Remise des Prix le 9 novembre 2022 à la Mairie de Paris

VIDEO Prix de la Laïcité 2022. Gilbert Abergel : "Le danger pour notre République, c’est l’islam radical, l’islam politique, l’islamisme" (Prix de la Laïcité, 9 nov. 22)

Gilbert Abergel, président du Comité Laïcité République. 16 novembre 2022

Madame la Maire de Paris, chère Anne Hidalgo, je vous remercie pour l’accueil que vous nous réservez, montrant ainsi qu’un lien solide nous unit.

Chacun sait que l’écrin républicain dans lequel vous nous recevez participe à l’éclat de cet événement annuel, point d’orgue de l’action du Comité Laïcité République.

Madame la Maire, Monsieur le président, cher François Hollande, merci de nous accorder ce moment

Monsieur le Premier adjoint, cher Emmanuel Grégoire

Monsieur le Premier ministre, cher Emmanuel Valls

Mesdames, messieurs les ministres

Mesdames, messieurs les anciens ministres,

Mesdames messieurs les parlementaires

Monsieur le président du Parti radical de gauche, cher Guillaume Lacroix

Monsieur le Grand maître du Grand Orient de France, cher Georges Sérignac, mesdames, messieurs les représentants des obédiences et juridictions maçonniques françaises

Mesdames Messieurs, les présidents d’associations

Et vous tous, chers amis qui, par votre présence, témoignez votre adhésion au combat que nous menons depuis plus trente ans, soyez les bienvenus à la 16e édition de cette cérémonie de remise des prix de la laïcité.

Nous aimons ce moment, cette rencontre annuelle qui nous permet de :

  • distinguer des personnalités pour leur action en faveur de la laïcité, à l’intérieur et hors de nos frontières
  • porter un regard sur l’actualité de notre République, dresser l’inventaire de nos avancées et du chemin qui reste à parcourir
  • donner du courage à tous les militants et sympathisants qui se retrouvent ici.

Il y aura quatre lauréats ce soir, deux femmes, deux hommes (pur hasard) qui, par leur engagement, nous montrent la voie. Leurs parcours, vous le verrez, illustrent nombre de nos combats.

Et puis, cette rencontre nous permet aussi de partager nos émotions, nos indignations, nos espoirs.

Porter un regard, c’est s’essayer à l’inventaire.

L’inventaire des innombrables coups de boutoirs contre la laïcité, des piscines à Grenoble et, sans aucun doute ailleurs, des revendications qui envahissent le milieu sportif, des tentatives de contournement de la loi de 2004 sur les signes religieux, khamis et abayas.

Ces agressions bénéficient d’une certaine visibilité puisqu’elles sont relayées abondement par les médias.

Contrairement à ces coups, il en est d’autres qui ne font pas l’actualité et qui sont le quotidien de militantes et militants, que nous ne pourrons pas tous pas citer ce soir, mais qui combattent jour après jour, dans des environnements souvent hostiles, parfois agressifs, voire meurtriers, pour que survivent nos valeurs et que cesse ce grignotage incessant de nos territoires, de nos écoles, de nos institutions.

Des choses dont nous parlions déjà il y a un an, il y a deux ans, il y a trois ans, et qui perdurent et, parfois, s’accentuent

Les pouvoirs publics semblent en avoir pris la mesure (sans doute pas tous). Des forces politiques s’en accommodent, et dans un retournement où la mauvaise foi le dispute à l’inculture, font des victimes les bourreaux…

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Et que dire de ces quelques enseignants, heureusement minoritaires, idiots utiles de l’islam radical, militants d’un antiracisme devenu fou (titre d’un livre de P.-A. Taguieff) et auxquels Mickaelle Paty, sœur de Samuel, qui s’est excusée de ne pouvoir être des nôtres ce soir, a rappelé dans un hommage émouvant en Sorbonne, qu’en France, on ne mettait pas un "oui mais" après le mot décapitation, mais un point [1].

Et dire que ces enseignants-là ont en charge la formation d’une jeunesse parfois déboussolée qui nous regarde souvent avec étonnement, voire agressivité, révélant ainsi l’urgence d’une mobilisation autour de notre appareil éducatif. Notre ami Iannis Roder, qui alertait déjà, voici 20 ans, avec d’autres, sur les Territoires perdus de la République, vient de nous livrer un constat sans appel avec son dernier ouvrage, La Jeunesse française, l’école et la République. Jean-Pierre Obin, qui fut lauréat du Prix Laïcité en 2018 nous avait aussi prévenus de ces dangers. C’est un euphémisme que de dire que les alertes de nos amis n’ont pas toujours recueilli toute l’écoute attendue.

Pourtant, la menace (pardon pour ce registre un peu guerrier) est bien là.

