28 septembre 2012
"Les millions annoncés du Qatar à destination des quartiers populaires passent mal. Et pas seulement auprès de celles et ceux qui, comme Marine Le Pen, crient à l’entrisme islamiste dans les banlieues. L’aval donné par le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, au projet d’un fonds d’investissement qatari à destination des zones paupérisées interroge plus largement le sens de l’action gouvernementale en direction des banlieues, alors que la refonte de la politique de la ville est encore en cours d’élaboration et doit être dévoilée en janvier.
François Lamy, le ministre délégué chargé de la Ville, ne cache pas son scepticisme sur ce projet nourri par des fonds privés étrangers : « J’étais plutôt partisan d’une stratégie spécifique développée dans le cadre de la future Banque publique d’investissement [BPI]. Cela me paraît plus conforme à l’idée qu’on se fait de la politique en direction des quartiers », a-t-il expliqué à Libération, évoquant avant tout « le besoin d’Etat » dans des territoires « qui ont pu avoir le sentiment d’être abandonnés ». « Il va falloir que l’on se parle avec Arnaud Montebourg », prévient Lamy, qui entend bien s’impliquer sur ce dossier.
Le ministre est soutenu dans cette démarche par les élus de l’association Villes et Banlieues, qui rassemble 120 maires de toutes tendances politiques. Réunis hier en conseil d’administration, les édiles se sont montrés très critiques sur le bruyant dossier qatari. « Que les choses soient claires : cela ne nous choque pas que le Qatar, qui investit dans nos centres-villes, investisse aussi dans les banlieues ou les territoires ruraux. Mais cela ne doit pas faire oublier la responsabilité de l’Etat. Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est que l’Etat investisse pour ramener les zones les plus en difficulté dans le droit commun », résume Renaud Gauquelin, le président (PS) de Villes et Banlieues. Maire de Rillieux-la-Pape (Rhône), il plaide lui aussi pour une orientation forte en direction des quartiers de la future BPI : « C’est à ce niveau que se situent les attentes des collectivités locales. »
Floues. Pour l’instant, la constitution et la gestion du fonds demeurent éminemment floues. Ce qui est sûr, c’est que l’émirat du Golfe et l’Etat français seront rejoints par des entreprises privées. Ainsi abondé, le fonds pourrait allègrement dépasser les 100 millions d’euros (contre 50 millions annoncés). Une source diplomatique qatarie contactée par le Figaro évoque le chiffre de 150 millions. Au ministère du Redressement productif, on confie toutefois qu’il est impossible de communiquer sur une somme précise puisque le tour de table est loin d’être bouclé. De même, il semble que rien ne soit décidé sur la façon dont seront sélectionnés les projets susceptibles de recevoir une dotation. Une source proche du dossier évoque la création « d’une commission d’attribution » pouvant rassembler l’Association des maires de France (AMF), l’Association des régions de France (ARF) et l’Association nationale des élus locaux pour la diversité (Aneld), à l’origine de la proposition de Doha.
En novembre 2011, une délégation était partie dans le petit Etat des émirats solliciter elle-même la création d’un fonds d’investissement. Deux mois plus tard, en janvier, le déblocage de 50 millions était annoncé, avant d’être suspendu durant la campagne présidentielle française. Les élus de l’Aneld veillent depuis à ne pas perdre la main sur ce dossier et entendent participer jusqu’au bout. Ce qui n’est pas sans poser problème.
« Vivier ». Car l’association cristallise de très fortes crispations chez les autres élus, qui posent la question de sa légitimité, soulevant pour certains le risque de clientélisme ou de dérives communautaristes. Selon le ministre de la Ville, « ce petit groupe d’élus » n’a tout simplement pas compétence pour décider de la distribution de telles aides à l’investissement sur l’ensemble des zones paupérisées. Villes et Banlieues est plus radicale : « Il s’agit d’un groupe d’élus de banlieue communautaires. Or, pour nous, il n’est pas question de faire entrer le fait religieux ou le fait communautaire dans l’attribution d’aides. Ce serait stigmatiser encore la banlieue », explique Gauquelin, qui souhaite une « clarification de cette question »."
Comité Laïcité République
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