Revue de presse

"« Gros », « noir »... Comment ces mots sont-ils devenus « offensants » ?" (lefigaro.fr , 2 av. 23)

4 avril 2023

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Lire "« Gros », « noir »... Comment ces mots sont-ils devenus « offensants » ?"

"[...] « Le littéralisme est un des marqueurs du wokisme, explique Sami Biasoni, docteur en philosophie de l’École normale supérieure. Ses promoteurs considèrent que l’acte d’énonciation d’un mot peut primer sur son sens. Ils refusent la complexité, la polysémie, et même l’homophonie. C’est ce qui amène certaines féministes américaines à ne plus dire “woman” mais “womyn”, afin de ne pas entendre la syllabe “man”, contenu dans le mot, qui porterait une malheureuse correspondance avec un régime qu’elles qualifient d’oppressif. » De là vient la réticence à employer le terme « gros », présent dans « grossophobie », notamment. [...]

Ainsi que l’expliquait le linguiste Franck Neveu au Figaro , pour ces idéologues le lexique est une vitrine. C’est par lui qu’ils conçoivent la réalité. Ils l’empêchent alors de sortir du régime politique. On achève bien les gros, documentaire réalisé par Gabrielle Deydier, Noire n’est pas mon métier (Seuil), essai collectif de seize comédiennes françaises... Plusieurs œuvres manifestes traduisent cette notion d’appropriation identitaire. Pour Sami Biasoni, « il s’agit d’une extension de la notion militante d’appropriation culturelle. En revendiquant une appartenance identitaire à travers des termes comme “gros” ou “gouine”, qui sont des termes originellement péjoratifs, ces personnes privent le langage de sa qualité de bien collectif. C’est notamment par la langue que l’on bâtit un projet social commun, et non communautaire. » [...]

« À travers ce phénomène, on ne se contente plus seulement d’exercer une police attentive sur le monde contemporain, mais on l’exerce dans le passé, raconte Jean-Yves Mollier. Dans Les Aventures de Huckleberry Finn, de Mark Twain, le terme “nigger” - appelé le le “n-word” aux États-Unis - a ainsi été supprimé. Cependant, dans le Mississipi des années 1970, un Blanc ne s’adressait à un ami Noir qu’en l’appelant “nigger”. » Pour l’historien, il s’agit là de priver les contemporains des clés de compréhension du passé. « Chez n’importe quel éditeur, il devient par ailleurs difficile de parler de “nègre littéraire”. On préfère utiliser le terme “prête-plume”. Mais cela relève de l’anachronisme lorsqu’on parle d’un moment pendant lequel ce mot n’existait pas. »

Cela rappelle les épurations des textes de l’époque soviétique, explique Yana Grinshpun : « Le Maître et Marguerite, écrit par Mikhail Boulgakov entre 1928 et 1940, a été publié en 1966 avec une coupure de 14000 mots, selon les spécialistes, et avec le remplacement de certains mots qui semblaient “amoraux” aux yeux du régime soviétique. » Le mot « amant », par exemple, était considéré comme « dégradant », car il renvoyait aux rapports extraconjugaux de l’héroïne. Alors, on l’a remplacé par un autre. Et ce, « pour préserver la morale du lecteur soviétique. L’histoire se répète », conclut la linguiste. Espérons que l’avenir lui donne tort..."



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