Jean-Paul Scot ne néglige aucune des autres dimensions de la pensée de Jaurès.

C’est en effet à une contre-histoire du socialisme de Jaurès que nous convie Jean-Paul Scot dans ce livre - on l’aura compris - très convaincant.

Philippe Foussier



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