Revue de presse / Livre

J.-C. Michéa : "Cours moins vite, camarade, le nouveau monde est devant toi" (Marianne, 6 jan. 17)

14 janvier 2017

Jean-Claude Michéa, Notre ennemi, le capital, Climats, Flammarion, 324 p., 19 e.

" [...] Si nous tenons vraiment à ce que cette sortie progressive du capitalisme, à terme inévitable, s’opère de manière aussi civilisée et pacifique que possible (ce que personne ne peut aujourd’hui prévoir) il est donc devenu plus indispensable que jamais – comme Engels l’écrivait en 1895 – que « les masses elles-mêmes y coopèrent, qu’elles aient déjà compris elles-mêmes de quoi il s’agit, et pourquoi elles interviennent avec leur corps et avec leur vie ». Or un rassemblement aussi large des classes populaires (rassemblement qui devrait, de plus, être suffisamment solide et cohérent pour pouvoir attirer dans son orbite idéologique – comme en Mai-68 – une grande partie des nouvelles classes moyennes urbaines) n’aura strictement aucune chance de voir le jour tant que ces classes ne se verront offrir d’autre alternative politique plausible que celle – imposée en boucle par les médias et les partis du bloc libéral – qui est censée opposer, depuis la nuit des temps, les héroïques défenseurs de la “société ouverte” et du “monde moderne” (le “parti de l’intelligence”) et ceux du “repli sur soi”, du “rejet de l’autre” et de toutes les formes de “passéisme” (et, au passage, on en vient parfois à se demander – à voir le ton moralisateur et méprisant que la plupart des intellectuels et artistes de gauche adoptent dès qu’il s’agit de faire la leçon aux catégories les plus modestes – s’il leur reste encore un minimum de sens psychologique élémentaire).

Dans ces conditions, et si nous ne voulons pas voir se rejouer sous nos yeux une énième version de l’histoire du joueur de flute de Hamelin – avec, cette fois-ci, Marine dans le rôle du chasseur de rats – il devient donc chaque jour un peu plus urgent, d’une part, de travailler à nous déprendre d’un système de classification totémique dont chacun peut constater aujourd’hui qu’il ne fonctionne plus, pour l’essentiel, que dans le seul intérêt de la classe dominante, et, de l’autre, de commencer à réapprendre – selon la belle formule de Juan Carlos Monedero, l’un des théoriciens les plus lucides de Podemos – à « tracer de nos mains un éclair qui montre qui sont ceux d’en bas et qui sont d’en haut » (analyse qui conduisait d’ailleurs Pablo Iglesias à remarquer avec humour qu’on pourrait donc « définir Podemos en disant que nous avons fait tout ce que la gauche disait qu’il ne fallait pas faire »). [...]"

[...] C’est même parce que son imaginaire no border triomphe désormais partout - dans la pratique du capital moderne, il s’entend - que la gauche "progressiste" a de plus en plus de mal à exister quelque part. [...]"



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