Revue de presse

"En invoquant le blasphème, c’est la liberté qui est visée" (Le Monde, 6 oct. 12)

Par Rachid Azzouz, Mazarine Pingeot, Philippe-Gabriel Steg, Mohamed Ulad et Isabelle Wekstein 7 octobre 2012

"Le 3 octobre, les organisateurs du Festival de création contemporaine de Toulouse et l’artiste marocain Mounir Fatmi ont annoncé l’arrêt de la présentation d’une de ses oeuvres à cause de protestations de musulmans blessés de voir des passants marcher sur des versets du Coran projetés au sol. Une jeune femme aurait été giflée pour avoir mis le pied sur les versets...

Il y a quelques jours, l’Organisation de la conférence islamique a lancé une offensive diplomatique pour demander la reconnaissance en droit international du crime de blasphème. Depuis un mois environ, le monde arabo-musulman est secoué par des manifestations souvent violentes et parfois accompagnées d’assassinats pour protester contre un film anodin jugé blasphématoire contre la personne du prophète Mahomet.

Des dignitaires religieux chiites iraniens ont réactivé la fatwa prononcée il y a plus de vingt ans contre Salman Rushdie lors de la parution de son roman Les Versets sataniques et augmenté de 500 000 dollars (385 242 euros) la récompense pour son éventuel assassin. L’exemple du Pakistan, où la loi antiblasphème est utilisée de façon répétée pour justifier les persécutions contre les minorités chrétiennes et l’assassinat des partisans de la démocratie illustre l’hypocrisie de ceux qui se prétendent offensés par le blasphème qu’ils ont parfois eux-mêmes orchestré. Il apparaît clairement que, derrière le blasphème, c’est la liberté religieuse qui est en jeu. [...]

Dans ce double conflit, toute politique d’apaisement ou de compromis avec le terrorisme, que ce soit celui de la pensée ou celui des bombes, n’est pas seulement une capitulation inutile, c’est un coup de poignard dans le dos des démocrates et des libéraux du monde arabo-musulman. Comme le disait Churchill à l’attention du premier ministre Chamberlain rentrant de Munich après avoir signé les accords avec Hitler : "Vous aviez le choix entre la paix et l’honneur, vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre." Dans le combat planétaire que mènent les islamistes, chaque reculade ou chaque acte de résistance est diffusé du Maroc à l’Indonésie.

Dire qu’il faut avoir des comportements responsables, comme l’ont fait certains hommes politiques, constitue en réalité une incitation à l’autocensure et un recul objectif de la liberté de conscience et d’expression ; une atteinte aux principes fondamentaux sur lesquels repose toute société démocratique."

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