Revue de presse

Z. El Rhazoui : « Ce que la République veut, parfois, Allah ne le veut pas » (liberation.fr , 5 mars 19)

Zineb El Rhazoui, journaliste. 7 mars 2019

"Que veulent les femmes voilées ? Tout. Dans une tribune publiée par Libération le 1er mars, un collectif de femmes voilées réclame de faire tomber toutes les barrières qui résistent à l’entrisme de l’étendard féminin de l’idéologie islamiste. Un cri anti-discriminatoire ? Voyons voir !

« Nous, femmes musulmanes qui portons le voile, sommes souvent objets des débats plus que sujets. » Qu’elles soient remerciées de préciser qu’elles portent le voile, car musulmane voilée n’est pas un pléonasme. Plus tard dans le texte de la tribune, les signataires feront l’économie de cette précision, dénonçant les « discriminations » dont souffrent les « femmes musulmanes », alors même qu’elles décrivent des cas précis impliquant des femmes voilées. Ainsi, à l’instar des boutiquiers de l’« islamophobie » comme le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), elles amalgament sciemment le refus d’un signe idéologique au rejet d’une catégorie de la population en raison de son appartenance ethnique ou religieuse. En France, la majorité des femmes nées de confession musulmane ne portent pas le voile, protégées qu’elles sont par les lois de la République, contrairement à celles qui se battent au péril de leur vie pour l’ôter dans des pays qui l’imposent dans leurs lois ou leurs usages sociaux. La majorité des Françaises de confession musulmane ne font pas de leur foi ou de leur pratique religieuse une revendication politique, contrairement aux signataires de cette tribune.

Elles se plaignent d’être « objets », sans être nullement interpellées par le sens profond de l’uniforme qu’elles ont choisi de porter. Le voile n’est-il pas après tout cette étoffe de « pudeur » censée protéger les femmes contre les ardeurs masculines ? Elles sont ainsi réduites à des objets sexuels, et les hommes à des prédateurs dont le self-control dépend de la tenue vestimentaire des dames. « On nous demande d’être discrètes », se plaignent-elles. N’est-ce pas, mesdames, précisément ce que vous demande la version de l’islam que vous avez choisi d’appliquer ? « On nous demande de respecter la ’’culture’’ », enchérissent-elles. Non mesdames, on vous demande de respecter la loi, simplement, comme tout le monde.

Lorsque vous réclamez « la liberté d’être femmes musulmanes en France », vous ne dupez personne, car en France, pays démocratique et laïque, l’islam est un culte d’exercice libre en vertu de l’article 1er de la loi de 1905. Sans cette laïcité dont vous dénoncez le détournement alors même qu’elle vous protège, votre liberté religieuse serait soumise au bon vouloir de l’Etat catholique, comme l’est celle des minorités religieuses dans les théocraties islamiques qui lorsqu’elles n’obligent pas les femmes à porter le voile, les encouragent à le faire.

C’est grâce à cette laïcité que vous honnissez que l’islam – fort heureusement – bénéficie du même traitement que des cultes bien plus anciens en France, à la condition qu’il se tienne à égale distance de l’Etat qu’eux. Lorsque vous réclamez le droit « d’accéder à tous les équipements et services publics sans entraves, d’accompagner les sorties scolaires, de pratiquer les sports que (vous souhaitez ), d’accéder à tous les emplois, y compris ceux de la fonction publique », vous n’entretenez pas seulement un discours victimaire infondé, mais vous révélez clairement l’agenda politique que cache ce voile que vous refusez d’ôter, même pour quelques heures, même pour respecter un règlement intérieur.

Non, vos voiles n’ont pas plus leur place au sein de l’administration publique ou des sorties scolaires que ceux des nonnes, que les kippas ou que les tee-shirts à messages politiques. La première vous est fermée en vertu de la loi de 1905 et les secondes devraient vous l’être en vertu de la loi de 2004. Aucun emploi, aucun équipement, aucune discipline olympique ne sont interdits aux femmes musulmanes, à condition qu’elles acceptent – pour celles qui portent le voile – de l’enlever pour quelques heures, exactement comme les porteurs suscités des autres signes. Votre problème, mesdames les voilées, c’est que ce que la République veut, parfois, Allah ne le veut pas."

Lire "Femmes voilées : « Ce que la République veut, parfois, Allah ne le veut pas »".


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