Face à cette menace, nous avons, au Comité Laïcité République, maintes fois réaffirmé notre politique :

  • Nous n’avons plus peur de risquer l’amalgame
  • Nous méprisons le « pas de vaguisme »
  • Nous ne craignons plus la mauvaise interprétation que pourrait faire un croyant de notre refus des religions conquérantes
  • Nous ne nommons plus à voix basse, à moitié, presqu’en s’excusant, cette dérive totalitaire
  • Nous désignons le danger pour notre République, comme nous le faisions il y a un an à cette même tribune, l’islam radical, l’islam politique, l’islamisme, appelez-le comme vous voudrez.

Rachida, Marilou, et bien d’autres pourraient vous en parler, mais vous savez tout ça.

Vous savez aussi que notre République et les démocraties occidentales ne sont pas les seuls terrains à conquérir pour ces fous de dieu. L’actualité internationale, pour ce qu’elle nous rend de visible, nous invite du côté de l’Afghanistan (qui en parle aujourd’hui ?) et bien sûr en Iran.

Notre amie Karima Bennoune, Prix international de la laïcité en 2019, avait parcouru une vingtaine de pays de culture musulmane pour y rencontrer des opposants aux islamistes fondamentalistes, dressant le portrait de 300 d’entre eux, héros du quotidien, musulmans.

Ces héros du quotidien, aujourd’hui, ce sont les femmes, les hommes qui, en Iran, sont prêts à donner leur vie pour arracher leur liberté. Et ils ont besoin de notre soutien, de nos mots.

Ces femmes et ces hommes méritent mieux que la « Une » éphémère d’une actualité pléthorique qui ambitionne de mettre à notre portée, en la simplifiant si nécessaire, la vie de notre planète, dans sa multitude, dans sa complexité.

Songez qu’en quelques jours, la révolte iranienne et son lot d’assassinats sont passés de la première à la quatrième place de la hiérarchie médiatique, dépassée par les méga-bassines de Sainte Soline, ou encore, la voiture endommagée de M. Jadot. Et aujourd’hui, plus un seul mot !

Les dictatures, nous le savons, ont toujours eu pour alliés fidèles, l’indifférence des nations.

Ces femmes, ces hommes, qui se battent en Iran, nous envoient un double message.

  • D’abord à celles qui pensent que ce morceau de tissu peut être l’étendard de leur liberté alors qu’il est un symbole.
    Celui d’une oppression politico-sexuelle comme l’a si bien écrit notre amie Nadia Geerts. Une oppression qui tue.
  • Le second message s’adresse à ceux qui, militants laïques convaincus, seraient tentés par le renoncement. « C’est foutu, disent-ils, on a trop attendu, ces territoires perdus le sont à jamais. Faisons avec … » A ceux-là, les Iraniennes et les Iraniens qui se mobilisent pour mettre à bas cette dictature démontrent qu’aucun combat n’est perdu d’avance. Et que, si ceux qui vivent depuis 40 ans sous le joug d’une théocratie meurtrière peuvent se révolter, alors, une République fière de son Histoire et de ses idéaux ne peut, ne doit, en aucun, se résigner.

Notre amie Iris Iran Farkhondeh parlera, tout à l’heure, en leur nom

Notre actualité, c’est tout cela, avec la permanence de la figure de Samuel Paty, de nos amis de Charlie. Ils sont avec nous, ce soir. Je veux saluer ici Christophe Capuano, l’ami de Samuel Paty, qui préside le jury des prix Samuel Paty à destination de la jeunesse scolarisée. Heureuse initiative de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG), dont je salue également les représentants parmi nous

Au cours de ces derniers mois, nous nous sommes efforcés d’accomplir ce travail militant pour lequel nous avons été créés. Un travail d’interpellation, un travail pédagogique, une veille permanente.

Et parce qu’au Comité Laïcité République, nous considérons que l’argumentation raisonnée vaut mieux que ces tweets acides et vengeurs qui substituent trop souvent l’injure et l’invective à l’argumentation, nous faisons un usage modéré des "réseaux sociaux", leur conférant le simple statut de support d’information et de révélateur des troubles que traverse notre République. Nous y sommes, pour autant, des spectateurs attentifs.

Au cours de ces derniers mois, nous avons organisé des colloques [2] : "Sport et laïcité", à Paris, "Radicalisation à l’hôpital", à Pau avec Patrick Pelloux, sur les mouvances identitaires, sur la défense du droit des femmes, à Nantes, sur le blasphème, à Marseille, sur les nouveaux enjeux de la laïcité, à Avignon et à Genève… et bien d’autres initiatives menées par nos CLR en régions [3].

Nous avons aussi participé au colloque organisé en début d’année par le Collège de philosophie de la Sorbonne, un colloque dont le thème se voulait constructif [4]. Mettant en pièces toutes les croyances « wokistes » et théories de l’annulation il nous a valu les invectives de la mouvance décoloniale, et l’injure suprême d’"alliés objectifs de l’extrême droite". C. Kintzler, D. Schnapper, et bien d’autres, dont les convictions humanistes sont incontestables, y intervenaient. Trouvez-moi des fascistes un peu plus crédibles…

Ayant découvert la souplesse des webinaires, nous en avons organisé plusieurs, dans le cadre des "Jeudis du CLR" (sur l’universalisme, sur la fin de vie, sur l’école…)

Et puis, comment ne pas se souvenir qu’il y a un an, nous étions à la veille d’élections majeures pour l’avenir de notre pays ? Nous avons donc, comme nous nous y étions engagés, questionné les candidats pour connaitre la nature des engagements qu’ils prendraient en faveur de la laïcité et pour défendre les valeurs de la République. Tous ont répondu, à l’exception du RN et du parti de M. Zemmour.
Nous avons obtenu des réponses argumentées, fruit d’une réflexion sincère et authentique qui nous laissaient espérer que ces thèmes seraient au cœur des débats à venir [5].

Vous connaissez la suite. L’entrée en nombre de l’extrême droite (je risque une action en justice). Une gauche dominée par une tendance radicale, un parti présidentiel dépourvu des moyens de gouverner sereinement…

Et pendant ce temps, à Bagnolet, en l’espace de dix ans, l’entrisme islamo-décolonial a fait son nid, à Saint-Denis une mosquée s’installe en bas d’un immeuble, une femme non voilée se fait cracher dessus, et une brasserie de la ville cesse soudain de servir de l’alcool.

L’offensive se poursuit, nos institutions sont fragilisées.

La voie de notre action future est donc tracée par l’actualité

  • L’école
  • La poursuite de notre travail de veille et d’alerte, notamment en qui concerne l’entrisme islamiste dans le sport
  • Notre solidarité avec toutes les victimes des fondamentalismes, aujourd’hui l’Iran
  • La fin de vie. On nous a fait croire que le mouvement était inéluctable. Et aujourd’hui on voit se réveiller les forces réactionnaires

Je l’évoquais à l’instant, nous avons été reçus au ministère de l’Education nationale et avons fait part de nos préoccupations quant au devenir de l’école dont chacun sait qu’elle est l’institution matrice de nos valeurs républicaines. Nous y avons été écoutés. L’avenir dira si nous avons été entendus.

« Réinstituer l’École de la République », comme nous le proposons, ne sera pas une mince affaire. Nous avons perdu du temps, trop de temps et cette reconstruction devra mobiliser tous les républicains qui devront renoncer aux bénéfices éphémères qu’ils espéreront tirer d’une réforme qui portera leur nom, pour se consacrer à une véritable réforme de fond.

La question de la fin de vie, inscrite à l’agenda politique par le président, nous permettra de poursuivre notre action entamée avec les députés Jean-Louis Touraine et Olivier Falorni, lors des derniers mois. Ils seront l’occasion d’un partenariat fécond avec nos amis de l’Union des familles laïques, l’UFAL, pour les familiers.

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N’oublions pas que, bientôt, se dérouleront les Journées laïques de Ferney Voltaire [6], fruit d’un partenariat du CLR avec la mairie, né il y a quelques années et qui sera cette fois consacrée à la question du blasphème avec en clôture, une représentation de la pièce de notre ami Charb, dont chacun se souvient qu’il présida le jury du Prix de la Laïcité en 2012 [7].

Et puis, l’actualité nous offrira, soyons-en sûrs, de multiples occasions de parler et d’agir, en affirmant notre attachement aux valeurs qui nous sont chères.

Nous sommes nombreux, ce soir. Quelques invités, fidèles de ce rendez-vous annuel, m’ont demandé de les excuser. Richard Malka, Catherine Kintzler, Gilles Clavreul, Jean-Pierre Changeux, appelés sur d’autres chantiers ne sont pas des nôtres. Elisabeth Badinter non plus. A cet égard, je voudrais lui témoigner de notre reconnaissance.

Elisabeth Badinter que nous comptons parmi nos plus fidèles amis, a subi, il y a quelques semaines, des critiques injustifiées. Parce qu’elle a rappelé que les mots avaient un sens, qu’ils étaient porteurs d’une histoire, en l’occurrence, une histoire tragique, et que leur banalisation était insupportable. Évoquer l’imprescriptibilité pour des crimes, quelle que soient leur gravité et la condamnation sans réserve dont ils doivent faire l’objet ne doit pas venir banaliser les mots de la période la plus tragique du siècle dernier. De la même manière que dire de manifestants qu’ils ont été "gazés" me semble inadapté. Et il faut une sacrée dose de mauvaise foi et peut-être d’inculture, de méconnaissance des nuances que nous offre notre belle langue, pour suspecter Elisabeth Badinter de complaisance à l’égard des agresseurs sexuels.

Mes amis, nous allons maintenant procéder à la remise des prix attribués par un jury présidé par Patrick Pelloux. Patrick qui n’a pas hésité une seule seconde avant d’accepter cette présidence. Je l’en remercie et lui passe la parole.


Voir aussi toute la rubrique Prix de la Laïcité 2022 dans Prix de la Laïcité (note du CLR).


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